100 idées pour améliorer le Québec Un coup de pouce à l’économie

Politique du bonheur : ça fonctionne !

Un objectif primordial de toute collectivité est de rendre ses membres heureux de la vie qu’ils mènent. Un consensus mondial est en train d’émerger autour de cette proposition. Au cours des années récentes, la recherche scientifique sur le bonheur des gens a progressé rapidement. Le World Happiness Report des Nations unies fait maintenant le point chaque année sur son évolution. Plusieurs pays – cela va de la Suède aux Émirats arabes unis – publient des mesures de bien-être et de satisfaction de la vie et les utilisent pour guider leurs politiques économiques, sociales et culturelles.

L’évolution du bien-être au Québec dans les dernières décennies est tout à fait remarquable. En 1985, les Québécois étaient moins satisfaits de leur vie en général que les autres Canadiens. Vingt-quatre ans plus tard, en 2009, ils avaient grimpé dans l’échelle du bien-être au point de dépasser les autres Canadiens, et même de se classer au deuxième rang mondial, derrière les Danois. J’ai fait état de ces résultats dans La Presse en 2012. Depuis lors, les relevés effectués par Statistique Canada indiquent que la satisfaction de la vie au Québec tend à converger vers le niveau des autres régions du Canada.

Qu’est-ce qui rend les gens, les communautés et les pays heureux ? Eh bien, les recherches paraissent démontrer que ce n’est pas l’instinct de possession ou de compétition, mais plutôt les sentiments de dignité, d’appartenance et de contribution à des œuvres collectives. 

Au niveau personnel : une bonne santé physique et mentale, des relations interpersonnelles et familiales fructueuses, un travail satisfaisant. Au niveau collectif : le niveau de vie, l’espérance de vie en santé, la possibilité de compter sur quelqu’un au besoin, la générosité, le sentiment de liberté, l’absence de corruption dans l’entreprise et l’État. Bien identifier ces facteurs ouvre tout un éventail de possibilités d’interventions concrètes permettant d’améliorer le bien-être.

Pour le bonheur présent et futur des enfants, on vient de trouver que la qualité de l’environnement scolaire importe au plus haut point. Des projets en ce domaine sont en cours en Inde, au Bhoutan, au Moyen-Orient, en Amérique latine et au Royaume-Uni. Ils confirment magistralement l’idée que le développement d’aptitudes comme la pleine conscience, la ténacité, la gratitude, l’empathie, la gestion du stress, la sociabilité, le leadership, l’esprit critique et la capacité de résolution de problèmes améliore sensiblement le bien-être des élèves et même leurs résultats dans les tests de littératie et de numératie.

En matière de bien-être, les Québécois ont déjà commencé à tracer leur propre voie. Nous avons une préférence plus marquée pour le temps libre, nous prenons plus soin les uns des autres, nous investissons plus dans la famille et les enfants. Nous avons plus confiance en notre capacité de résoudre nos problèmes collectivement.

En faire davantage

Mais il est possible d’aller plus loin, comme l’ont démontré plusieurs initiatives récentes qui sont parties de la base plutôt que d’en haut, et qui ont impliqué des personnes et des groupes dans les entreprises, les communautés, les écoles, les prisons, etc. Non seulement ont-elles résolu des problèmes précis, mais elles ont en plus rassemblé les gens concernés autour du bien-être collectif.

L’innovation passe par le débat, l’expérimentation et la prise de risques. Le Québec doit lui aussi investir avec audace dans des infrastructures de prochaine génération en matière de communications, d’énergie et de transport.

Nous pouvons jeter de telles bases tout en adoptant une pratique novatrice axée sur le financement du bien-être, laquelle évalue les ressources allouées selon leur capacité à contribuer au bien-être dans un contexte de développement durable. Pour que le Québec demeure concurrentiel, il doit se distinguer dans certaines disciplines, ce qui n’exclut pas de choisir ces dernières afin d’investir de façon judicieuse dans la qualité de vie des collectivités.

Ainsi, en mettant le bien-être de ses citoyens au cœur de sa volonté de s’imposer comme centre névralgique de l’intelligence artificielle, Montréal fait figure d’exemple.

Au centre des décisions publiques

Dans certains pays, comme la Suède et les Émirats arabes unis, les grands ministères, les principaux indices statistiques et les politiques adoptées à tous les niveaux accordent maintenant une large place à la satisfaction de vivre et à d’autres indicateurs du bien-être.

Il reste encore beaucoup à savoir sur les politiques les plus favorables au bien-être et, pour cela, il nous faut pouvoir le mesurer. L’OCDE et l’Académie des sciences des États-Unis ont élaboré des guides afin d’aider les bureaux de statistique, les villes et les collectivités à mesurer le capital social et la satisfaction de vivre. Les occasions de faire preuve de leadership sont multiples.

Nous pourrions également faire plus si nous étendions avec plus de conviction à l’ensemble de nos politiques publiques les critères de bien-être énumérés ci-dessus. Nous pourrions ainsi attaquer certains de nos points faibles bien connus, tels l’inefficacité de certains de nos services publics, leur manque de transparence ou leur vulnérabilité à la corruption. Oui, cela est possible !

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