Renault

« Nous avons une vraie envie de revenir »

Plus de 30 ans après avoir quitté l’Amérique du Nord, le constructeur automobile français Renault a la ferme intention de revenir sur le marché canadien. Et cela se fera par l’intermédiaire des voitures électriques, selon ce qu’a appris La Presse. Une révolution en soi dans l’industrie automobile.

C’est par l’intermédiaire de son modèle Kangoo que la célèbre marque au losange esquisse un retour au Canada. Décliné principalement en deux versions, passagers et commerciale, ce véhicule familial de forme cubique et de taille moyenne a été lancé en 1997 en France. Renault espère pouvoir vendre au pays la version commerciale dotée de la motorisation 100 % électrique.

Il y a deux semaines, Renault a confirmé sans tambour ni trompette qu’il distribuera au Canada, d’abord un petit véhicule urbain deux places en tandem appelé Twizy, vendu déjà à 15 000 exemplaires dans le monde.

« Nous avons une vraie envie de revenir, nous a confié en entrevue Vincent Carré, directeur commercial pour les véhicules électriques du Groupe Renault. […] On a de très bonnes discussions avec le gouvernement du Québec et du Canada sur la façon dont on peut contribuer à l’évolution du marché électrique. »

« On est prêts à le faire à condition que les dérogations soient apportées. Ça, c’est du court terme, c’est facile à faire. Après, la deuxième étape va évidemment dépendre de l’évolution du marché. Mais notre envie est là. »

— Vincent Carré, directeur commercial pour les véhicules électriques du Groupe Renault

Depuis avril dernier, le constructeur français fait des démarches auprès des gouvernements canadien et québécois afin d’obtenir la permission de faire circuler sur nos routes le Twizy et la version électrique du Kangoo. Depuis le départ de l’Amérique des constructeurs français à la fin des années 80, leurs véhicules ne sont pas assemblés selon les normes nord-américaines de sécurité et environnementales. Et n’y sont donc pas vendables.

D’où la nécessité pour Renault et son Kangoo d’obtenir « une dispense » de conformité aux normes réglementaires, dans ce cas-ci canadiennes. Cette dispense peut être accordée pour une période « d’au plus deux ans pour un nombre déterminé, limité à 1000, de véhicules du même modèle », comme le stipule la Loi canadienne sur la sécurité automobile.

UNE ARRIVÉE EMBLÉMATIQUE

Ce petit modèle électrique qu’est le Twizy et surtout le plus grand, le Kangoo, représentent une arrivée très significative et emblématique. Jamais un véhicule de passagers de marque française n’avait traversé l’Atlantique depuis les derniers modèles Peugeot vendus en 1991. Il y a chez Renault une volonté claire de vendre des véhicules au Canada.

« Oui, il y a une volonté bien sûr, confirme Vincent Carré. C’est pour ça qu’on amène d’abord le Twizy. C’est pour commencer à expérimenter ce marché, pour accélérer aussi le développement de l’électrique et contribuer à ce que l’électrique se développe au Canada. Effectivement, si le marché canadien de l’électrique se développe, nous avons une volonté forte d’y vendre des voitures. »

Le premier constructeur français a bon espoir d’avoir une réponse positive des gouvernements canadien et québécois dans quelques mois.

« On n’a pas le potentiel volume aujourd’hui chez Renault pour des véhicules électriques comme le Kangoo pour réaliser une adaptation aux normes du marché canadien, précise Vincent Carré. Il faut d’abord que le marché démarre avant qu’on puisse le faire. Nous soumettons une application au gouvernement canadien pour que ce véhicule puisse être vendu sous normes européennes […] de manière à pouvoir apporter très vite des voitures sur le marché sans faire de développement coûteux qui n’apporterait pas grand-chose. »

Ce qui signifie que si le potentiel du marché des voitures électriques se confirme et qu’il faut alors à Renault produire en plus grand volume, le constructeur adaptera ses prochains véhicules aux normes canadiennes et américaines.

« Il va falloir encore quatre ou cinq ans avant que les volumes soient suffisants pour valider les investissements industriels et modifier les produits, ajoute M. Carré. L’objectif est que les prochaines générations des voitures électriques soient aussi compatibles avec les normes canadiennes. »

« C’est dans cet esprit-là qu’on demande la dérogation, pour pouvoir amener ensuite, au-delà des 1000 premières voitures, des véhicules qui seront compatibles avec les normes canadiennes. »

— Vincent Carré, directeur commercial pour les véhicules électriques du Groupe Renault

LA VOITURE ÉLECTRIQUE AVANT TOUT

Il est difficile d’imaginer Renault faire machine arrière à ce stade-ci de ses démarches. Et si jamais les premiers modèles de Kangoo et de Twizy livrés au pays ne convainquent pas le public, Renault n’a pas l’intention de repartir sans laisser ici une structure. Au contraire, comme nous le dit Vincent Carré : « De toute façon, si on vient, c’est avec un réseau capable d’entretenir dans la durée avec une garantie, un réseau d’après-vente qui est capable d’entretenir ces produits. Il n’est pas question qu’on laisse des clients sans une solution. »

Le directeur commercial de Renault ne veut pas pour autant parler officiellement de retour de Renault en Amérique.

« Un retour, c’est quand on amènera toutes nos voitures, une gamme complète, dit-il. Là on est vraiment concentré sur la voiture électrique, parce que c’est notre savoir-faire, notre compétence. On essaie d’exploiter cette opportunité-là. Ce qui est aussi pour nous une occasion de redécouvrir le marché canadien. »

Pourtant, quand on en est rendu à ce point dans l’introduction de deux modèles dans un nouveau marché, il est difficile de nier la réalité.

« Si on vient avec ce Kangoo électrique et si on a cette dérogation du gouvernement, c’est pour faire d’autres choses derrière, c’est évident », lâche Vincent Carré.

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