LIVRE Le cerveau de votre ado

EXTRAIT L’essence de l’adolescence

L’auteur donne les clés pour relever l’un des plus grands défis de la parentalité : accueillir l’incroyable potentiel de l’adolescent. Le conflit intergénérationnel n’est pas une fatalité !

L’adolescence est une période de la vie aussi déroutante qu’extraordinaire. S’étalant approximativement de 12 à 24 ans (eh oui, tant que ça !), elle est considérée dans toutes les cultures comme une époque de grand défi, à la fois pour les adolescents eux-mêmes et pour les adultes qui les entourent.

Parce que l’adolescence est une étape souvent difficile à traverser pour toutes les personnes concernées, j’espère pouvoir être utile aux membres des deux générations. Si vous êtes adolescent, je souhaite que ce livre vous accompagne dans ce voyage tantôt pénible, tantôt palpitant, dans lequel vous êtes engagé. Si vous êtes parent d’un adolescent ou si vous travaillez avec des ados en qualité d’enseignant, de conseiller d’orientation, d’entraîneur sportif ou de mentor, puisse-t-il vous aider à les aider, non seulement à survivre, mais aussi à s’épanouir tout au long de cette période incroyablement formatrice.

Commençons, si vous le voulez bien, par tordre le cou sans attendre aux mythes, nombreux et néfastes, sur l’adolescence, aujourd’hui démentis par la science.

• Un premier mythe, l’un des plus tenaces, veut que le déchaînement hormonal subi par les adolescents les rende « fous », leur fasse « perdre la tête » ou « péter les plombs ». Ce qui est faux.

Certes, les taux d’hormones augmentent, mais ce facteur est loin d’être le seul à déterminer le comportement des ados. Nous savons aujourd’hui que ce que vivent les adolescents résulte avant tout des modifications de leur cerveau. Connaître ces changements peut donc vous aider, les uns et les autres, à mieux vivre cette transition.

• Selon un deuxième mythe, l’adolescence ne serait qu’un temps d’immaturité, les ados ayant simplement besoin de « grandir ».

Avec une vision aussi bornée, rien d’étonnant à ce que l’adolescence soit considérée comme une épreuve à endurer, un mauvais moment à passer, qu’il faut juste se débrouiller pour surmonter sans y laisser trop de plumes. C’est là une idée très réductrice.

Il ne s’agit pas seulement, pour les ados, de s’en sortir sans trop de dégâts, mais de faire de cette période importante de leur vie une source d’épanouissement. Le « travail » de l’adolescence – tester les limites, chercher à explorer tout ce qui est inconnu et excitant – peut favoriser le développement de traits de caractère fondamentaux qui permettront aux jeunes de tracer leur route vers une vie pleine d’aventures et riche de sens. Nous y reviendrons.

• Un troisième mythe prétend que l’adolescence, c’est le passage de la dépendance aux adultes à une indépendance totale.

Bien qu’existe cette dynamique naturelle et nécessaire d’émancipation par rapport aux adultes qui les ont éduqués, les adolescents continuent de bénéficier de leurs relations avec eux. Un passage sain et progressif à l’âge adulte se fait dans l’interdépendance et non dans l’isolement total.

La nature des liens que les adolescents entretiennent avec leurs parents en tant que figures d’attachement se modifie et le cercle des amis prend davantage d’importance. Après avoir été pris en charge par les autres durant l’enfance, nous nous éloignons de nos parents et des autres adultes durant l’adolescence tout en nous appuyant davantage sur nos pairs avant d’être capables de prendre soin des autres tout comme de recevoir leur aide. C’est ce que j’appelle l’interdépendance.

Dans ce livre, nous explorerons la nature de ces attachements et la manière dont notre besoin de proximité relationnelle perdure tout au long de la vie.

• Quatrième mythe : il est de la responsabilité des parents d’aider leur enfant à résoudre les conflits qui éclatent durant cette période délicate.

Nous avons trop souvent tendance à vouloir aider les personnes que nous aimons à régler tous leurs problèmes.

Mais ce dont les ados ont le plus besoin, c’est de se sentir reliés aux adultes, de savoir que leurs parents sont toujours là pour les écouter et les aider à résoudre leurs difficultés s’ils le souhaitent.

Les parents n’ont plus à intervenir systématiquement pour tout régler comme ils le faisaient quand leurs enfants étaient plus jeunes.

• Cinquième mythe : le développement cérébral le plus spectaculaire se produit durant les années du primaire et du secondaire. Une fois que mon ado partira faire ses études à l’université, les choses vont se placer.

Durant l’adolescence, le « travail » le plus important sur le plan du développement cérébral se fait entre 12 et 24 ans environ. Par conséquent, les parents doivent continuer pendant tout ce temps à soutenir patiemment leur ado et accompagner la formation de son sentiment d’identité, loin d’être terminée, tout en respectant sa nouvelle indépendance.

• Sixième mythe : tout est tellement différent, aujourd’hui, de l’époque où nous, parents, étions ados qu’il n’y a quasiment plus de lien entre ce que nous avons vécu et ce que notre ado est en train de vivre.

Les études sur l’attachement révèlent que ce que nous avons vécu avec nos propres parents lorsque nous étions ados est une source d’enseignements extrêmement précieuse. Plonger au plus profond de notre enfance et comprendre comment nos expériences ont influencé notre propre développement peut nous aider à maintenir des liens étroits avec nos enfants tout au long de leur adolescence et à leur entrée dans l’âge adulte.

Dépasser ces mythes donne accès aux vérités qu’ils dissimulent et la vie des ados comme des adultes s’en trouve beaucoup mieux. 

Malheureusement, ce que les autres pensent de nous influence l’image que nous avons de nous-mêmes ainsi que notre comportement. Cela vaut particulièrement pour les ados, sur qui l’on projette couramment (directement ou indirectement) un certain nombre de traits négatifs – ils seraient « ingérables », « paresseux » ou « tête en l’air ».

Des études ont montré que, si l’on informe des enseignants que certains élèves possèdent une « intelligence limitée », les élèves en question ont de moins bons résultats que leurs camarades. Mais si l’on dit aux enseignants que ces mêmes élèves possèdent des capacités exceptionnelles, on constate une nette amélioration des notes obtenues. Les adolescents qui absorbent des messages négatifs sur leur personnalité et leurs capacités risquent de se conformer à ce qu’on pense et attend d’eux au lieu de réaliser leur véritable potentiel. Comme l’écrivait Goethe : « Traitez les gens comme s’ils étaient ce qu’ils pourraient être et vous les aiderez à devenir ce qu’ils sont capables d’être. »

L’adolescence n’est pas une période de « pétage de plombs » ou d’« immaturité ».

Elle est une époque essentielle de la vie, faite d’intensité émotionnelle, d’engagement social et de créativité. Elle est l’essence de ce que l’on est voué à être, de ce dont on est capable ; l’essence même de nos besoins en tant qu’individus et que famille humaine.

Le cerveau de votre ado

Daniel J. Siegel

Guy Saint-Jean Éditeur 

296 pages

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