Opinion Réforme du système de taxation scolaire

Une mesure purement électoraliste

Les années électorales sont toujours très intéressantes. Elles forcent nos politiciens à se présenter sous leur meilleur jour et à nous vendre les plus beaux rêves. Des congés fiscaux, le plein emploi ou des programmes sociaux, tout dépend de quel côté du spectre idéologique on tend l’oreille. Rien n’est de trop pour séduire le citoyen quand l’objectif est de prendre le pouvoir. Sauf que derrière cette parade de bontés politiques se cache souvent un amer goût d’électoralisme et d’infortunes anticipées. Et le projet de loi 166 en est un exemple.

Introduite à l’Assemblée nationale par le gouvernement libéral, cette proposition législative cherche à réformer le système de taxation scolaire en l’arrimant à un taux régional unique. Son but est de s’attaquer aux « iniquités » créées par cette forme d’imposition. 

Manque d’équité

À la fois pour le citoyen et pour les commissions scolaires, la mouture actuelle de cet impôt est problématique. En effet, il arrive communément que des voisins ne soient pas soumis au même niveau de taxation simplement parce que leurs jeunes fréquentent des établissements de langues différentes. Pire, comme les propriétaires sans enfants à l’école ont la possibilité de choisir leur commission scolaire d’attache, ces derniers ont tendance à sélectionner le moins onéreux des paiements. Cela peut aisément conduire à un cercle vicieux, comme en Outaouais, où un nombre grandissant de contribuables migrent vers la commission scolaire anglophone de la région pour réduire leurs obligations pécuniaires.

Pour le réseau francophone, ce transfert entraîne une perte de ressources devant être comblée par une hausse des impôts fonciers. Cela accentue la différence de taxation entre les réseaux et renforce l’incitatif à changer de commission scolaire. Constatant cette impasse, il est difficile de ne pas trouver attrayante la proposition de fixer la taxe scolaire à un taux régional unique.

Bien que la recherche de l’équité constitue le motif officiel du projet de loi, l’objectif officieux est tout autre. En effet, si l’idée d’un taux unique de taxe scolaire est une solution efficace à un problème réel, il reste que la décision de le fixer au plus bas de chaque région n’est qu’une mesure purement électoraliste. Cette réforme à la fois permet au PLQ d’éradiquer les contrariétés de cet impôt foncier sans être responsable de sa hausse et lui donne l’opportunité de prendre le mérite pour un congé fiscal s’élevant à 670 millions de dollars. Une façon d’ajouter une séduisante corde à son arc à la veille d’une bataille électorale.

Ne voulant pas manquer le bateau, la CAQ s’est empressée de renchérir sur le projet de loi 166 avec une réforme encore plus ambitieuse, soit celle de fixer un taux de taxation unique à l’échelle de la nation. Passant de l’ad hominem à la rhétorique d’iniquité, François Legault a qualifié la proposition libérale de «  broche à foin  », avant d’affirmer que l’égalité devait aussi exister entre les régions. Équité quand tu y tiens. Pour la CAQ, elle coûtera 1,37 milliard.

Si ces deux prises de position peuvent être attrayantes pour les propriétaires, il reste qu’elles risquent de régler un problème pour en créer un autre. En bon québécois, on appelle ça «  changer quatre trente sous pour une piastre  ». 

Dans le cas présent, je dirais même qu’un échange à coût nul est une option enviable, parce que le risque présenté par les propositions des deux partis est incommensurable.

À la merci de l’Assemblée nationale

Fixer le taux unique à des seuils aussi bas priverait les commissions scolaires de la liberté – déjà mince – de s’assurer de la pérennité de leur financement. En effet, il ne faut pas oublier que la taxe scolaire représente 18 % du budget de ces administrations, soit la deuxième source en importance de leurs revenus. Et comme la taxe scolaire génère environ 2,2 milliards de dollars par année, les propositions libérales et caquistes entraîneraient une réduction de 30,4 % et de 62,3 % pour cette forme de revenu. Autrement dit, des taux maximaux situés à ces niveaux placeraient les commissions scolaires en situation de dépendance, à la merci de l’Assemblée nationale et du «  goût du jour  » gouvernemental. S’il est possible de constater la bonne prestance de l’économie et de se rassurer dans la promesse de combler le trou budgétaire causé par cette réforme des deux formations politiques, rien ne garantit que les prochains gouvernements continueront de respecter cet engagement.

Au lieu de tenter de trouver un niveau de taxation moins risqué pour assurer la pérennité du système d’éducation, Philippe Couillard a préféré l’opération séduction. Le tout en négligeant le fait qu’il ne suffit que d’une seule période creuse pour que cette mesure électoraliste accentue les difficultés de financement d’un réseau manquant déjà cruellement de ressources. Oubliez les écoles en ruine et les enseignants surmenés. L’important, ce n’est que de gouverner.

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