MONTRÉAL BLUES

Au temps naïf des créations collectives

Ils voulaient faire oublier les Compagnons de Saint-Laurent, la troupe du père Émile Legault qui avait régné pendant 30 ans sur le théâtre québécois. Un théâtre que ces jeunes diplômés des conservatoires considéraient comme aliénant parce que, empêtré dans des schémas bourgeois, il laissait peu de place à l’acteur en quête d’un acte dramatique personnel.

En fait, à la fin des années 60, « dans un pays qui s’inventait », Raymond Cloutier et ses amis voulaient inventer un nouveau théâtre. Et ils fondèrent le Grand Cirque ordinaire. Cirque à cause de la piste en rond où il n’y a ni cachette ni filet ; grand, comme leur projet et leur ambition ; ordinaire parce qu’ils partaient d’une réalité partagée avec le public pour « mettre des paillettes sur le banal », comme l’a écrit Raymond Cloutier dans Études françaises peu après la fin du trip.

De 1969 à 1978, le Grand Cirque ordinaire – au départ : Paule Baillargeon, Suzanne Garceau, Raymond Cloutier, Claude Laroche, Guy Thauvette, Jocelyn Bérubé – a monté et présenté à travers le Québec neuf spectacles construits sur la vie et les interrelations des acteurs. Ces « créations collectives » de « fabrication pure » avaient pour titre T’es pas tannée, Jeanne d’Arc ?, Famille transparente, T’en rappelles -tu, Pibrac ?.

Dans ces années de recherche formelle, le passage de la scène à l’écran se fait sans à-coups et, dès 1970, le Grand Cirque ordinaire tourne Le Grand Film ordinaire, le premier film de Roger Frappier en tant que réalisateur. S’y mélangent : des extraits de la pièce Le procès de Jeanne d’Arc de Brecht, des virées de la troupe sur la Côte-Nord, les manifs de McGill français, des défilés de la Saint-Jean.

FILM RESTAURÉ

Le Grand Cirque ordinaire rapplique en 1972 avec Montréal Blues dont la version restaurée par Éléphant, le programme de numérisation de films commandité par Québecor, sera présentée en clôture du Fantastique week-end du cinéma québécois de Fantasia, ce soir, 19 h, à l’auditorium de la Grande Bibliothèque.

« On voulait un cinéma inspiré de l’art dramatique et du théâtre. »

— Raymond Cloutier, autrefois comédien au Grand Cirque ordinaire

Pour cette création dont les histoires se passent dans un restaurant bio (avant la lettre) exploité par les membres d’une commune dans le Montréal de 1971, Raymond Cloutier et Claude Laroche ont écrit les dialogues et ensuite, ils ont laissé Pascal Gélinas, le fils cadet de Gratien, « faire son cinéma »…

« Montréal Blues, c’est l’apogée du Grand Cirque ordinaire », estime M. Cloutier, aujourd’hui directeur général du Théâtre Outremont, qui y joue le rôle de… Raymond, amoureux de la belle Paule (Baillargeon) alias Bébé Buick, artiste de cabaret qui fait dans le genre « Marilyn Monroe chante avec les Patriotes » de 1837…

EXPLOSER LES PRINCIPES DE L’AMOUR LIBRE

La rencontre des mondes du Montréal Blues et de Bébé Buick va faire exploser les grands principes de la commune et de l’amour libre chers aux hippies du temps, par l’entremise, notamment, de Gilbert (Sicotte), un chauffeur de taxi stone. Et il n’était pas le seul, se rappelle Raymond Cloutier… « Montréal Blues est un film naïf. Nous avions la tête dans les nuages pas mal… des nuages de boucane. »

Les autres « membres » de Montréal Blues sont Ginette Anfousse, Francine Lapan et la poétesse Josée Yvon (1950-1994).

Après son deuxième et dernier film, le Grand Cirque ordinaire a connu « des expériences plus lourdes », mais n’en a pas moins continué, pendant six ans, à créer collectivement des œuvres dramatiques élaborées à partir des expériences de ses membres et de leurs relations avec la famille, le pouvoir et la civilisation. Un théâtre où chacun jouait son propre rôle dans le cirque ordinaire de la vie.

Consultez la fiche du film sur le site d’Éléphant : http://elephant.canoe.ca/films/montreal-blues_8321#!prettyPhoto

Montréal Blues, version restaurée par Éléphant, ce soir, 19 h, à l’auditorium de la Grande Bibliothèque

TAPIS ROUGE

Deschamps et des chansons à la Place des Arts

La fondation du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) a présenté hier le spectacle Deschampsons — Live une seule fois, en hommage à son porte-parole depuis 2009, l’humoriste Yvon Deschamps. Le spectacle-bénéfice, dont la mise en scène était assurée par Josée Fortier, a réuni plusieurs artistes québécois à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts, à Montréal. — Marie-Michèle Sioui, La Presse

Yvon Deschamps, porte-parole de la fondation du CHUM, était la vedette du spectacle d’hier, qui visait à honorer l’humoriste et à récolter des dons pour le centre hospitalier du centre-ville de Montréal. Il s’est dit très ému par l’hommage et heureux que la métropole se dote enfin d’un hôpital dont l’équipement est à la fine pointe de la technologie.

Une brochette d’artistes a participé au spectacle, qui alliait musique et humour. La mise en scène a été construite autour des chansons, tandis que les monologues ont servi de transitions.

Louise Forestier, complice de longue date d’Yvon Deschamps, était de la partie. La comédienne et chanteuse a fait partie de l’aventure de L’Osstidcho avec Yvon Deschamps, en 1968.

L’auteure-compositrice-interprète Catherine Major a aussi participé au spectacle Deschampsons, présenté à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts.

Les profits du spectacle seront versés à la fondation du CHUM. Sur la photo, la directrice générale de la fondation, Jo-Anne Hudon Duchesne, rigole aux côtés d’Yvon Deschamps.

L’humoriste Laurent Paquin discute avec l’animatrice Sonia Benezra pendant le cocktail qui a précédé le spectacle.

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