Sensibilisation

Apprendre à s’accepter

Quantité d’organismes et d’individus font sent consciemment ou non des gestes pour déconstruire les modèles de beauté et favoriser l’acceptation de soi. C’est ce qu’à fait Vanessa Lamy en publiant une photo d’elle après qu’elle a arrêté de s’entraîner.

C’est l’histoire d’une fille comme il en existe mille. Elle s’entraînait, surveillait sur alimentation (bref, se privait) en rêvant d’un corps parfait.

Et son corps parfait, elle l’a eu. Magnifique, même. En témoignent toutes ses photos d’avant-après publiées sur les réseaux sociaux, avec ses nouveaux beaux abdos, son « bikini body », comme on dit, à la plage avec ses amis.

Et puis un jour, à la plage, justement, alors qu’elle était en République dominicaine en vacances, elle a réalisé que quelque chose clochait. Parce que malgré ses cuisses fermes et son ventre plat, savez-vous quoi ? Non, elle n’était pas plus heureuse. Elle était même franchement malheureuse.

Une photo virale

Vous connaissez peut-être la suite. Parce que l’histoire de Vanessa Lamy a fait beaucoup jaser. Pour cause : la jeune femme, par ailleurs blogueuse/youtubeuse, a fait ce que bien peu osent. Non seulement elle a lâché prise, en arrêtant, oui, mesdames et messieurs, de compter ses calories et de se « taper la tête » quand elle flanchait devant une sucrerie, mais en prime, elle a publié le résultat. Sur les réseaux sociaux : une sorte d’avant-après à l’envers, quoi. Du corps « parfait » au corps « normal ». De parfait à imparfait. À vrai, quoi.

Nous avons rencontré Vanessa Lamy chez elle à Trois-Rivières, pour jaser de son cheminement, de cet audacieux « coming out » au printemps et surtout du tsunami de réactions, bien inattendu, faut-il le préciser.

« Je ne m’attendais pas du tout à ça, raconte-t-elle, assise en pantoufles dans sa petite cuisine, en compagnie de son chat Bruno. Vraiment, vraiment, je ne m’attendais pas à ça. » Sa courageuse photo a été « aimée » sur Facebook plus de 23 000 fois, « partagée » 5000 fois et commentée près de 3000 fois. Sans parler de toutes les entrevues dans les journaux et à la télé nationale. Pas mal, pour une fille suivie par quelques centaines de personnes.

Oser s’assumer

Son interprétation ? « C’est comme si les gens disaient : “Enfin, quelqu’un le dit, quelqu’un assume !” Parce que généralement, quand quelqu’un engraisse, c’est tabou… » À l’inverse, Vanessa Lamy, elle, a fini par s’assumer. Parce qu’elle n’a pas vraiment « engraissé », en fait. Elle a simplement arrêté de se priver. Arrêté de laisser son alimentation la préoccuper à chaque minute de la journée. Arrêté de laisser son poids contrôler sa vie.

« Plus on va en parler, plus les gens vont réaliser que l’apparence physique, ça n’est pas tout dans la vie. »

— Vanessa Lamy, blogueuse, 29 ans

Mais Vanessa a mis du temps (et du travail sur soi) avant d’arriver à ce constat. À ce « lâcher-prise ».

Elle raconte son histoire avec générosité, une histoire qui risque de sonner une cloche chez bien des gens. Parce qu’elle est tristement universelle. L’histoire d’une fille qui ne s’aimait pas trop. Qui pensait que si elle avait un « corps parfait », alors, peut-être, elle s’aimerait. « J’ai commencé à suivre un mode de vie, j’allais m’entraîner au gym à pied, une heure, je me privais, pour atteindre un certain résultat. » Lequel ? « Ce qu’on dit que les gens aiment : les abdos, la minceur, résume-t-elle. On dirait que c’est une norme imposée : être mince. »

Et puis oui, ça a marché un temps. « Je me valorisais à travers ça. J’allais chercher de l’attention, sans m’en rendre compte. Sauf qu'un jour, je me suis mise à pleurer parce que j’étais malheureuse. » Pourquoi, malheureuse ? Une question révélatrice. « Pourquoi je suis malheureuse ? J’ai tout ? J’ai un beau corps… » D’où le déclic.

« Je n’avais pas travaillé sur le vide que j’avais en dedans… »

— Vanessa Lamy

Aujourd’hui, finis les blogues sur l’entraînement et l’alimentation. Vanessa Lamy parle désormais d’acceptation, d’imperfection et de confiance en soi. Une histoire de poids qui finit bien.

Pourquoi on ne s’aime pas ?

D’après Statistique Canada, 60 % des jeunes sont insatisfaits de leur apparence. Plusieurs contrôlent leur poids par des moyens parfois extrêmes. Trois experts nous disent pourquoi.

L’avis de la militante

« L’adolescence s’inscrit dans un contexte de très grands changements physiques en peu de temps, les jeunes sont donc extrêmement vulnérables, en quête d’identité, très influençables, c’est un âge où on veut être comme tout le monde. C’est un âge où l’image prend une grande place dans notre vie. Et ça se poursuit à l’âge adulte. Parfois, ça s’estompe quand on se valorise ailleurs (le travail, la famille), mais chez certains, ça se poursuit toute la vie. »

— Anouck Sénécal, nutritionniste et chef de campagne chez ÉquiLibre

L’avis de la féministe

« Depuis 20 ans, on entend un discours très important sur l’obésité. On a construit une nouvelle maladie. Avant, le surpoids n’était pas une maladie. Du jour au lendemain, de 20 à 30 % de la population américaine qui n’était pas malade s’est retrouvée malade. Et le discours dominant associe malheureusement la santé à la minceur. Être mince, c’est être en santé. Cette association est fausse et malheureuse. »

— Geneviève Rail, Institut Simone de Beauvoir

L’avis de la chercheuse

« À l’adolescence, les jeunes portent davantage attention aux images sur la place publique, à l’appui social. Mais il commence à y avoir une sensibilisation à l’image construite et non naturelle. Dans toutes les tranches d’âge, les gens sont favorables au message de la Charte [pour une image corporelle saine et diversifiée]. »

— Lise Gauvin, chercheuse, Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal

Sensibilisation

Embrace, le mouvement

Taryn Brumfitt ne s’attendait pas à causer une telle commotion lorsqu’elle a publié des photos d’elle « avant » et « après » s’être adonnée à un entraînement intensif. Sur sa photo « après », elle avait repris les rondeurs qu’elle avait tant voulu faire fondre. Tout comme Vanessa Lamy, l’Australienne le dit clairement : même avec un corps parfait, mince et musclé, elle n’était pas plus heureuse. Ç'a été le début d’une quête qui a donné lieu à un documentaire sur l’image corporelle des femmes, Embrace, et maintenant d’un mouvement qui valorise l’acceptation de soi et la diversité corporelle. Son documentaire est en attente d’un distributeur au Canada.

— Alexandre Vigneault, La Presse

Sensibilisation

BTBP

L’organisme ÉquiLibre a lancé à la mi-octobre une nouvelle version de son programme d’intervention Bien dans sa tête, bien dans sa peau (BTBP), « qui vise le développement d’une image corporelle positive et l’adoption de saines habitudes de vie chez les jeunes ». Utilisé depuis 20 ans et implanté dans des centaines d’écoles secondaires ou organismes jeunesse, BTBP compte désormais un volet pour les écoles primaires puisque « 45 % des garçons et des filles de 9 ans » vivent aussi une insatisfaction corporelle… Au secondaire, c’est un enfant sur deux.

— Alexandre Vigneault, La Presse

Sensibilisation

Charte de l’image corporelle

Il y a 10 ans, des jeunes – dont Léa Clermont-Dion – ont déposé une pétition demandant au gouvernement « d’agir sur les causes sociales de l’anorexie et d’intervenir auprès de l’industrie ». La Charte québécoise pour une image corporelle saine et diversifiée (CHIC) découle de cet appel. La CHIC n’est pas un règlement ni même un contrat contraignant. Il s’agit plutôt d’un contrat moral qui peut être signé par les entreprises ou les individus. L’avènement de la CHIC a été suivi de campagnes de sensibilisation dans les écoles, d’actions concrètes dans le milieu de la mode (Défilé de la diversité corporelle) et de formation dans le domaine de la nutrition et de la santé mentale.

— Alexandre Vigneault, La Presse

Sensibilisation

Sans retouches !

Barbie, la publicité, les images valorisées dans les réseaux sociaux constituent un « désastre pour l’image corporelle », estime Jenna Boss. S’inspirant des étiquettes qu’on appose sur la nourriture (comme pour le bio), elle a créé l”étiquette E&A Free. L'« E » pour « enhancement » (« amélioration ») et l'« A » pour « alteration » (« retouche »). Appliquer cette étiquette sur les photos qu’on diffuse sur les réseaux sociaux, par exemple, ce serait afficher leur authenticité et faire contrepoids à ces images parfaites qui sont, le plus souvent, contrefaites. Par ailleurs, une loi forçant les publicitaires et magazines à identifier des photos retouchées entrera en vigueur en France en 2017.

— Alexandre Vigneault, La Presse

Sensibilisation

Tree Change Dolls

C’est par accident que le dada de Sonia Singh est devenu une forme de déconstruction des stéréotypes et une critique des diktats de beauté imposés aux fillettes. La mère de famille dans la trentaine a toujours aimé bichonner des poupées. Elle s’est mise à acheter des Barbie ou des Bratz de seconde main dans des marchés aux puces pour leur refaire une beauté. Une espèce de transformation extrême à l’envers : elle les démaquille, efface leurs grands yeux de biche, leur repeint des yeux et des bouches de dimension humaine, les recoiffe et les rhabille plus simplement. Bref, elle les transforme en fillettes. L’effet est saisissant.

— Alexandre Vigneault, La Presse

Sensibilisation

Le poids ? Sans commentaire !

Inspirée de la Fat Free Talk Week américaine, la semaine Le poids ? Sans commentaire !, qui se déroulait du 7 au 11 novembre cette année, invite à se tourner la langue sept fois dans sa bouche avant d’évoquer – positivement ou négativement – notre poids ou celui des autres dans nos conversations quotidiennes. L’objectif de cette invitation à l’autocensure est de faire prendre conscience de l’importance peut-être démesurée qu’on accorde au poids. Ce silence imposé constitue également une invitation à se valoriser et à valoriser les autres autrement que par l’apparence physique. La semaine Le poids ? Sans commentaire ! est pilotée par l’organisme ÉquiLibre et la porte-parole est Saskia Thuot.

— Alexandre Vigneault, La Presse

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