Idées d’ailleurs

La maison du futur sera-t-elle imprimée en 3D ?

Dès l’an prochain, cinq maisons imprimées en 3D vont accueillir leurs premiers occupants aux Pays-Bas. Cette technique révolutionnaire pourrait-elle aider à résoudre le problème de la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur de la construction au Québec ?

La ville d’Eindhoven, aux Pays-Bas, sera la première au monde à louer et à vendre des maisons fabriquées avec la technologie d’impression 3D.

À quoi vont ressembler ces habitations ?

À des maisons troglodytes, comme celles qu’on peut voir au centre de Göreme, en Turquie, sculptées dans la roche. Les maisons d’Eindhoven vont sortir de terre, mais elles auront des formes arrondies irrégulières et de larges ouvertures. La première sera créée à l’Université de technologie d’Eindhoven, puis transportée sur le site. Les quatre autres seront imprimées sur place pour attirer de futurs acheteurs et locataires.

Véritable innovation dans le domaine de la construction, l’impression 3D repose sur un bras robotisé qui superpose des couches de béton à partir d’un modèle informatique.

Pourquoi construire en 3D ?

Par rapport à la construction traditionnelle, cette technique offre le net avantage de faire gagner du temps et épargner de l’argent. Elle permet aussi de réduire les coûts de main-d’œuvre et d’imaginer des formes complexes qui sortent de l’ordinaire.

La technologie d’impression 3D de bâtiments n’est pas nouvelle. En 2004, le professeur Behrokh Khoshnevis, de l’Université de la Caroline du Sud, a fait parler de lui en présentant un premier mur de béton imprimé en 3D. Sa technologie, appelée Contour Crafting, permettrait de créer une maison en une journée grâce à une imprimante 3D montée sur un bras robotisé.

Depuis cette annonce, les projets de recherche se multiplient dans le monde.

En octobre 2017, l’Université d’Eindhoven a créé le premier pont pour les cyclistes imprimé en 3D à Gemert, aux Pays-Bas. Mais c’est en février 2017, dans la commune d’Alcobendas, en Espagne, que pour la première fois de l’histoire de l’impression 3D, un pont piétonnier a été installé.

Récemment, la ville de Nantes, en France, a inauguré une habitation sociale fabriquée en six mois (un temps record pour un aussi gros chantier) à l’aide de l’impression 3D : une maison de 95 m2, comportant cinq pièces, baptisée Yhnova.

D’autres projets sont à l’étude en Europe, dont celui de maisons habitables et duplicables à Croix, dans le nord de la France.

En Amérique, la jeune pousse Icon, établie à Austin, au Texas, a mis au point un procédé pour créer une maison en 24 heures pour seulement 4000 $. Des ingénieurs ont conçu un logiciel permettant de traduire les plans architecturaux de la maison en un code compris par le robot. Ce code détermine où l’imprimante se déplace le long de sa trajectoire, superposant des couches de béton. L’entreprise veut généraliser son concept pour les populations démunies et contribuer à régler la crise du logement.

L’entreprise new-yorkaise AI Spacefactory a même conçu un logement imprimé en 3D pour vivre sur Mars !

Ici, qu’en est-il ?

La construction 3D fait-elle l’objet de projets dans les universités québécoises ?

Non, répond Bechara Helal, architecte et professeur adjoint à l’Université de Montréal. « Pas à ce que je sache. »

L’avis de l'expert

Bechara Helal, architecte et professeur adjoint à l’Université de Montréal

« Il est clair que le développement de la technologie rend l’impression 3D beaucoup plus accessible. Alors qu’on parle aujourd’hui de ‟deuxième âge numérique” et de ‟deuxième âge de la machine”, l’impression 3D se démocratise : des imprimantes 3D à petite échelle sont désormais offertes à prix abordable.

« Mais ce qui est possible à petite échelle ne l’est pas encore à grande échelle, et l’impression 3D de bâtiments entiers reste limitée à quelques réalisations. Il s’agit de projets expérimentaux qui marquent l’esprit. On parle, par exemple, de 10 maisons imprimées en une seule journée ou encore d’une maison construite à moins de 4000 $.

« Ces chiffres donnent l’impression qu’on peut construire de façon entièrement différente en oubliant les acquis du passé. Mais, au contraire, la construction exige d’importantes connaissances techniques qui ont été développées dans le temps et qui ont permis de développer une main-d’œuvre qualifiée. Il serait illusoire de penser que l’impression 3D va permettre d’ignorer ces règles et ces expertises et d’aborder la construction d’une façon entièrement nouvelle.

« L’impression 3D permet une grande liberté formelle au niveau des structures éphémères ou des surfaces architecturales ayant peu de contraintes, mais les questions d’intégrité de l’enveloppe restent des problèmes essentiels dans le cas de bâtiments complets.

« La question des matériaux est également importante. L’expression architecturale est profondément liée à la façon dont les matériaux sont assemblés les uns avec les autres, et elle est le résultat d’une longue et riche culture constructive. Or, l’impression 3D génère des murs par l’addition de couches d’une matière à la texture pâteuse. Les ensembles générés apparaissent comme des ensembles monolithiques sans assemblage.

« Le propre des projets expérimentaux est d’ouvrir de nouvelles voies de réflexion en posant de nouvelles questions. C’est manifestement le cas avec l’impression 3D. »

« Cette nouvelle technique ne réglera pas tous les problèmes liés à la construction dès demain. Elle ne produira pas nécessairement non plus des bâtiments entièrement fonctionnels, performants et architecturalement intéressants dans un horizon proche. Mais les avancées technologiques sont indéniables et cette nouvelle approche ne peut qu’avoir une influence certaine tant sur l’approche de conception des architectes que sur les méthodes et l’industrie de la construction. »

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