Disparition d’une femme inuite

Abandonnée en pleine nuit par des policiers

Laissée à la sortie d’un poste de police en pleine nuit, un cathéter dans le bras et un billet d’autobus à la main. La famille d’une patiente inuite disparue depuis cinq jours à Montréal accuse les autorités de l’avoir mise en danger.

Des agents du Service de police de la ville de Montréal (SPVM) avaient arrêté Maina Aculiak vendredi dernier vers 18 h, à la demande de l’Institut de réadaptation Gingras-Lindsay, dans Côte-des-Neiges, où elle était hospitalisée. La femme de 48 ans était en état d’ébriété après avoir profité d’une sortie-cigarette pour se procurer de la bière.

Après avoir dégrisé au Centre opérationnel Ouest, situé sur le boulevard Thimens – une artère industrielle de l’arrondissement de Saint-Laurent –, Mme Aculiak a été libérée vers minuit avec un billet d’autobus, a confirmé hier le SPVM. Les caméras de sécurité l’ont filmée en train de s’éloigner du bâtiment, puis disparaître dans la nuit.

Elle manquait à l’appel depuis cinq jours au moment d’écrire ces lignes, hier soir. La police confirme qu’elle est portée disparue. Mme Aculiak souffre de problèmes de santé mentale.

« Elle ne connaît pas Montréal. Elle n’a personne ici. Elle ne parle à peu près pas anglais et le comprend mal. »

— Paul Tookalook, conjoint de Maina Aculiak, à La Presse

« Elle prenait beaucoup de médicaments » pour une douleur intense au bras, ce qui pourrait la rendre plus vulnérable : elle souffre de problèmes de dépendance.

M. Tookalook ne comprend pas pourquoi les policiers ne l’ont pas ramenée à sa chambre d’hôpital, à neuf kilomètres de là, où elle attendait depuis plusieurs semaines une opération au bras. C’est là qu’elle avait été cueillie quelques heures plus tôt.

Hier soir, la police tentait de faire la lumière sur les raisons pour lesquelles Mme Aculiak n’a pas été raccompagnée. « On a mis la machine en branle pour comprendre ce qui est arrivé », a indiqué Ian Lafrenière, commandant aux communications du SPVM.

Heurtée par un véhicule de patrouille

Son foyer se trouve à 1250 kilomètres de Montréal, à Umiujaq, village du Grand Nord québécois comptant quelque 500 habitants et qui n’est accessible qu’en avion.

Mme Aculiak était hospitalisée dans la métropole après avoir été délibérément heurtée par un véhicule de police dans ce village, en avril dernier, alors qu’elle était en crise et avait proféré des menaces. L’intervention brutale l’a laissée avec un poumon perforé, des organes vitaux lacérés et plusieurs os fracturés. Ce n’est qu’après un reportage de La Presse, publié début juin, que le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) s’est penché sur le dossier. Le premier ministre Philippe Couillard avait qualifié le cas de « troublant ».

Au moment de sa disparition, elle portait toujours son bracelet d’hôpital et avait un cathéter dans le bras. Selon M. Tookalook, elle portait peut-être une casquette du Canadien de Montréal.

Le Foyer pour femmes autochtones de Montréal a été averti de la situation, a indiqué l’agent de liaison autochtone Carlo De Angelis, du SPVM, dans le cadre du projet Iskweu, qui vise à s’attaquer au phénomène des femmes autochtones assassinées ou disparues.

« Ce n’est pas rare que la police laisse les gens partir avec seulement un ticket d’autobus », a affirmé Jessica Quijano, qui travaille sur ce projet pour le Foyer.

Le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, qui chapeaute l’Institut de réadaptation, n’a pas voulu donner sa version des événements.

« La situation présente [est prise] très au sérieux. C’est important de dire que la qualité des soins et la sécurité de nos usagers est une priorité pour nous », s’est borné à dire Jean-Nicolas Aubé, porte-parole de l’organisation.

« C’est très rare que nous ayons des situations qui nous obligent à faire appel à la police. Ça ne nous arrive pas souvent. Ce sont des décisions qu’on prend toujours en fonction de la sécurité de nos usagers », a-t-il ajouté.

Le SPVM demande à toute personne qui reconnaît Maina Aculiak de composer le 911.

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