Concours de sommellerie

Le Québécois, ce concurrent féroce

En août, notre collaboratrice Véronique Rivest a reçu un sommelier venu du Chili pour parfaire ses connaissances en sa compagnie. En quoi l’expertise du Québec fait-elle courir les meilleurs au monde ? Elle nous explique ici ce qui fait notre renommée.

« Pinot noir. De Nouvelle-Zélande. L’île du Sud. Central Otago. 2017. » Voici le genre de verdict qui peut tomber dans une dégustation à l’aveugle.

Et c’est ce qui semble toujours impressionner. Au point où beaucoup de gens croient qu’un concours ou un examen de sommellerie, ce n’est que ça : deviner ce qu’il y a dans un verre. Mais c’est beaucoup plus.

Déjà, la dégustation à l’aveugle couvre tous les alcools, pas seulement le vin. Bières, cidres, sakés, liqueurs et spiritueux… tout y passe. Et pas seulement pour deviner ce que c’est ! Les sommeliers doivent décortiquer et comprendre le produit sous toutes ses facettes.

Et pour y arriver, ce n’est pas bien compliqué : il faut goûter. Beaucoup. Beaucoup de vins, de styles différents. Avec le temps et la pratique, on arrive à différencier les cépages et les vins qu’ils donnent, on perçoit l’influence des différents terroirs sur ces vins et on comprend l’effet des différents modes de vinification.

Pour les candidats qui souhaitent se préparer pour un examen de renommée internationale, tel que le Master of Wine ou le Master Sommelier, le Québec est un lieu d’entraînement de choix. 

L’offre dans notre marché est vaste et variée, et permet de goûter des produits d’origines très diverses. C’est un atout indéniable pour mieux les comprendre et former son palais, et sans aucun doute l’une des raisons qui expliquent l’expertise qui s’est développée chez nous.

Ce n’est pas surprenant, alors, que des sommeliers d’ailleurs viennent ici pour s’entraîner et avoir accès à plus de produits. Et pour se former auprès de nos professionnels.

Quand j’ai commencé dans le métier de sommelière, dans les années 90, j’ai participé à des concours afin d’en apprendre toujours plus sur une grande variété de produits. Comme j’étais autodidacte, c’était une excellente façon pour moi de voir où j’en étais dans mon cheminement. Mais pour parfaire mes connaissances, j’ai dû quitter ma région et mon pays, car le monde de la sommellerie n’en était ici qu’à ses balbutiements.

Aujourd’hui, la sommellerie est en ébullition au Québec et au Canada ! De plus en plus de jeunes sommeliers se lancent dans les concours ou encore passent des examens de certification. Il y a enfin toute une communauté pour les soutenir. Quel plaisir pour moi d’aider les nouvelles générations de sommeliers dans leur cheminement ! Le vin, après tout, c’est le partage !

Seulement boire du vin ?

Par contre, quand je dis que j’entraîne des sommeliers, il y a souvent un moment d’hésitation. Je sens la question dans le regard : « Qu’est-ce que ça veut dire ? Vous buvez du vin ensemble ? »

Les entraînements portent habituellement sur trois axes principaux : la dégustation, le service et la théorie. Cette dernière, bien sûr, se fait beaucoup par l’étude personnelle, mais nous l’approfondissons en nous faisant part des dernières nouvelles du monde viticole, des évolutions, des mises à jour. En nous soumettant à des questionnaires, en nous échangeant des trucs pour mieux répondre, être plus rapide, concis, exercer notre mémoire. La quantité d’informations que nous devons retenir est incroyablement vaste et en constante évolution.

L’entraînement pour le service est plutôt simple. Du moins en surface. Il s’agit de connaître les différents protocoles de service, et de bien en maîtriser toutes les techniques. Qu’il s’agisse de décanter un vieux vin, d’ouvrir une bouteille de porto à l’aide d’une pince ou de servir un mathusalem de Champagne à 40 convives. Mais à ces gestes techniques s’ajoutent les qualités de psychologue, de diplomate, de conseiller, de conteur. En ouvrant la bouteille de Champagne, tout en s’assurant que le bouchon ne devienne pas un projectile dangereux, il faudra suggérer des accords vins pour le menu quatre services à venir, tout en proposant des solutions de rechange au Champagne, et aux vins qui suivront, pour le convive qui n’en boit pas. Et des suggestions sans gluten pour la personne qui n’en mange pas. Tout en répondant aux questions des convives sur le vin, son origine, son élaboration, et j’en passe !

On simule donc toutes sortes de situations de service. Parce que, lors d’un concours, tout est possible… comme dans la vraie vie d’un restaurant.

Enfin, l’entraînement pour la dégustation varie selon le type de concours ou d’examen. Mais le but est le même : être capable de bien analyser le produit et d’arriver à une conclusion qui se tient quant à sa nature et à son origine. Ici, les possibilités sont infinies.

Aujourd’hui, quand un Québécois se présente dans un concours international, on ne le regarde plus comme une bête curieuse. On n’entend plus : « Comment est-ce qu’un Québécois peut en savoir autant sur le vin ? » Non, aujourd’hui, on entend plutôt : « Oh oh… un Québécois. La concurrence sera féroce. » Et j’en suis terriblement fière.

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