Bell et evenko s'offrent Juste pour rire

Surprise, après huit mois d’incertitude :  le petit diable vert s’est trouvé des parents canadiens.

Partenaires des Américains, Bell et evenko prendront le contrôle du Groupe Juste pour rire, mis en vente en octobre par Gilbert Rozon, plongé dans la controverse depuis des allégations d’agressions et de harcèlement sexuels.

Afin de bénéficier d’alléchants crédits d’impôt, la firme américaine ICM Partners, retenue en février pour faire l’acquisition du Groupe Juste pour rire, a fait entrer des partenaires canadiens dans la transaction. Résultat : Bell et evenko obtiendront 51 % des actions, pour un prix qui ne sera pas divulgué. La vente du Groupe Juste pour rire totalisait 65 millions, la facture totale des deux nouveaux partenaires en représenterait la moitié. Et ils seraient à parts égales dans cet achat.

La transaction sera officialisée d’ici à la mi-juin.

Au moins 10 millions

Avec l’entrée en scène de ces propriétaires canadiens, le Groupe Juste pour rire pourra se qualifier pour d’importants crédits d’impôt des deux ordres de gouvernement. On parle d’un appui d’au moins 10 millions par année, une entrée qui a un impact certain sur la rentabilité de l’opération. C’est surtout du côté d’Ottawa que la participation d’intérêts canadiens était névralgique, indique-t-on.

La transaction a l’appui passif du gouvernement provincial. Promise par la ministre fédérale Mélanie Joly, une vérification fédérale nécessaire pour la vente d’un produit culturel à des intérêts étrangers devient inutile. L’entrée en scène d’evenko et de Bell est susceptible de rassurer les employés, puisque ces firmes ont de multiples activités au Québec.

Ce développement viendra aussi peser lourd dans le maintien à Montréal du siège social du groupe, un engagement qui n’était pas formellement affirmé au moment des discussions entre Rozon et lCM.

Evenko est bien connue dans le domaine des événements ; elle est déjà propriétaire du Festival de jazz, qui a lieu traditionnellement juste avant Juste pour rire. L’entreprise possède déjà ses employés et son système de billetterie. Ici, il y aura un chevauchement avec les employés de Juste pour rire – on ne connaît pas les intentions de l’acheteur. Bell n’est pas un étranger pour les employés du Groupe Juste pour rire : il était déjà un commanditaire important de l’événement annuel.

de Nombreux pourparlers

Avant l’entente avec evenko-Bell, ICM Partners a discuté avec tous les groupes potentiellement intéressés, de Québecor à Rodgers en passant par la Caisse de dépôt et le Fonds de solidarité. Une négociation plus poussée avec V, le réseau de télé de la famille Rémillard, a failli se terminer par une entente. Les pourparlers ont achoppé sur une question financière, mais ce dialogue a entraîné un décalage de plusieurs semaines pour déterminer un acheteur.

Déjà, à la fin de 2017, le droit de premier refus dont bénéficiait Québecor à la suite d’une entente de 2012 avec Gilbert Rozon avait repoussé de plusieurs semaines le cheminement du dossier.

Le fil des événements

18 octobre 2017

Visé par de nombreuses allégations d’inconduite sexuelle, Gilbert Rozon démissionne de son poste de président du Groupe Juste pour rire. Il annonce deux jours plus tard qu’il vendra ses actions de l’entreprise qu’il a fondée en 1983.

22 octobre 2017

Deuxième entreprise au Québec dans le domaine de l’humour, ComediHa ! exprime son intérêt pour l’acquisition de son compétiteur. La société suisse GF Productions lui emboîte le pas.

Novembre 2017

La Presse écrit que plus de 20 acheteurs potentiels se sont manifestés, dont Québecor et Mishmash, collectif mis sur pied par Alexandre Taillefer. L’Équipe Spectra et François Lambert, investisseur à la tête d’Impulse Capital, ajoutent leurs noms à la liste. Plusieurs entreprises sur les rangs proviennent de l’extérieur de la province.

De décembre 2017 à février 2018

Le Groupe Juste pour rire fait une offre initiale à Québecor, en vertu d’une entente de partenariat signée en 2012. À défaut d’en arriver à une transaction, Québecor poursuit Juste pour rire. La Cour supérieure refuse plus tard d’accorder l’injonction demandée par Québecor, mais conclut que Juste pour rire ne peut accepter une offre d’un tiers dont le prix de vente serait inférieur à l’offre présentée à Québecor.

Janvier 2018

La Presse révèle que trois entreprises américaines, dont l’agence d’artistes ICM Partners, sont en lice pour acquérir Juste pour rire.

Février 2018

Seulement deux acheteurs potentiels sont toujours dans la course : ICM Partners et le milliardaire albertain Daryl Katz.

3 mars 2018

ICM Partners présente la meilleure offre. Québecor a jusqu’à la mi-mars pour exercer son droit de premier refus, mais se désiste finalement. L’entente de principe avec ICM est confirmée.

21 mars

L’humoriste canadien Howie Mandel devient le nouveau copropriétaire de Juste pour rire.

9 mai

Alors que la vente devait être conclue à la fin du mois d’avril, on apprend que ICM Partners demande une prolongation pour trouver des associés québécois et canadiens afin qu’ils acquièrent une portion des activités de l’entreprise Juste pour rire. Sans ces partenariats, la société n’aurait pas droit aux crédits d’impôt gouvernementaux.

28 mai

La Presse dévoile que les entreprises evenko et Bell détiendront une part des actions de Juste pour rire, à la suite de longues négociations pour ajouter des intérêts nationaux à la liste des copropriétaires de l’entreprise.

— Simon-Olivier Lorange et Marissa Groguhé, La Presse

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