CRAINTES DE TERRORISME

Ghalmi devant le tribunal

Merouane Ghalmi, que le ministère public croit capable de se livrer à une infraction terroriste, a été contraint de se présenter en Cour du Québec, hier matin. Ghalmi, 22 ans, n’est accusé de rien, mais le Procureur général voudrait qu’il signe un engagement de garder la paix. L’homme aux cheveux presque rasés, qui porte une barbe, n’a pas eu à dire un mot pendant sa courte comparution devant le juge Yvan Poulin. La procureure de la Couronne fédérale Lyne Décarie a expliqué qu’elle avait eu des discussions avec Me Mathieu Bédard, avocat de Ghalmi, qu’elle lui avait divulgué la preuve et qu’il allait en prendre connaissance. Les parties se reverront devant le tribunal le 27 mars, pour la suite des procédures.

— Christiane Desjardins, La Presse

Justice

Une juge refuse d’entendre une plaignante portant le hijab

Une juge montréalaise a interdit le port du hijab dans sa salle d’audience, mardi, refusant même d’entendre une plaignante musulmane qui portait le foulard.

Rania El-Alloul tentait de faire annuler la saisie de son véhicule, mais son audience a été reportée parce qu’elle a refusé d’enlever son hijab, a rapporté la CBC, qui a obtenu l’enregistrement audio de l’intervention.

« Selon moi, la salle de cour est un endroit et espace séculier. Il n’y a pas de symbole religieux dans cette pièce, pas sur les murs ni sur les personnes », a affirmé la juge Eliana Marengo mardi.

« Toute personne apparaissant devant la Cour du Québec doit être vêtue convenablement. À mon avis, vous n’êtes pas vêtue convenablement. »

La juge Marengo a affirmé que les couvre-chefs et les lunettes de soleil n’étaient pas admis en salle d’audience. « Et je ne vois pas pourquoi des foulards couvrant la tête le seraient », a-t-elle ajouté.

« Je ne vais donc pas vous entendre si vous portez un foulard sur la tête. »

Toujours selon l’enregistrement de la CBC, Mme El-Alloul lui a répliqué qu’elle portait le hijab depuis « plusieurs années » et qu’elle ne pouvait pas le retirer. La femme a préféré faire reporter son dossier.

Elle tentait de récupérer sa voiture des mains de la Société d’assurance automobile du Québec (SAAQ) après que son fils eut été arrêté alors que son permis était suspendu.

Joint par La Presse, un fils de la dame a affirmé que sa famille était encore « sous le choc ». « On s’est rendus au palais de justice, mais il n’y a pas du tout eu de justice ce jour-là », a dit Waleed Khabass. « On est au pays depuis 12 ans, et ça ne nous était jamais arrivé. »

En entrevue avec le diffuseur public anglophone, Rania El-Alloul a affirmé qu’elle ne se « sentait plus Canadienne ». « Quand elle m’a dit de retirer mon hijab, je sentais qu’elle ne me parlait pas comme à un être humain », a-t-elle ajouté. Je ne veux pas que ça arrive à une autre femme. Ce n’est pas le travail d’un juge. Elle ne mérite pas d’être juge. »

PLAINTE POSSIBLE

À la Cour du Québec, la juge en chef Élizabeth Corte a refusé de commenter l’affaire.

« Il y a – dans le règlement de la Cour – des articles qui parlent de la façon de se vêtir et du décorum, mais il n’y a pas d’autres instructions ou lignes directrices qui sont données au juge », a affirmé la chef de cabinet Annie-Claude Bergeron. « C’est une décision judiciaire qui a été rendue par le juge, […] alors je ne peux pas […] soutenir ou défendre ou commenter [ce cas]. »

La ministre de la Justice n’a pas non plus voulu commenter, parce que « le dossier est toujours pendant », a fait valoir son attachée de presse Jolyane Pronovost.

Annie-Claude Bergeron n’a pas voulu confirmer ou nier si Élizabeth Corte allait lancer des procédures devant le Conseil de la magistrature – le comité de discipline des juges – contre Eliana Marengo.

La famille de Mme El-Alloul, quant à elle, n’a pas l’intention d’en rester là. Son fils a expliqué qu’elle « étudiait les options » afin de voir si la juge va être réprimandée pour son comportement.

DES EXPERTS DÉPASSÉS PAR LA DÉCISION

Selon Sébastien Grammond, professeur de droit constitutionnel à l’Université d’Ottawa, la position de la juge Marengo est difficilement défendable.

« Ce n’est pas correct. Je ne vois pas quel est le droit qui s’opposerait au port du hijab. »

— Sébastien Grammond, professeur à l’Université d’Ottawa

Du côté de l’Université Laval, le professeur Louis-Philippe Lampron est d’accord avec son confrère.

« Je suis un peu largué, dépassé par cette décision, a-t-il dit. C’est une zone du droit absolument claire. »

Les spécialistes ont rappelé que la Cour suprême avait même donné son feu vert – à certaines conditions – à la comparution devant un tribunal de témoins portant le niqab, soit le voile quasi intégral qui ne laisse voir que les yeux. Ce jugement ne s’applique pas directement au cas présent, mais indique bien à quel point l’opinion voulant que la loi puisse interdire la présence en cour d’une femme portant un simple hijab est infondée, selon eux.

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