À votre tour

Être parent et étudiant...
en même temps

Salut toi, l’étudiant qui travaille 23 heures par semaine, qui révise tes notes quatre heures tous les soirs et qui fait scrupuleusement tous tes devoirs, tout en t’impliquant d’une façon mémorable dans tous les comités et les partys universitaires.

Je t’aime bien, tu sais. J’adore la façon que tu as de prendre toute la place durant les cours. J’apprécie aussi quand tu me regardes de haut lorsque je te demande si tu as un moment, et que tu me réponds « je suis occupé, j’ai des cours à temps plein, moi ».

Tu as raison. C’est vrai qu’avec mes quatre petits cours, mon horaire était moins chargé que le tien. C’est d’ailleurs parce que j’ai beaucoup trop de temps libre que je ne réussis pas à m’impliquer dans la vie active de l’école, ce qui est, tu l’auras constaté, un critère pour les bourses d’excellence auxquelles je n’ai malheureusement pas accès. C’est aussi parce que mon horaire est tellement plein de trous libres que je n’ai pas le temps de lire tous mes livres, mes notes et mes travaux obligatoires.

Je n’ai pas cinq cours, je ne m’implique pas dans les activités et je ne travaille pas en semaine. Donc, ton horaire est indéniablement plus chargé que le mien.

Sauf que…

Tous les matins, même le week-end, je me réveille à six heures et ce n’est pas seulement pour des besoins naturels. Si je me lève à sept heures, je considère que j’ai fait la grasse matinée. Le premier geste que je pose n’est pas de démarrer la machine à café, mais de faire chauffer un biberon. Quand je suis déconcentrée dans mon cours et que je pense à autre chose, ce n’est pas parce que j’ai trop fêté la veille. C’est parce que je pense à mon enfant, à la liste de tâches à faire, à ce que je pourrais servir pour souper.

Si je me dépêche à ranger mes choses pour quitter rapidement l’université, ce n’est pas par impatience, mais parce que je veux être auprès de ma famille le plus rapidement possible. Si je ne m’implique pas dans tes comités et que tu ne reconnais pas mon visage, ce n’est pas parce que je suis indigne d’intérêt ou incapable de quoi que ce soit, mais parce que j’ai décidé que ma priorité est ma petite famille.

Être parent et aux études est un choix que je ne regretterai jamais. Chaque jour, ma fille – et mon fils qui naîtra bientôt – me confirment que j’ai pris la bonne décision. Ce que je regrette, c’est le manque de compréhension des autres étudiants, c’est l’absence de reconnaissance au sein même de l’école.

Lorsque j’obtiens des notes aussi élevées que vous, je suis fière. Quand je vois que je pourrais être récipiendaire d’une bourse d’excellence, mais que le critère principal qui m’en empêche est mon manque d’implication au sein de l’école, je suis un peu frustrée.

Je ne t’en veux pas, étudiant à l’horaire chargé. Tu bosses fort, tu mérites tout ce que tu as et puis t’es mon ami. J’ai le même âge que toi, mais tu vois, ça ne change rien au problème.

J’aimerais simplement que, pour une fois, la situation des parents-étudiants soit reconnue et qu’on ne soit plus perçus comme « des gens qui ont trop de temps ».

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