À suivre cette semaine

Calfeutrer ses placements en prévention de vents contraires

Chaque lundi, La Presse Affaires invite un professionnel du secteur des placements à discuter de ses principales préoccupations envers l’économie et les marchés financiers. Notre invité cette semaine : Benoit Brillon, chef des placements chez la firme montréalaise Gestion de portefeuille Landry. Il supervise la gestion de 300 millions de dollars en actifs provenant d’investisseurs institutionnels et de fortunes privées.

Que surveillez-vous le plus ces temps-ci ?

Deux éléments de l’actualité économique et politique en Amérique du Nord.

D’abord, je surveille la suite du débat budgétaire à Washington qui a déjà provoqué un bref arrêt (shutdown) du gouvernement fédéral américain, avant un accord temporaire jusqu’au 8 février.

Les marchés financiers ont peu réagi à ce premier arrêt du gouvernement. Mais si un autre survenait en février, et plus long que le précédent, ça risquerait d’avoir un impact sur l’économie américaine et d’obscurcir les attentes encore très élevées en Bourse.

Par ailleurs, je surveille les négociations de renouvellement de l’ALENA (Accord de libre-échange nord-américain), après la ronde tenue à Montréal la semaine dernière.

Alors que l’administration Trump maintient un ton belliqueux envers le Canada et le Mexique, les marchés financiers se positionnent pour le pire des scénarios pour l’économie nord-américaine. La fin de l’ALENA n’est plus seulement possible, mais probable.

Au Canada, le sort de l’ALENA devient préoccupant pour les placements en actifs financiers (NDLR : actions d’entreprises, obligations, devises, etc.) dont la valeur est influencée par les relations commerciales avec les États-Unis et le Mexique.

Parmi les indicateurs de la conjoncture économique ?

Nous approchons d’une fin de cycle boursier et économique à moyen terme.

Je suis donc attentif à certains indicateurs qui ont l’habitude d’annoncer ces fins de cycle, notamment les signaux de pressions inflationnistes dans une économie rendue en cycle avancé. Ces pressions pourraient ensuite inciter la Fed (Réserve fédérale américaine) à rehausser les taux d’intérêt au-delà des attentes dans les marchés financiers.

Ces temps-ci, je surveille l’évolution des taux d’intérêt sur les obligations 10 ans du gouvernement américain. Après des années de taux très bas, ils sont remontés autour de 2,6 %, au plus haut en presque 10 ans.

S’ils montent encore vers 3 %, puis vers 3,5 %, ça témoignerait de pressions inflationnistes plus fortes dans l’économie, et donc perturbantes dans les marchés financiers.

Le prix du pétrole, les salaires, ça vous interpelle aussi ?

En effet, je surveille plus attentivement le prix du pétrole brut (calibre WTI). Il remonte depuis quelques mois, après un cycle baissier difficile pour l’industrie pétrolière, mais très favorable pour l’économie mondiale.

Le pétrole avoisine les 65 à 70 $US le baril, ce qui demeure plutôt neutre pour l’économie. Mais s’il s’élevait autour des 80 $US le baril et s’y maintenait un bon moment, ça alimenterait l’inflation dans les économies développées et nuirait au regain de croissance dans les économies émergentes.

Enfin, le troisième type d’indicateurs que je surveille concerne l’évolution des salaires, aux États-Unis surtout, mais aussi au Canada. Ces deux économies affichent un taux de chômage très bas, historiquement, et la création d’emplois demeure forte.

Ce contexte est propice aux pressions haussières sur les salaires qui, ensuite, pourraient alimenter l’inflation dans ces deux économies.

Quelle incidence sur votre gestion de portefeuilles ?

Encore peu à court terme. Du moins, au-delà d’une conjoncture boursière qui, aux États-Unis surtout, est due pour une brève correction de 5 à 10 %. Ce serait même sain pour les marchés avant de compléter la dernière phase du cycle haussier.

Cela dit, il faut déjà ajuster les portefeuilles pour cette fin de cycle. En particulier leur niveau de risque afin de les rendre plus résilients lors d’un éventuel revirement de cycle.

En ce sens, il est trop tard dans le cycle courant pour ajouter du risque en investissant davantage en actions ou en titres à revenu fixe, à moins d’occasions vraiment avantageuses.

Plutôt que d’augmenter ses placements ou de tout vendre prématurément, mieux vaut, à cette étape-ci du cycle boursier, ajuster la répartition entre les catégories d’actifs.

Pour ma part, je surveille les occasions de prises de profits en actions américaines, déjà bien valorisées, afin de rehausser la part sur la Bourse canadienne, qui demeure moins avancée dans le cycle actuel.

Ainsi ajusté, un portefeuille pourra mieux profiter de l’habituel regain de faveur envers la Bourse canadienne (NDLR : dominée par les secteurs financiers, des matières premières et de l’énergie) lors d’une phase avancée d’un cycle de croissance de l’économie mondiale.

Quant aux placements en actions internationales, je demeure positif envers l’Europe. J’y vois un potentiel de rendement additionnel parce que le cycle économique en Europe est moins avancé qu’aux États-Unis.

DANS L’ACTUALITÉ BOURSIÈRE CETTE SEMAINE 

RÉSULTATS TRIMESTRIELS  (échantillon d’entreprises en vue)

À LA BOURSE CANADIENNE 

Demain : Metro

Mercredi : CGI

Jeudi : Produits forestiers Resolu, Saputo

Vendredi : Imperial Oil, Norbord

À LA BOURSE AMÉRICAINE 

Aujourd’hui : Lockheed Martin (aérospatiale)

Demain : Electronic Arts (jeux vidéo), Paccar (camions), McDonald’s, Pfizer (pharmaceutique)

Mercredi : Boeing, Textron (Bell Helicopter), eBay, Facebook, Microsoft, AT&T (télécommunications)

Jeudi : Apple, Amazon, Visa, MasterCard, McKesson (pharmaceutique), DowDuPont (pétrochimie)

Vendredi : Valero Energy, ExxonMobil et Chevron (pétrole), Weyerhaeuser (produits forestiers), Sprint (télécommunications)

INDICATEURS ÉCONOMIQUES

AU CANADA 

Mercredi : coûts des matières premières aux producteurs (décembre 2017)

AUX ÉTATS-UNIS 

Jeudi : indice ISM des directeurs d’achats manufacturiers (janvier), ventes de véhicules automobiles (janvier), coût de main-d’œuvre (quatrième trimestre 2017)

Vendredi : taux de chômage/création d’emplois (janvier), salaires et revenus d’emploi (janvier)

Sources : Thomson Reuters, billets d’économistes bancaires

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