« Encore beaucoup de travail à faire »
Promesse phare de Denis Coderre lors de la campagne électorale de 2013, la « ville intelligente » tarde pourtant à devenir concrète pour une majorité de Montréalais. Normal, estime le responsable du dossier au comité exécutif, Harout Chitilian : « Vous allez voir à moyen terme. Il faut au moins trois ans pour que les changements de structures deviennent des projets. Ça ne se fait pas en criant ciseau. »
Montréal ne semble pourtant rien avoir à envier aux autres villes déjà reconnues comme « intelligentes ». Si on se fie notamment à l’Intelligent Community Forum, elle fait partie du mondial. Le grand gagnant sera connu à l’été. En janvier 2015, on a annoncé un investissement de 23 millions sur trois ans pour compléter le virage entrepris dès 2011. Enfin, des initiatives comme Info Déneigement et l’accès à de nouvelles données municipales, 202 au total, indiquent une réelle progression.
Mais ne parlez pas des palmarès à M. Chitilian. Il accueillera les classements enviables de Montréal avec un haussement d’épaules.
« On sait où on est rendus. On est honorés qu’ils nous reconnaissent, mais il y a encore beaucoup de travail à faire. On sait où on s’en va et on ne se laissera pas amadouer par les reconnaissances. »
— Harout Chitilian, responsable du dossier « ville intelligente » au comité exécutif
Et de fait, pour les spécialistes de la ville intelligente, l’essentiel n’est pas toujours visible pour le commun des mortels.
Pour Jean-François Gauthier, PDG de l’Institut de gouvernance numérique, « il faut sortir de ces palmarès. Ce sont souvent des entreprises privées qui font de l’argent avec ça. Il faut les prendre pour ce que c’est : des relations publiques ».
À la base, estime-t-il, la ville intelligente n’est pas un enjeu technologique, « mais d’abord un changement de culture à la Ville ». « C’est la capacité de prendre des décisions éclairées sur des données que les outils numériques vont nous apporter. C’est un changement de posture mentale qu’il faut que les gestionnaires comprennent. Une fois ce fait acquis, on est capable d’avoir un plan d’action et d’ouvrir les processus de décision. »
Ce n’est donc pas par le nombre ou la beauté des applications grand public qu’on peut juger de l’intelligence d’une ville, mais par les infrastructures et l’organisation, renchérit M. Chitilian. C’est par exemple le WiFi gratuit dans le Vieux-Montréal, auquel se branchent 50 000 visiteurs uniques chaque mois, ou le Centre de gestion de la mobilité urbaine, une tour de contrôle ayant accès au réseau montréalais.
« Tout ça n’est pas visible à l’œil nu, mais à long terme, c’est un virage important, dit le responsable au comité exécutif. On a une nouvelle direction, de nouvelles équipes, des experts ont été embauchés – un des seuls secteurs de la Ville où il y a eu de l’embauche. »
L’important, estime Jean-François Gauthier, c’est que cette réorganisation mène à un résultat précis : « Il faut que les organisations publiques acceptent de s’ouvrir et de donner la voix aux citoyens, qu’elles acceptent de se faire évaluer et de laisser les citoyens contribuer. C’est la seule façon de rétablir la confiance dans les institutions. »