Une dégradation lente, mais constante 

Réseau routier supérieur

Le réseau du ministère des Transports du Québec (MTQ) compte 6106 km d’autoroutes, 9048 km de routes nationales, 5565 km de routes régionales et 10 303 km de routes collectrices et de chemins d’accès aux localités isolées ou aux ressources, pour un total de 31 022 km. Dans l’ensemble du réseau, la proportion des chaussées en bon état est passée de seulement 67,7 % en 2008 à 79,9 % en 2014. Elle ne cesse de décliner depuis, et s’établissait à 78,9 % en 2017. Une baisse d’un point de pourcentage signifie que des déficiences mineures et majeures sont présentes sur environ 300 km de plus qu’en 2014.

Réseau stratégique en soutien au commerce extérieur

Il ne s’agit pas d’un réseau parallèle, mais d’un sous-ensemble du réseau routier supérieur considéré comme stratégique, formé essentiellement des autoroutes et d’une partie des routes nationales. Ce sous-réseau totalise 8028 km. Il dessert 87 % de la population du Québec et soutient 91 % de ses emplois. En 2008, 82,1 % des chaussées de ces grands axes majeurs de circulation étaient en bon état. Jusqu’en 2013, cette proportion a continuellement augmenté pour plafonner à 88,3 %. Elle est en baisse constante depuis et s’est établie à 86,7 %, à la fin de 2017, loin au-dessous de la cible de 87,8 % du MTQ.

Routes hors réseau stratégique

Ces routes « secondaires » totalisent près de 23 000 km et forment presque 75 % de tout le réseau routier provincial. Elles comprennent la majeure partie des routes nationales, toutes les routes régionales, les routes collectrices, les routes d’accès et autres routes moins fréquentées que celles du réseau stratégique. Leur état général s’est aussi grandement amélioré durant la période de 2008 à 2014, alors que la proportion des chaussées en bon état est passée de seulement 62 % à près de 77 %. Comme dans le réseau stratégique, cette proportion est toutefois en baisse continue depuis, et s’est établie à 75,6 % à la fin de l’an dernier.

— Bruno Bisson, La Presse

Transports

L’état des routes régresse

Les Québécois qui ont l’impression de rouler plus souvent que d’habitude sur des bouts de route en mauvais état n’ont pas la berlue ; l’état des routes s’est dégradé au Québec depuis cinq ans, et la tendance n’est pas près de s’inverser.

Selon les données du plus récent rapport annuel de gestion du ministère des Transports du Québec (MTQ) pour 2017-2018, la proportion des chaussées du réseau routier provincial qui sont en bon état est en baisse constante depuis 2014, malgré des dépenses annuelles de plus de 2 milliards consacrées à l’entretien et à l’amélioration des routes.

Ces chiffres confirment les craintes déjà exprimées par trois experts indépendants dans un avis présenté au ministre des Transports du Québec au printemps 2018. Selon eux, au rythme des investissements actuels, le MTQ n’atteindra pas ses objectifs de performance d’ici 2020 et ne sera même pas en mesure de maintenir les progrès réalisés entre 2008 et 2013, à grands renforts de milliards, pour améliorer l’état du réseau routier québécois.

Pire encore, affirment ces experts, « il y aura détérioration au cours des prochaines années, selon les prévisions du Ministère ».

Déficiences

Les données du rapport de gestion du MTQ sur l’état des chaussées démontrent que l’augmentation des déficiences majeures et mineures sur le réseau est observable sur toutes les classes de routes, des plus modestes collectrices en milieu rural jusqu’aux grandes autoroutes de la province.

C’est d’ailleurs dans les grands axes du « réseau stratégique en soutien au commerce extérieur », qui rassemble toutes les plus importantes voies de circulation du Québec, que la lente glissade de l’indice de confort de roulement utilisé par le MTQ est la plus évidente.

La proportion des chaussées de ce réseau qui sont considérées comme en bon état a chuté de son sommet de 88,3 % en 2014 à 86,7 %  à la fin de 2017. Ce pourcentage est le plus faible enregistré depuis 2011 sur le réseau stratégique en soutien au commerce extérieur.

Une baisse de 1,6 % peut paraître insignifiante. Vu la longueur du réseau stratégique, qui s’étend sur plus de 8000 kilomètres, ça signifie que les segments routiers considérés en mauvais état se sont allongés de plus de 125 kilomètres en seulement quatre ans, et ce, sur le sous-réseau considéré comme le plus vital pour la circulation des personnes et des biens, au Québec.

Le pourcentage de chaussées en bon état pour l’ensemble du réseau routier relevant du ministère des Transports du Québec, toutes catégories confondues, s’élevait quant à lui à 78,9 % à la fin de 2017.

Là encore, il s’agit du plus faible résultat mesuré par le MTQ depuis 2012. La cible du Ministère pour 2017 était de 79,8 %.

Investissements records

Le 30 septembre 2006, l’effondrement du viaduc de la Concorde sur l’autoroute 19, à Laval, a mis cruellement en lumière l’état de dégradation de l’ensemble des infrastructures routières du Québec. Cette tragédie, qui a fait cinq morts et six blessés graves, a provoqué le lancement d’un plan de redressement du réseau routier qui s’est traduit pendant plusieurs années par des investissements routiers annuels de plus de 3 milliards.

Entre 2008 et 2012, le MTQ a ainsi investi entre 600 et 700 millions pour reconstruire, réhabiliter ou simplement repaver entre 2500 et 3000 kilomètres de routes, et ce, chaque année. En 2008, le pourcentage des chaussées en bon état pour l’ensemble du réseau routier supérieur s’élevait à moins de 68 %. Six ans plus tard, il frôlait les 80 %.

À partir de 2013, le total des investissements annuels du MTQ a toutefois commencé à diminuer, d’une année à l’autre.

En 2017, selon le rapport annuel de gestion du MTQ, malgré des investissements de 482,5 millions, la proportion des chaussées en bon état est passée de 79,4 % à seulement 78,9 % par rapport à l’année précédente. Ce demi-point de pourcentage représente environ 150 kilomètres de chaussées déficientes de plus qu’en 2016.

« La longueur des travaux de réfection réalisés sur des chaussées déficientes n’a pas été suffisante pour contrer la dégradation naturelle du réseau, et donc, pour maintenir notre proportion de chaussées en bon état », indique clairement le rapport du Ministère.

Des progrès en péril

La conclusion du MTQ confirme les appréhensions exprimées par trois experts dans un avis au ministre, dont La Presse avait révélé le contenu en octobre dernier. Ces experts avaient été mandatés pour étudier la programmation biannuelle des travaux du MTQ pour 2018-2020. Dans leur avis, ils estimaient que « même si tous les travaux programmés étaient pleinement réalisés, le résultat ne permettrait pas d’atteindre les cibles du plan stratégique 2017-2020 à l’égard des pourcentages de structures et de chaussées en bon état ».

Pour le comité d’experts, les progrès réalisés entre 2008 et 2013 sont aussi menacés de s’effriter, d’année en année, faute de réaliser un plus grand volume de travaux. Le comité a « constaté que le volume des travaux réalisés ces dernières années est insuffisant pour maintenir les progrès observés au cours de la dernière décennie – progrès qui résultent des actions prises notamment en réponse à l’effondrement du viaduc de la Concorde ».

Une augmentation des budgets routiers annuels et « de la capacité opérationnelle » du MTQ étaient les principales recommandations adressées au ministre des Transports par ces trois experts indépendants.

Les ponts et structures s’améliorent

Si la dégradation du réseau routier a encore de quoi inquiéter, l’état des ponts et structures du MTQ et des municipalités du Québec s’améliore constamment depuis bientôt 10 ans. En 2008, à peine 57,7 % des ponts du réseau routier provincial pouvaient être considérés comme en bon état. À la fin de 2017, la proportion des ponts provinciaux jugés en bon état est passée à 75,4 %, ce qui représente trois ponts sur quatre. Ce résultat dépasse la cible stratégique que s’était fixée le Ministère pour 2017, soit 74,2 %. L’état des ponts municipaux s’améliore aussi, bien qu’il reste beaucoup de travail à faire. En 2008, à peine 38,6 % de ces ouvrages étaient jugés en bon état. En 2017, ce pourcentage dépassait 57 %, ce qui est largement au-dessus des objectifs du MTQ. Cela signifie tout de même qu’en moyenne, plus de deux ponts sur cinq, en milieu municipal, sont en mauvais ou très mauvais état. — Bruno Bisson, La Presse

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