La relève verte Floramama

Des fleurs, de la part de Chloé

Chaque semaine, cet été, notre chroniqueuse Marie-Claude Lortie présente des entrepreneurs de la relève dans le monde de l’agriculture et de la transformation alimentaire durable. Cette semaine, elle rencontre Chloé Roy, la jeune agricultrice derrière l’entreprise de fleurs coupées Floramama.

Qui est-elle et d’où vient-elle ?

Chloé Roy a 33 ans, est mère de trois enfants de 7, 12 et 14 ans et est née dans le Mile End, à Montréal, dans une famille « pas agricole du tout », composée d’un papa artiste et d’une mère professeure de maternelle. Quand ses parents se séparent et que son père se fait une nouvelle blonde, apparaît dans sa vie la grande tante de Bedford de la blonde en question, propriétaire d’une ferme ancestrale que le couple rachète. Ainsi commencent des week-ends à la campagne dont la petite fille revient enchantée.

« Je rapportais des petits sacs plastique de foin pour sentir l’odeur en ville », dit-elle, portée encore par la joie de la compagnie des grenouilles et des lucioles. À 12 ans, elle déménage carrément à Bedford et ne quittera jamais vraiment la région malgré quelques allers-retours à Montréal, notamment pour étudier la sonorisation, une orientation dont elle voit bien aujourd’hui que ça ne lui convenait pas. « Je ne m’assumais pas comme fermière, dit-elle. Je ne voyais pas de viabilité dans cette vie. »

Ses produits

Aujourd’hui, avec son entreprise Floramama, Chloé Roy fait pousser des fleurs et les distribue partout dans la province. Ce qui la distingue du lot ? Ses fleurs sont fraîches, locales et totalement saisonnières. Ne cherchez pas d’oiseaux du paradis des tropiques dans ses créations ! Ses bouquets sont bien différents de ce que l’on trouve chez les fleuristes traditionnels, la plupart du temps des fleurs importées de pays comme le Kenya, l’Afrique du Sud, Israël, la Colombie ou le Venezuela. 

Ses fleurs n’ont pas l’empreinte écologique de ces œillets et roses importés par avion. Floramama propose plutôt des dahlias, anémones, renoncules, lupins, zinnias, godétias, célosies, lisianthus qui ont poussé ici, sans engrais ni pesticides chimiques… Chloé a essayé les roses, mais n’a pas eu le succès espéré encore. « Je n’ai pas dit mon dernier mot », affirme-t-elle. 

Cette année, elle n’avait pas de pivoines, mais en a quand même utilisé dans ses bouquets, des fleurs cultivées par d’autres au Québec et, donc, achetées. « Je m’adapte à la demande et aux circonstances et je tiens à reconnaître le travail des autres. Et ce sont tellement de belles fleurs… »

L’entreprise

Floramama n’est pas une immense entreprise. Elle compte en fait uniquement une employée permanente : Chloé. Pour le reste, la jardinière se fait aider par des bénévoles qui viennent habiter chez elle dans le cadre de projets WWOOF, ce réseau international de fermes biologiques où l’on peut travailler en échange du gîte et des repas. Elle réussit néanmoins à approvisionner le réseau des supermarchés Avril, ainsi qu’un circuit de livraisons de fleurs pour ses abonnés, le marché du Mile End et l’épicerie de Frelighsburg. Et la vente de ses fleurs lui permet d’en vivre. « Oui, je survis avec mes fleurs, de mieux en mieux. Et c’est un marché où il y a beaucoup à développer. »

Un ingrédient crucial

En fait, deux ingrédients cruciaux ont fait basculer la vie professionnelle de Chloé. D’abord, quand l’amoureuse de la terre s’est rendu compte qu’il y avait moyen de gagner sa vie comme fermière. Elle a compris cela en faisant la connaissance de Jean-Martin Fortier et Maude-Hélène Desroches, des Jardins de la Grelinette, à Saint-Armand, où elle a travaillé pendant quelques années avant de lancer sa propre ferme il y a quatre ans. 

Ensuite, alors qu’elle travaillait à la Grelinette et cherchait un projet, Chloé est tombée sur le travail d’Erin Benzakein, une Américaine de l’État de Washington qui se spécialise dans la culture des fleurs coupées ancestrales et les arrangements. On dit d’elle qu’elle a été pionnière dans cette combinaison de l’art de faire pousser et de présenter les fleurs d’une façon à la fois naturelle et actuelle. Chloé lui a écrit et lui a demandé si elle pouvait aller la voir pour comprendre son travail, contact qui a fini par donner une invitation dans l’État de Washington pour étudier l’art de la culture des fleurs. « Je savais que je voulais apporter quelque chose de différent sur le marché, quelque chose de qualité. Je cherchais LE légume. Et je suis tombée sur ça. »

Et l’avenir ?

L’avenir est en train de se développer maintenant, car Floramama est distribuée à travers le réseau des supermarchés Avril partout au Québec, de Brossard à Lévis. Pour Chloé, qui a commencé en distribuant ses bouquets à ses abonnés selon le modèle des paniers bihebdomadaires livrés en ville, c’est une immense percée. L’autre marché qu’elle entend bien développer : le monde des mariages. « Ça m’intéresse parce que ça fait appel à la créativité. Dans cinq ans, je me vois avec une équipe stable, des enfants plus grands et un jardin plus grand, avec plus de vivaces. »

Quelques chiffres

1

Un acre de terrain cultivé de façon intensive, sans tracteur, enrichi au fumier de poulet bio et au compost bio. Voilà où travaille Chloé.

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Chloé essaie d’avoir deux récoltes par été sur ses « planches » dans son jardin. Donc, elle sème une sorte de fleur, la récolte et a le temps d’en semer encore pour une seconde récolte avant la fin de la saison. Deux, c’est aussi le nombre de fois par mois où ses paniers sont livrés à ses abonnés en ville.

6

Il y a six ans maintenant que Chloé s’est installée sur la ferme qu’elle habite et loue au père de ses trois enfants, son voisin. Comme plusieurs des jeunes agriculteurs rencontrés pour cette série, elle n’est pas propriétaire de sa terre.

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