SOMMES PAYÉES INJUSTEMENT DANS LES CONTRATS PUBLICS

Le programme de remboursement volontaire sur le point de se débloquer

Trois mois après la mise en place du programme de remboursement volontaire des sommes payées injustement dans les contrats publics, aucune entreprise n’a déposé de proposition formelle. La multiplication des demandes d’information récentes fait toutefois dire à l’administrateur, Me François Rolland, qu’un changement pourrait survenir durant les prochaines semaines, créant du coup un embouteillage.

« C’est vrai que ça n’a pas démarré sur les chapeaux de roues. […] Les gens sont en train de se préparer pour déposer des avis d’intention, indique Me François Rolland, administrateur du programme de remboursement volontaire.

« On est rendus là. Je prévois ça au cours des prochaines semaines, même des prochains jours. »

Pour Me Rolland, il est clair que les entreprises ne se priveront pas de la possibilité d’une « réhabilitation commerciale » et pourront ainsi éviter d’éventuelles poursuites judiciaires, a-t-il indiqué à La Presse.

Me Rolland ne cache pas que des dizaines d’avis d’intention pourraient provoquer un bouchon. Pour y faire face, quatre firmes de juricomptables ont été retenues afin de remplir d’éventuels mandats, de manière à éponger le surcroît de travail pour les cinq juricomptables de l’équipe de Me Rolland.

Bien des entreprises dont l’image a été malmenée à la suite de leur implication dans des stratagèmes de collusion ou de financement politique intéressé, comme l’a révélé la commission Charbonneau, pourraient se prévaloir du programme de remboursement volontaire. Parmi elles, on compte SNC-Lavalin.

MEA CULPA

En entrevue à La Presse, la semaine dernière, le vice-président directeur, marketing, stratégie et relations extérieures de la firme de génie, Erik Ryan, a donné l’assurance qu’il s’agissait d’un « sujet important » pour SNC-Lavalin. « On est prêts à en arriver à une entente équitable, rapide et à long terme. […] L’échéance pour présenter une proposition, c’est novembre 2016. La prochaine année sera l’année où ça va se passer », a affirmé M. Ryan.

Peu d’informations officielles circulent quant aux intentions des entreprises : le processus de remboursement est mené en toute confidentialité. Ce n’est qu’à la toute fin du programme qu’un rapport rendra public le nom des entreprises ou des individus qui auront signé ou non une entente, ainsi que les sommes recueillies.

Ce programme découle de la loi 26 adoptée l’année dernière. La loi prolonge le délai de prescription. Les corps publics peuvent ainsi réclamer des sommes pour des contrats remontant jusqu’à 1996. Elle remet le fardeau de la preuve entre les mains des entreprises et établit le coût des sommes à rembourser à 20 % de la valeur des contrats obtenus par la fraude, la collusion, la corruption ou toute autre manœuvre dolosive.

Trente jours après un avis d’intention, les entreprises qui souhaitent faire un remboursement doivent déposer une proposition en bonne et due forme. C’est à ce moment-là que les juricomptables entreront en scène pour faire les vérifications et les analyses qui s’imposent. Cela implique de contacter les corps publics visés par la proposition, ce qui enclenchera un va-et-vient d’informations et éventuellement des négociations. François Rolland cite d’ailleurs en exemple Laval et Montréal, qui « ont fait leurs devoirs ».

Les deux villes ont déjà préparé le dossier en ce qui a trait aux contrats liés à l’industrie de la construction. Laval a été la première ville à envoyer 200 mises en demeure à des firmes de génie-conseil et des entrepreneurs pour faire valoir ses droits. Montréal a suivi quelques mois plus tard, avec 380 mises en demeure.

Par ailleurs, La Presse a demandé en vain au ministère des Transports (MTQ) si une équipe était en place pour établir les sommes payées en trop. Le MTQ a dirigé La Presse vers le bureau de Me Rolland.

Laval élargit la recherche de contrats douteux

La Ville de Laval n’entend pas se limiter aux contrats liés à l’industrie de la construction. Une équipe de juricomptables vient d’être embauchée pour fouiller les archives à la recherche de contrats douteux remontant à 1996, ce qui correspond à l’ère Vaillancourt. Par exemple, Laval vise les services informatiques, les contrats avec les cabinets d’avocats ou de communications, les fournisseurs du parc automobile de la municipalité ou les contrats pour du matériel de loisirs. « Il n’y aura aucune voie de négligée », a indiqué hier le maire Marc Demers. Et si les entreprises visées ne participent pas au programme gouvernemental, elles pourraient devoir faire face à la justice, a-t-il prévenu. Jusqu’à maintenant, Laval a injecté un peu plus de 800 000 $ pour récupérer les sommes qu’elle estime lui être dues, ce qui se compte en millions, selon le maire. — Kathleen Lévesque, La Presse

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