Mûr pour tomber ?
Il a attaqué dans la descente du Peyresourde, bravé les vents avec Peter Sagan et couru (à pied) sur les pentes du mont Ventoux. En route vers son troisième maillot jaune en quatre ans, Chris Froome a tout accompli au dernier Tour de France pour briser son image de froid calculateur. Un an plus tard, le cycliste britannique semble pourtant plus vulnérable que jamais.
Le 1er juillet, à Düsseldorf, Froome entreprendra sa quête d’un quatrième titre sur le Tour, ce qui le placerait dans une catégorie à part et le rapprocherait du club exclusif des quintuples vainqueurs avec Jacques Anquetil, Eddy Merckx, Bernard Hinault et Miguel Indurain.
« Me joindre à eux dans le palmarès du Tour est une source de motivation supplémentaire, mais je dois d’abord gagner un quatrième Tour avant de penser à un cinquième », a-t-il confié dans une récente entrevue à VeloNews.
Contrairement aux trois sacres précédents, le meneur de la Sky amorce la plus grande course cycliste sans victoire et sans avoir offert de garanties au préalable.
Discret au Tour de Romandie (18e), où des maux de dos l’ont ralenti, Froome a trébuché le mois dernier au Critérium du Dauphiné (4e). Sa huitième place au contre-la-montre, tout juste derrière Alberto Contador, a particulièrement fait sourciller.
« Quand on a l’habitude de voir quelqu’un gagner, dès qu’il ne le fait plus, on dit qu’il n’est plus bon, qu’il n’est plus dans le coup. Les gens sont tellement durs ! »
— Antoine Duchesne, qui a participé au Tour l’an dernier sous les couleurs de Direct Energie
De fait, Froome a rebondi dans les Alpes, bravant encore les dangers dans une descente, sans cependant parvenir à distancer ses principaux rivaux, à commencer par son ami et ancien lieutenant Richie Porte.
Meilleur grimpeur et contre-la-montreur au Dauphiné, objet de toutes les attaques, l’Australien de la BMC a tenu le coup jusqu’à la dernière étape. Porte a vacillé, cédant le maillot jaune pour 10 petites secondes au Danois Jakob Fuglsang. À 32 ans, le vice-champion olympique décroche ainsi sa première grande victoire, mais difficile de voir en lui un véritable prétendant pour le Tour, où son meilleur résultat est une septième place en 2013.
Les autres coureurs de renom ont tous une prise ou deux contre eux : Contador a 34 ans, Nairo Quintana sort du Giro, Romain Bardet traîne la patte sur les chronos, etc. N’empêche, Froome estime ses adversaires plus dangereux que jamais, à commencer par Porte, qu’il a identifié comme « l’homme à battre ». Une façon de lui mettre un peu plus de pression ?
Dans une volonté claire de maintenir le suspense, les organisateurs ont également concocté un parcours avare en kilomètres contre la montre (36,5) et en arrivées au sommet (3), où Froome a l’habitude de construire ses victoires.
« Ça représente le plus grand défi auquel j’ai fait face jusqu’à maintenant », a admis le triple champion de 32 ans dans une entrevue à Cyclingnews.
L’ambiance délétère autour de l’équipe Sky constitue peut-être le plus grand souci de Froome. La belle façade de l’écurie britannique s’est lézardée l’automne dernier après des révélations des pirates informatiques russes Fancy Bears concernant principalement son ex-coéquipier Bradley Wiggins, gagnant du Tour 2012.
Sans avoir commis de violations à proprement parler, Wiggins a consommé de puissants corticoïdes en 2011, 2012 et 2013, profitant d’autorisations d’usage à des fins thérapeutiques. Des enquêtes subséquentes de l’agence nationale antidopage et d’un comité du Parlement ont aussi mis au jour la livraison d’un mystérieux sac lors du Dauphiné 2011.
La crédibilité du patron Dave Brailsford, au mieux évasif et fuyant dans toute cette controverse, a sérieusement écopé. Sans être directement impliqué, Froome a pris ses distances. Pour ajouter à l’intrigue, un article de L’Équipe a laissé entendre durant le Dauphiné que le Britannique avait tendu des perches à la BMC, ce que les deux parties ont nié avec force.
« Il a eu beaucoup d’affaires en tête cette année, c’est peut-être une raison pour laquelle on l’a un peu moins vu », suppute Antoine Duchesne, qui n’a pas choisi Froome dans sa prédiction pour le podium final. « Peut-être aussi qu’il n’était simplement pas au sommet au Dauphiné, qu’il va embrayer pour le Tour et mettre cinq minutes au deuxième ! »
Froome fournira une première réponse dès demain avec le contre-la-montre d’ouverture de 14 kilomètres dans le centre-ville de Düsseldorf.
« Ma volonté de gagner n’a pas diminué et je suis aussi motivé que jamais », a prévenu Froome lors de sa conférence de presse d’ouverture mercredi. Tout le monde est prévenu.
Chances de l’emporter : lllll