Opinion  SAQ

Des cavistes à la rescousse

Le modèle des camions de rue pourrait être appliqué à l’alcool et favoriser une plus grande diversité de produits

Depuis plusieurs années, le statut de monopole de la SAQ est remis en question. D’ailleurs, selon un article de La Presse de jeudi, le deuxième rapport de la Commission de révision permanente des programmes présidée par Lucienne Robillard proposerait d’ouvrir la porte à la concurrence dans le marché des vins et des alcools au Québec.

Il y a plusieurs années que je suggère une libéralisation partielle du marché, qui permettrait à de petits cavistes – c’est-à-dire à de petites boutiques de vins et d’alcool – d’ouvrir leurs portes au Québec, venant faire concurrence à la SAQ. Les premiers gagnants d’un tel système seraient les consommateurs. Selon mes estimations, la concurrence amènerait une diminution des prix d’au moins 30 %. Notons que la marge bénéficiaire de la SAQ s’élève à 145 % en moyenne (par rapport au prix coûtant). Il y a donc de la place pour des baisses de prix !

De plus, chaque caviste voudra se distinguer en offrant des produits différents de la SAQ, augmentant la diversité de produits disponibles au Québec.

Car, malgré l’apparence d’un large choix, il existe des milliers de produits non accessibles au Québec.

L’existence d’un monopole au Québec limite donc le plaisir de la découverte et de la dégustation.

Pourquoi ne pas essayer, dans un premier temps, un petit projet pilote permettant l’ouverture de cinq à huit petits cavistes indépendants ? Le choix des cavistes se ferait par appel à candidatures. Chacun devra présenter un concept de boutique spécifique et original. Le gouvernement sélectionnerait les concepts apportant le plus de valeur ajoutée aux consommateurs, en termes d’originalité et de choix, mais aussi de localisation (pas seulement Montréal et Québec).

Pour donner une idée du concept de caviste original, nous avons réalisé de petites vidéos ludiques sur des cavistes originaux en vin, en bière et en whisky ailleurs dans le monde, illustrant ce que ce projet pilote pourrait procurer en plaisir aux consommateurs québécois.

C’est exactement de cette façon que la Ville de Montréal a procédé pour réintroduire les camions de cuisine de rue. Elle avait d’abord amorcé l’initiative à titre de projet pilote, par l’ouverture d’un petit nombre de camions. Pour éviter la multiplication des traditionnelles baraques à frites et à hot-dogs, le choix s’est effectué sur la base de l’originalité du concept de bouffe. Et c’est aujourd’hui un franc succès : la ville n’a jamais eu autant de diversité gastronomique dans ses rues !

Dans un tel système, la SAQ tirerait son épingle du jeu grâce à sa puissance commerciale, son image de marque et sa présence partout sur le territoire québécois. Avec la concurrence de seulement cinq à huit petits cavistes indépendants devant un réseau de 400 succursales de la SAQ, les conséquences financières pour le gouvernement seraient insignifiantes.

Pas besoin ici de privatiser la SAQ. Il s’agit simplement de mettre un peu de concurrence. Car c’est la concurrence qui fait baisser les prix, qui stimule la diversité de produits et encourage l’efficience.

Je parie que les premiers à proposer un concept de boutique seront les producteurs québécois, permettant aux consommateurs d’avoir enfin un réel accès à leurs vins. Le système actuel très archaïque de distribution des vins et des alcools est un véritable boulet aux pieds des vignerons d’ici. Il est plus facile d’acheter un vin importé bas de gamme que de mettre la main sur un vin québécois ! Selon mes calculs, cela génère un manque à gagner par année de 45 millions pour l’industrie québécoise, et 2,1 millions pour le budget de l’État.

Enfin, le service personnalisé des cavistes, leur enthousiasme, leur travail de promotion et de partage des connaissances sur le vin devraient dynamiser le marché des vins et alcools de qualité au Québec. Ainsi, ils sauront convaincre de nombreux consommateurs de dépenser le même montant d’argent qu’actuellement, malgré la baisse de 30 % des prix, mais sur des vins plus intéressants, plus originaux, ou plus typiques que les gros « blockbusters » ennuyeux que nous propose trop souvent la SAQ. Ceci soutiendra des retombées de taxes pour le gouvernement.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.