Immobilier et retraite

La retraite coûtera-t-elle si cher ?

Votre vieil oncle Gérard, à la retraite depuis quelques années, vient de retourner travailler à temps partiel : il n’avait pas assez d’épargne pour le reste de ses vieux jours. « Ne fais pas la même erreur que moi, commence à mettre de l’argent de côté tout de suite », vous a-t-il recommandé.

Justement, le site web de votre banque propose un outil appelé « Planifier ma retraite » pour « vous fournir une projection de retraite personnalisée ». Vous entrez les montants demandés à l’écran, bien décidé à planifier votre avenir de façon responsable.

Au bout des cinq étapes, vous apprenez avec horreur que vous devriez amasser un magot de 758 306 $ avant de pouvoir quitter le boulot, à 65 ans. Il vous faudrait épargner 2500 $ de plus chaque mois pour parvenir à ce montant magique.

Découragé, vous n’osez pas annoncer la mauvaise nouvelle à votre conjointe. Avec la nouvelle maison et les enfants qui grandissent, vous n’arrivez pas à mettre un sou de côté.

Mais la machine a-t-elle raison de vous fixer un objectif aussi élevé ?

UN OBJECTIF CONTESTÉ

« L’industrie financière tente de culpabiliser les gens de ne pas assez épargner, fait remarquer Denis Preston. Mais dans bien des cas, vous n’avez pas besoin de tant d’argent à la retraite. »

Les calculateurs font leurs prévisions en présumant que vous aurez besoin, pour vos vieux jours, de 70 % du revenu brut que vous aviez pendant votre vie active.

« Mais l’objectif de 70 % fait l’objet de débats. On ne peut pas appliquer la même formule pour tout le monde. »

— Nathalie Bachand, présidente de l’Institut québécois de planification financière

Denis Preston explique que ce chiffre est inspiré de la rente versée par les régimes de retraite à prestations déterminées. « Mais ce sont les privilégiés qui ont de tels régimes, et certains ont plus d’argent à la retraite que pendant leur vie active, note-t-il. Il serait plus réaliste de prendre 50 ou 60 % parce que plusieurs dépenses disparaissent à la retraite. »

« En visant 70 %, dans certains cas, ça obligerait les gens à se priver pendant la vie active, alors qu’ils ont des enfants et plusieurs obligations, pour vivre plus confortablement à la retraite. »

Il souligne aussi que l’utilisation du revenu brut de travail pour faire ce calcul, sans tenir compte du taux d’imposition et de toutes les déductions sur le salaire, est problématique.

Dans une étude publiée l’automne dernier, Option consommateurs fait plusieurs mises en garde au sujet de ces instruments de planification de retraite. L’étude souligne notamment que les institutions financières sont en conflit d’intérêts puisque, après avoir mis les consommateurs en confiance en se présentant comme des éducatrices, elles font des profits en leur vendant des produits financiers.

Denis Preston a fait travailler ses étudiants en planification financière d’HEC Montréal sur ces outils. « Certains sont très mal conçus, conclut-il. Parfois, ils ne tiennent pas compte des taux d’imposition du Québec, d’autres présentent des problèmes avec les hypothèses de rendement. »

La principale utilité de ces instruments, selon Nathalie Bachand, est de sensibiliser les consommateurs à l’importance de planifier leur retraite. « Ça peut être une première étape, mais il faut les utiliser avec prudence, dit-elle. Ça ne remplace pas les conseils personnalisés. »

Pour avoir une meilleure idée du montant à épargner, il faut estimer son budget à la retraite en se demandant quelles dépenses disparaîtront, comme celles liées aux enfants ou encore le paiement d’une hypothèque ou d’une deuxième voiture.

Il est plus facile de faire cet exercice quand on s’approche de la retraite. Mais il faut également déterminer son profil d’investisseur et sa stratégie de placement, ce qu’un instrument en ligne peut difficilement faire.

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