Santé publique

Ce qu’il faut savoir

C’est un phénomène sous-rapporté et mal connu des intervenants sociaux, alors qu’il devrait être, a contraire, « une préoccupation majeure », vu le jeune âge des victimes et le « risque significatif de mort subite ». Voici comment un récent rapport de la Dre Louise Paré, spécialiste en santé publique, décrit les risques des dépoussiéreurs. Voici aussi ce que les parents, les écoles et les travailleurs de la santé doivent savoir.

Ce qu'il faut savoir

DE QUOI S’AGIT-IL ?

Vendus légalement et à bas prix, les dépoussiéreurs contiennent un produit chimique appelé gaz réfrigérant – ou difluoroéthane – qui permet de nettoyer des appareils électroniques ou de propulser divers produits aérosol. Liquide glacial dans la bouteille, il se transforme en gaz sitôt libéré. Les jeunes détournent son usage en le vaporisant dans leur bouche, ou encore dans un sac ou dans un ballon pour l’inhaler, rapporte Guylaine Sarrazin, chercheuse et travailleuse sociale au centre de réadaptation en dépendance Le Virage, en Montérégie.

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QUELS SONT LES EFFETS RECHERCHÉS ?

Il provoque « une intoxication immédiate et intense », un sentiment d’euphorie. « Il est absorbé dans le sang par les poumons et circule jusqu’au cerveau. La phase aiguë ne dure que quelques minutes et une petite quantité de la substance suffit. […] Le jeune peut consommer après l’école et retourner sobre à la maison », s’inquiète la Dre Paré dans son rapport. « Tu es très étourdi, et engourdi partout ; ta voix devient très, très grave ; et tu te mets surtout à rire sans raison. Tu perds conscience de tout, sauf du fait que tu es quelque part, connecté avec des gens qui rient de la même façon que toi », raconte un jeune Montréalais qui a aimé sa première expérience, mais qui a déchanté après s’être mis à vomir et à trembler de tout son corps.

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QUELS SONT SES DANGERS ?

« Les conséquences de la consommation de substances volatiles sont imprévisibles. […] La mort peut survenir après une seule utilisation », a écrit la Dre Paré. Mélanger les substances ou avoir des problèmes de santé comme l’asthme augmente les risques. Des États-Unis au Japon en passant par le Québec, les cas s’additionnent. Ce genre de gaz augmente la réponse du cœur à l’adrénaline. L’an dernier, l’Institut national de santé publique expliquait qu’il peut ainsi causer « une arythmie pouvant être fatale suivant un stress physique ou psychologique ». Il peut provoquer des œdèmes pulmonaires, des crises d’épilepsie, endommager les reins ou le foie. Ou causer divers malaises comme l’évanouissement, des vomissements, des maux de tête, et même des engelures, étant glacial.

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QUELLE EST SA POPULARITÉ ?

Selon les recherches consultées par la Dre Paré, de 2,6 à 4,4 % des élèves canadiens ont déclaré utiliser des solvants. L’an dernier, la Direction de santé publique de l’Estrie a annoncé que l’inhalation de dépoussiéreurs était en croissance. En Montérégie, environ 1 % des jeunes traités au Virage admettent s’y être adonné, ce qui représente quelques dizaines de patients chaque année. « C’est vraiment un phénomène qui touche surtout les adolescents ou les adulescents de 20-25 ans », précise Martin Tétreault, directeur adjoint au programme de santé mentale et dépendance. Le gaz réfrigérant représente rarement la substance de choix, dit-il. Mais un usager fréquent pourra saigner du nez, trembler, être fatigué ou déprimé.

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DEPUIS QUAND EST-IL UTILISÉ COMME DROGUE ?

L’inhalation de dépoussiéreurs est plutôt récente. « On voit des cas depuis 2010 ou 2011. Ça va par vagues ; ça part dans une école, puis on en retrouve dans cinq ou six, parce que les jeunes initient leurs amis », indique Martin Tétreault. Certains élèves ont la mauvaise idée de diffuser leurs expériences ou leurs méthodes sur les réseaux sociaux. L’inhalation d’autres substances volatiles  – produits nettoyants, adhésif, liquide correcteur, etc. – se voit par contre depuis des décennies, rappelle-t-il.

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DOIT-ON INTERDIRE CES PRODUITS ?

Au Manitoba, en Angleterre et en Australie, la loi interdit de vendre de tels produits à un mineur si l’on soupçonne qu’il s’en servira pour s’intoxiquer. Mais les produits en cause sont si nombreux et si banals qu’il serait ardu de tous les garder sous clé ou de les remplacer par des produits moins nocifs.

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Que faire ?

Le ministère de la Santé doit mettre en place un système de suivi, recommande prioritairement la Dre Paré. Pour ne pas donner de mauvaises idées aux jeunes, les renseignements devraient par ailleurs « parvenir directement » aux parents, qui « ne sont pas vraiment conscients des dangers », ajoute son rapport. « Non seulement ces produits ne coûtent pas cher, mais parfois, ils se trouvent déjà dans l’armoire de la maison », renchérit Martin Tétreault. Son centre a aussi conçu une fiche d’information pour les écoles et rencontré des commerçants « pour qu’ils surveillent leurs étalages et soient à l’affût s’ils voient toujours le même jeune se procurer du nettoyant à clavier ».

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