Alex Harvey : « Pas le choix d’avoir des doutes… »

Renversé par le cas de dopage de Therese Johaug, Alex Harvey aimerait se convaincre de l’innocence de la fondeuse norvégienne.

« Tout le monde veut y croire, mais je ne peux pas m’empêcher d’avoir des doutes », a-t-il admis au téléphone depuis l’Utah, hier après-midi.

La veille, Harvey et ses coéquipiers avaient appris avec stupéfaction que Johaug avait subi un contrôle positif au clostébol, un stéroïde anabolisant interdit. « Les bras nous sont tombés, on n’en revenait pas. »

En conférence de presse à Oslo, où la nouvelle a aussi eu l’effet d’une bombe, Johaug a expliqué la présence de ce produit dans son organisme par une crème utilisée pour soigner sa lèvre meurtrie lors d’un stage d’entraînement en Italie, le mois dernier.

Harvey était présent à ce camp qui s’est déroulé en partie à Livigno, l’équipe masculine canadienne ayant reçu une invitation des Norvégiens. Il a croisé Johaug à quelques reprises et remarqué l’énorme feu sauvage, un problème récurrent pour elle, qui barrait presque toute sa lèvre inférieure.

Que le médecin de l’équipe lui ait conseillé de traiter son ulcère avec une crème médicamenteuse est parfaitement concevable. Mais que personne n’ait aperçu le logo bien visible sur la boîte indiquant la présence d’un produit interdit, une obligation en Italie depuis la criminalisation du dopage sportif, le laisse pantois.

« Comment fais-tu pour ne pas t’en rendre compte ? s’est demandé Harvey. On est sensibilisés à ça depuis qu’on est jeunes. À faire attention si on prend des vitamines, à ne pas prendre des Tylenol Sinus, qui peuvent [entraîner un test] positif à la codéine. »

« Là, c’est écrit doping dessus. Je ne sais pas. C’est dur de se faire une tête là-dessus. Autant elle peut démontrer qu’elle a fait une erreur, autant tu te demandes comment tu peux arriver à faire une erreur comme ça. »

— Alex Harvey

En prenant connaissance de l’explication de Johaug, l’athlète de Saint-Ferréol-les-Neiges n’a pu s’empêcher de penser à l’histoire de Lance Armstrong, positif aux corticoïdes au Tour de France 1999. Le cycliste déchu s’en était tiré en produisant une ordonnance antidatée pour une pommade servant à soigner une dermatite allergique à la selle. « On dirait que c’est surréaliste parce que ça ressemble à ça », a noté Harvey.

L’affaire tombe à un très mauvais moment pour l’équipe norvégienne, déjà éclaboussée cet été par le test positif au salbutamol de Martin Johnsrud Sundby. Initialement blanchi par la Fédération internationale de ski (FIS), le champion de la Coupe du monde a reçu une suspension de deux mois l’été dernier après un appel de l’Agence mondiale antidopage devant le Tribunal arbitral du sport.

« L’affaire de Sundby m’écœure plus que l’affaire de Therese », a lâché Harvey, choqué par la quantité de salbutamol, un médicament contre l’asthme, inhalée par le Norvégien lors du Tour de ski 2014-2015. « Les doses sont tellement grandes que tu ne peux pas te dire qu’il en a pris sans avoir l’intention d’en tirer un avantage. »

Comme d’autres, le Canadien a eu l’impression que son rival norvégien avait presque bénéficié d’un « passe-droit » dans cette histoire, dont le dévoilement a pris un an et demi. Une sentence bonbon pour Johaug serait dévastatrice pour l’image de la FIS, juge-t-il.

« J’ai lu qu’elle pourrait recevoir entre trois mois et quatre ans. Si c’est trois mois, ça paraîtra mal en maudit. Elle est gagnante du classement cumulatif. Elle vient du meilleur pays. Tu te diras : un “deal” s’est fait quelque part. Mais honnêtement, quatre ans, ce serait quand même beaucoup pour une première infraction. Ce sont des niveaux très bas qui ne peuvent pas provenir d’une injection. »

Chose certaine, l’affaire Johaug vient sérieusement ternir l’image d’un pays fou de ski de fond. « On le voit en camp, ils s’entraînent très fort, le soutien qu’ils ont, rien n’est laissé au hasard, a noté Harvey. Tu sens que c’est le meilleur pays au monde, comme nous pour le hockey. Mais à un moment donné, un produit comme ça permet de mieux récupérer des entraînements. Ça soulève tellement de doutes. C’est difficile de se camper dans une position ou l’autre. C’est un grand choc pour tout le monde. »

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