Ça sent la coupe

Une gestionnaire de l’autre bout du monde

Pour le début de la Coupe du monde, La Presse rencontre des gens d'affaires originaires de pays qui participent à la grand-messe du soccer. Surtout pour discuter d'affaires et (un peu) de ballon rond.

Comment fait-on, quand on est un groupe minier, pour garder de bonnes relations avec toutes les communautés où on possède des mines, où on fait de l’exploration, où on transforme le minerai, sachant que ces activités sont sous haute surveillance sociale et environnementale ?

Dans le cas de Rio Tinto, on fait venir à Montréal une Australienne qui a acquis cette expertise de création et de gestion des liens avec les populations touchées ou concernées par les activités de l’entreprise. Elle s’appelle Janina Gawler et est vice-présidente pour les Amériques de la performance sociale et des liens avec la communauté au sein du géant anglo-australien qui a racheté Alcan en 2007.

« Mon travail, c’est de bâtir des relations, de bonnes, de longues relations avec les communautés », résume la nouvelle Montréalaise née à Melbourne.

Mme Gawler, qui a deux enfants dans la jeune trentaine restés en Australie et un mari avocat d’origine canadienne à la retraite, est arrivée ici il y a un an après avoir travaillé quatre ans en France, où elle a appris le français. À Paris, elle travaillait notamment sur les projets de la société en Guinée, plus particulièrement les activités d’extraction du minerai de fer.

Fait particulier, elle n’est pas arrivée au sein de l’entreprise par la voie de la géologie, de la science ou du génie.

« J’arrive des sciences sociales. Mon expérience vient du travail au sein des communautés. »

— Janina Gawler

Mme Gawler a travaillé au gouvernement fédéral australien, elle a été conseillère municipale dans la petite ville à 200 km de Melbourne où elle a élevé ses enfants. Elle a fait de la formation avant de finir plus tard gérante d’une mine au nord de Perth, la capitale de la région minière australienne. C’est à travers tout cela qu’elle s’est penchée sur les communautés aborigènes australiennes pour comprendre comment on pouvait travailler avec elles, expertise précieuse pour Rio Tinto.

Travailler avec les aborigènes là-bas, est-ce plus difficile qu’ici ? La question ne se pose pas, répond-elle en substance. Ce qu’elle veut qu’on retienne est simple : « Ce n’est pas nouveau pour nous. »

Bien des défis sont semblables.

Et les questions se répètent. Surtout là où la colonisation a laissé ses traces, son héritage, ses interrogations. Mais aussi là où de grandes entreprises comme la sienne ont forgé l’histoire des communautés.

Rio Tinto, c’est l’entreprise qui a acheté Alcan. Qui n’a pas de lien au Québec avec Alcan ? Qui n’a pas de lien avec le Saguenay, où l’entreprise a joué un rôle prépondérant ? Qui n’a pas de questions au sujet d’Alcan ?

De tels géants doivent aujourd’hui être conscients à la fois de leurs ancrages communautaires historiques et de leurs responsabilités, plus sous la loupe que jamais, comprend-on au fil de l’entrevue, au siège de la société à Montréal.

La santé, l’environnement ? L’entreprise n’a pas le choix de respecter des normes strictes, si elle veut pouvoir continuer son travail, explique la vice-présidente.

« On doit bâtir la confiance », dit Mme Gawler. Et la croissance économique se doit d’être faite de façon respectueuse de l’environnement si on veut qu’elle soit durable, explique-t-elle.

Et les jeunes doivent comprendre que toute démarche visant à rendre nos économies plus durables peut difficilement se faire sans métal. « L’aluminium et le cuivre, par exemple, font partie du développement d’énergies renouvelables. »

Et on ne parle même pas des téléphones intelligents, ordinateurs et autres outils de communication omniprésents dans nos vies, incluant celle des personnes qui défendent la planète…

La clé est de faire ce développement correctement. Durabilité, réciprocité, confiance sont des mots qui reviennent souvent.

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Comment l’Australienne a-t-elle aimé sa transplantation ici ?

« J’adore la chaleur et le côté amical des gens », dit-elle, précisant que la personnalité artistique de Montréal lui fait beaucoup penser à sa ville de Melbourne. « Les gens sont ouverts, prêts à communiquer. » Elle ressent aussi un esprit pionnier, fonceur, semblable à ce qu’on voit dans son pays. « Il y a beaucoup de similarités avec l’Australie. »

Fait-elle partie d’une cohorte de femmes à la haute direction de l’entreprise ? « Oui, on est quand même quelques-unes », note-t-elle. « On a un programme de promotion de la diversité et de l’inclusion », explique-t-elle. « Ça rend toute entreprise plus agile d’avoir des équipes dont les membres ont des horizons différents », ajoute celle qui a « mentoré » plusieurs jeunes femmes montantes dans la société et qui a été mentorée par une femme. « Oui, dit-elle, j’ai eu cette chance. »

Dans le groupe C, l'Australie

Et le soccer ? Janina Gawler ne se considère pas comme une « soccer mom », même si toute la vie de la famille a tourné autour de ce sport pendant de nombreuses années, alors que son fils avait entre 6 et 17 ans. « Les entraînements, les matchs, les tournois… Ce sport dirigeait notre vie. » Mais au quotidien, elle n’était pas au volant de sa fourgonnette, pour transporter la moitié de l’équipe, comme le veut le stéréotype. « C’est plutôt mon mari, un ancien joueur lui aussi, qui conduisait notre fils partout », dit-elle. Mais elle a assisté à de très nombreux matchs, toujours inquiète que son fils, gardien de but, ne reçoive un ballon à la tête. En Australie, dit-elle, le soccer est populaire auprès des jeunes familles, car les parents trouvent cela moins dangereux que le football australien, un sport d’équipe traditionnel qui se joue avec un ballon ovale – comme le football canadien – mais au pied, comme le soccer. Le soccer, dit-elle, c’est actuellement le sport en pleine ascension. Et la présence du pays à la Coupe du monde ne fera que renforcer cette position.

Groupe C : Australie, France, Danemark, Pérou

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