Les scientifiques contre Trump

Le danger de la partisanerie des scientifiques

Donald Trump a multiplié les attaques contre la science depuis son arrivée au pouvoir, et les scientifiques répliquent. Leur indignation a culminé, il y a deux semaines, par une grande « marche pour la science ». Mais cette guerre frontale risque de se retourner contre les scientifiques, a prévenu hier une experte lors d’un panel organisé dans le cadre des Journées internationales de la culture scientifique.

« Vous ne pouvez pas attraper la science par la chatte », pouvait-on lire sur une pancarte brandie lors de la récente marche pour la science, tenue dans plus de 600 villes du monde. Ailleurs, le président américain a été traité de « fasciste orange ».

Sur Twitter, Joe Schwarcz, directeur du bureau pour la science et la société de l’Université McGill, l’a comparé à la maladie de Crohn.

« Souvent, la seule solution est l’ablation », a-t-il écrit. Et ceux qui maîtrisent l’anglais comprendront toute l’hostilité d’un slogan comme « Hey Trump : Go Fact Yourself », aussi aperçu pendant la marche du 22 avril.

En niant plusieurs faits et en menaçant de diminuer les budgets des grandes agences de recherche, Trump a attaqué les scientifiques. Et ceux-ci répliquent avec une vigueur qui dépasse celle observée sous les règnes de George W. Bush, aux États-Unis, ou de Stephen Harper, au Canada.

Mais pour Dominique Brossard, professeure et titulaire de la Chaire des communications en science de la vie à l’Université du Wisconsin à Madison, la guerre qui se joue actuellement est dangereuse.

« Certains de mes collègues se sont défoulés, a lancé l’experte à La Presse en marge d’un panel organisé hier par l’Association des communicateurs scientifiques du Québec. Mais est-ce que c’est vraiment constructif ? »

« J’ai plutôt l’impression qu’on est en train de reculer. »

— Dominique Brossard, professeure et titulaire de la Chaire des communications en science de la vie à l’Université du Wisconsin à Madison

En jouant le jeu de Trump, plaide la spécialiste des communications, les scientifiques renforcent la « polarisation » qui divise actuellement les États-Unis et d’autres pays. Mme Brossard a rappelé que Donald Trump compte encore sur l’appui de 40 % des électeurs américains. Elle se demande si c’est vraiment une bonne idée pour les scientifiques de se mettre tous ces gens à dos.

« Le risque, c’est que l’électorat de Trump décide que les scientifiques sont contre Trump et se disent : ils ne me comprennent pas, moi, électeur de Trump, et je ne vais donc pas croire ce qu’ils me disent », dit-elle.

La science est-elle de gauche ?

Aux États-Unis, l’équation voulant que les scientifiques soient de gauche et démocrates semble de plus en plus aller de pair, déplore Dominique Brossard.

« En tant que scientifiques, nous devons nous mobiliser pour que les faits fassent partie des décisions politiques. Mais nous devons éviter à tout prix que la science devienne partisane », martèle-t-elle.

L’écologiste bien connu Steven Guilbeault, d’Équiterre, participait aussi à la discussion. « Je m’astreins, de temps en temps, à accepter les invitations des radio-poubelles », a-t-il dit dans le même esprit. Il a cependant tiqué lorsque Mme Brossard a vanté la décision du département de l’énergie américain d’inciter ses employés à bannir des expressions comme « réchauffement climatique » pour ne pas attiser les débats.

« Je suis plutôt craintif face à cette idée de changer notre discours pour plaire », a-t-il dit.

Peter Bleyer, du Centre canadien de politiques alternatives, a dirigé, sous l’ère Harper, les efforts proscience du syndicat représentant les scientifiques du gouvernement fédéral. Il convient que les scientifiques doivent aller vers ceux qui ne pensent pas comme eux, mais estime que des efforts de tous types sont requis pour lutter contre les vues de Trump.

« Qu’on soit positif ou négatif, on a du travail à faire », a-t-il lancé pour clore la discussion.

Quand Donald Trump défie la science

« Les changements climatiques sont un canular inventé par les Chinois pour rendre les usines américaines non compétitives. »

« Le vaccin contre la rougeole, les oreillons et la rubéole cause l’autisme. »

« Les footballeurs qui subissent des commotions cérébrales sont des faiblards. Pourquoi s’arrêter pour un simple coup de tête ? »

« Rappelez-vous : les nouvelles ampoules écoénergétiques causent le cancer. »

« J’adore les gens peu instruits. »

Citations compilées par Marie Lambert-Chan, rédactrice en chef du magazine Québec Science et animatrice du panel d’hier

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