Ultra-Trail du Mont-Blanc

Le coureur réaliste

Comment s’entraîner sérieusement pour la course quand on est père de trois enfants et débordé ? Un Longueuillois de 41 ans a trouvé sa réponse : courir pour se rendre au travail. Joan Roch va tester dès aujourd’hui sa méthode d’entraînement atypique dans la plus prestigieuse course en sentier qui soit : l’Ultra-Trail du Mont-Blanc.

« C’est la première fois que je cours dans les Alpes. Ça fait mal. » Au bout du fil, Joan Roch éclate de rire. Vrai qu’il a davantage l’habitude de courir sur le pont Jacques-Cartier.

Mais aujourd’hui, vers 18 h à Chamonix, en France, Joan Roch va prendre le départ de la plus prestigieuse course en sentier de la planète. L’Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB), longue de 168 km, fait le tour de la plus haute montagne des Alpes, passe par la France, la Suisse et l’Italie. Le tout avec 10 000 m de dénivelé positif.

Avec Alister Gardner, il sera l’un des deux Québécois parmi les 2300 participants. Il espère boucler l’épreuve en 30 heures, après une nuit blanche. Mais du même souffle, il admet qu’il ne sait pas trop à quoi s’attendre. « Je ne sais même pas si je vais finir, tout peut arriver ! », dit-il.

C’est que Joan Roch est un coureur atypique. Oubliez les plans d’entraînement. Oubliez les entraîneurs privés. Oubliez les intervalles, les séances à la piste, les sprints en pente. Joan Roch s’entraîne d’une manière que désavouerait n’importe quel préparateur physique. Mais qui semble fonctionner.

« C’est un peu une expérience, dit-il. Je suis en train d’explorer jusqu’où je peux aller. »

« Est-ce que je vais être capable de finir cette course ? Probablement que oui. Si j’y arrive, quelles sont les épreuves suivantes que je pourrai affronter ? »

— Joan Roch

La méthode d’entraînement de ce travailleur en informatique de 41 ans est toute simple. Chaque matin, été comme hiver, il se rend au bureau à la course. Chaque soir, été comme hiver, il rentre du travail à la course. Le trajet entre sa maison du Vieux-Longueuil et son bureau du centre-ville de Montréal s’égrène sur une dizaine de kilomètres. Parfois un peu plus, s’il passe par un parc.

En 2012, après six ans de pratique récréative de la course à pied, Roch a eu un troisième enfant. « Jusque-là, pendant les cinq ou six premières années, ma méthode d’entraînement était classique, comme le fait un peu tout le monde. J’avais un programme avec des entraînements spécifiques : des courses rapides, des courses longues, des courses lentes…

« Mais je manquais de temps. C’est assez classique. J’avais essayé de me lever très tôt le matin pour courir, mais ça ne fonctionnait pas. Tard le soir ça ne m’a jamais tenté. Sur l’heure du midi, je n’avais pas assez de temps… Ça ne fonctionnait plus. »

Joan Roch s’est donc mis à voyager au bureau à la course. Il n’a plus jamais arrêté depuis. Il parcourt un peu plus de 100 km par semaine, mais ne court jamais la fin de semaine.

Pour voir si sa préparation atypique fonctionnait, il s’est inscrit en 2013 à une course d’ultrafond de 160 km aux États-Unis. Il a fini troisième. Il a depuis remporté l’Ultra de Bromont (165 km) et a fini troisième d’une course de 100 milles au Vermont. Il a aussi bouclé son meilleur marathon dans un temps impressionnant de 2 h 48 min.

« Je m’entraîne sur la route pour de petites distances et mes courses se font sur sentier sur de longues distances, lance Joan Roch. Normalement, ça n’était pas censé fonctionner. Mais je vois que ça fonctionne très bien.

« Quand j’en parle à tous mes amis ultra-marathoniens, ils ne comprennent pas vraiment comment ça peut fonctionner. Ça va à l’encontre du gros bon sens. »

UNE COURSE HALLUCINANTE

Le coureur « amateur performant » vivra à partir d’aujourd’hui le plus grand test de sa vie de coureur. L’ultrafond – tout ce qui dépasse en longueur le marathon – est une discipline difficile, et au sein de celle-ci, l’UTMB est considéré comme l’une des épreuves les plus rudes.

L’année dernière, le comédien Patrice Godin a mis près de 40 heures pour terminer l’épreuve. À un moment, raconte-t-il dans un billet qu’il a publié sur son blogue, il s’est mis à halluciner. Il voyait « des statues dans les bois d’une pianiste rousse en robe blanche ».

L’UTMB est ce genre de course.

Joan Roch aimerait mettre 30 heures pour finir les 168 km. « Mais sachant la distance et le dénivelé, ça peut être n’importe quoi. Si je termine… »

Il devrait finir loin des meneurs : l’année dernière le vainqueur a mis un peu plus de 20 heures pour croiser le fil d’arrivée. Mais s’il réussit son temps espéré, il sera dans les 200 premiers… sur 2300 au départ.

Pas mal pour un coureur réaliste, qui ne court jamais la fin de semaine et s’entraîne quand d’autres sont pris dans les bouchons sur le pont.

L’UTMB EN CHIFFRES

2300

Nombre de coureurs qui prendront le départ de la course de 168 km, à 18 h à Chamonix

23 000

Nombre de barres de céréales distribuées dans les stations d’aide. Tradition bien française, il y aura aussi 450 kg de saucisson et 7000 kg de fromage distribués.

20 h

Le record d’épreuve a été réalisé l’an dernier par le Français François d’Haene. Il a mis 20 h 11 min 44 s pour boucler l’épreuve, soit une moyenne de 8,3 km/h.

42

Âge moyen d’un coureur à l’UTMB

13

En pourcentage, proportion de femmes inscrites

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