Opinion

Voir la science avec les yeux d’un enfant

Par défaut, les enfants aiment les sciences. Dès la jeune enfance, leur émerveillement est naturel et leur tendance à poser des questions est bien connue. Chez les adultes, un rapport amour/haine prend parfois le relais. La science est souvent perçue comme étant un monde de certitudes, inaccessible au commun des mortels. Il y a aussi la perception que la science est à l’opposé des arts, que la créativité n’y a pas sa place. Ces mythes, bien entretenus, créent une distance entre le citoyen et la science.

Or, les enseignants d’aujourd’hui, comme les citoyens en général, ont tous été des enfants émerveillés et curieux. Il s’agit d’éviter que cette perception positive de la science ne se perde entre l’enfance et le monde adulte. Voici quelques idées…

L’enseignement de la science au primaire : un moyen et non une fin

On pourrait croire que les activités scientifiques en milieu scolaire ont pour but de développer chez les jeunes un engouement pour une carrière scientifique. Si cela se produit, tant mieux, mais on peut aussi voir la science comme un moyen d’entretenir et de stimuler la curiosité avec des enseignants qui aident les élèves à acquérir rigueur et méthode. En effet, faire de la science au primaire amène les élèves à questionner le monde qui les entoure, et ce, en développant chez eux un mécanisme d’autodéfense contre les pseudosciences.

La science est un excellent moyen pour y parvenir. Pas une fin en soi. De cette manière, on contribue à façonner des citoyens critiques, curieux, rigoureux et capables de résoudre des problèmes du monde contemporain. Et ce, peu importe le métier qu’ils choisiront d’exercer.

D’intenses changements technologiques s’opèrent en ce moment et développer un esprit scientifique au primaire est un puissant moyen d’être collectivement plus aptes à y faire face.

L’esprit scientifique se développe notamment quand l’enseignement va au-delà de la simple transmission de savoir et amène l’élève à faire plus que suivre des recettes. Les élèves sont stimulés lorsqu’ils observent, questionnent, testent, expérimentent, résolvent des problèmes et réfléchissent !

L’enseignement des sciences au primaire doit demeurer entre les mains des titulaires

Doit-on déléguer l’enseignement des sciences à un spécialiste, comme c’est le cas pour la musique et l’éducation physique ? Ce serait probablement une erreur. Si l’on veut que la science soit perçue comme étant accessible, il faut la démocratiser en la mettant dans les mains des enseignants.

Mesurer la croissance d’une plante et relier les observations aux notions du programme de mathématique, découvrir Lavoisier en lecture pour donner suite à une expérimentation de chimie et rédiger un protocole pour travailler des stratégies d’écriture sont toutes des activités qu’un titulaire est en mesure de réaliser et qui permettent à la science de s’incarner dans le quotidien, en lien avec le programme d’enseignement.

Former, outiller et accompagner les enseignants à long terme

La formation des futurs enseignants doit rétablir une perception saine et positive de la science et leur donner le goût d’en faire. Il faut ensuite assurer une formation continue de qualité sur une base régulière. Dans ma pratique, c’est ce qui me semblait avoir le plus d’impact. Comme le disait si bien une enseignante avec qui j’ai travaillé : « Un éléphant, ça se mange une bouchée à la fois ! »

De plus, les enseignants manquent de temps pour planifier des activités de science en classe. Il faut des outils qui donnent le goût. Le planificateur de sciences est un outil qui a été développé par des consultants en communication scientifique et des conseillers pédagogiques de diverses commissions scolaires à travers un projet spécial de l’UQAM. Il a été testé et est apprécié des utilisateurs.

Depuis sa création, en 2014, plus de 80 situations d’apprentissage ont été élaborées et partagées en ligne. Cependant, à l’instar de toutes les plateformes informatiques, l’outil aurait besoin d’une mise à jour pour le rendre encore plus performant et attrayant. Mais voilà que les subventions ne suivent pas. Pourquoi ne pas investir dans la continuité pour faciliter le travail des enseignants déjà épuisés par la lourdeur de leurs tâches quotidiennes ?

La place des organismes de communication scientifique

Les activités de sciences offertes en classes par des organismes externes doivent contribuer à développer l’autonomie des enseignants et leur confiance en leurs capacités à enseigner la science.

Ces organismes ne doivent pas se substituer au travail des enseignants, mais devenir un partenaire qui leur permettra d’enrichir leur pratique.

On parle ici d’un changement de pratique. Pour y arriver, on aura besoin de volonté politique. Ce serait fantastique si cette volonté se traduisait par des moyens concrets dans une perspective à long terme.

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