Photoreportage

Le langage canin enseigné aux enfants

Le Québec compte 1 million de chiens, un nombre qui a augmenté de 15 % en 20 ans, selon l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec (OMVQ). Les relations entre animaux et humains ne sont pas toujours bonnes : le nombre de morsures de chien est évalué à 164 000 par an par l’OMVQ. Près du tiers de ces morsures sont infligées à des enfants de moins de 12 ans, qui ignorent souvent comment bien interagir avec les chiens.

« Les chiens nous parlent, si on sait les écouter », assure Emelie Luciani, codirectrice d’Engage, un organisme à but non lucratif qui offre des formations sur le bien-être animal aux jeunes, dans le but de développer leur empathie. La Presse a assisté à l’un de ces ateliers, Être ami-e avec les chiens, donné mercredi dernier à la SPCA de Montréal.

« Tout ce qu’on va apprendre va nous permettre de reconnaître les signes qu’on peut voir avant une morsure », dit Emelie à la dizaine d’enfants inscrits à l’atelier. Un chien de bonne humeur agite la queue, regarde d’un air content, tandis qu’un chien irrité grogne, serre les dents, dévoile le blanc de ses yeux et colle ses oreilles vers l’arrière. « Une des plus grandes différences entre un chien heureux et un chien stressé, c’est la tension de ses muscles », indique Dawson Ovenden-Beaudry, dynamique coanimateur de l’atelier. Un chien heureux, c’est un chien en Jell-O – voilà une info facile à retenir.

Comment faire pour flatter un chien correctement ? « On demande d’abord à son humain si on peut toucher au chien, explique Emelie. Puis, on demande au chien. » Interpeller un… chien ? Oui, en se plaçant de côté par rapport à l’animal, en se penchant légèrement si on est beaucoup plus grand que lui et en l’appelant par son nom. À lui de décider s’il souhaite – ou pas – aller plus loin dans la relation. « C’est toujours une question de consentement », souligne Dawson. Si on flatte un chien, c’est sur le dos ou le cou. Chaos, une chienne brun et blanc, avait visiblement envie de faire connaissance avec les enfants présents, dont Robert Cornea, 11 ans.

Peut-on faire un gros câlin à un chien, dont le pelage paraît si doux ? Non. « Les chiens n’aiment pas les câlins », révèle Emelie aux enfants, qui laissent voir leur déception. « Leurs dents, ce sont leurs armes, explique Dawson. Quand on met nos armes près de leurs armes, c’est très intimidant pour eux. C’est pour ça que lorsque deux chiens se rencontrent, ils se reniflent le derrière… » Il n’y a pas que les accolades qui dérangent les chiens : ils n’aiment pas se faire flatter quand ils dorment ou mangent. Ce qui est fort compréhensible, nom d’un chien !

Faut-il se sauver en courant si un chien inconnu, sans laisse, fonce vers nous ? Non, car le chien court sûrement plus vite encore. « Si vous courez, vous avez une chance plus élevée de vous faire mordre », dit Emelie. Son conseil : adopter la position de l’arbre, les jambes collées et bien ancrées dans le sol, les mains couvrant le visage, les bras repliés sur la poitrine. Tour à tour, les enfants miment le chien agressif et l’enfant qui se protège.

Le bien-être, c’est le reflet de la santé autant mentale que physique. Or, « les chiens n’aiment pas rester seuls dans un endroit, en n’ayant rien à faire », fait valoir Emelie. Pour les stimuler, les enfants mélangent du pâté à saveur de poulet avec des croquettes. La mixture est ensuite insérée dans des jouets pour chiens Kong. « Ça peut prendre jusqu’à deux heures à un chien pour tout manger, indique Emelie. Ça stimule les chiens et c’est sécuritaire ; il n’y a pas de risque pour eux de s’étouffer. »

Estelle Fournier, 14 ans, a suivi les quatre ateliers donnés par Engage. « C’était mon cadeau de Noël, explique la jeune comédienne, notamment vue dans Le jeu, 30 vies et Les magnifiques. Depuis que je suis très jeune, je sauve des animaux que je viens porter à la SPCA. Quand j’ai appris que je pouvais voir autre chose que l’accueil à la SPCA, ça m’a intéressée. » Estelle est aujourd’hui une jeune éducatrice bénévole (peer educator en anglais) d’Engage. « J’ai vraiment appris beaucoup de choses en suivant les ateliers, assure-t-elle. J’ai particulièrement aimé être en contact avec les animaux. »

Jules Dutil, 7 ans, a offert un jouet Kong à la chienne Chaos, qui s’en délecte. Les autres jouets de stimulation sont donnés aux chiens du refuge, sans que personne ne glisse ses mains dans les cages. « J’aime mes doigts, je veux les garder et je suis sûr que vous aussi », dit Dawson aux enfants.

Il est ensuite temps de quitter la SPCA pour rentrer à la maison… où plusieurs participants seront accueillis par leurs animaux de compagnie. « J’ai aimé apprendre quand un chien est heureux ou nerveux, témoigne Robert. Je vais essayer d’interpréter l’état de mon chien. »

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