Chronique

Tant qu’à faire… on va mieux faire

Vous vous souvenez de ce camion qui a arraché une passerelle à Longueuil, l’an dernier, en roulant à benne ouverte sur la 132 ?

Le vestige est toujours là. Comme une rampe de lancement vers nulle part.

Je passe devant chaque semaine au pas de course. Et chaque fois, je me demande si c’est le petit frère du rond-point Dorval : une autre infrastructure incomplète, embourbée dans d’interminables avocasseries.

Eh bien non ! J’ai appris que Longueuil va déposer mardi un règlement d’emprunt pour rebâtir la passerelle de Normandie cet automne, en vue d’une inauguration au printemps prochain.

Une bonne nouvelle. Surtout qu’on ne refera pas à l’identique cette horrible structure de béton de 1979 !

Longueuil a choisi de tirer profit de l’accident de 2015 plutôt que de reconstruire à l’identique une horrible passerelle de béton.

Tant qu’à faire… on va mieux faire.

Ça devrait tomber sous le sens, je sais bien. Ça devrait être un réflexe. Mais je vous ferai remarquer qu’on était censé reconstruire une passerelle tout aussi laide, un énième passage en ciment gris strictement utilitaire.

Or plutôt que de se contenter de relier le point A au point B, la mairesse Caroline St-Hilaire a choisi de tirer profit de l’accident… au risque de faire hurler ceux qui rabaissent les citoyens au rang de simples « payeurs de taxes ».

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L’étroite passerelle, pour ceux qui ne la connaissaient pas, permettait jusqu’en février 2015 aux piétons et cyclistes de traverser la 132… vite, vite, de préférence, tant elle était laide et inconfortable.

Cette fois, on déroule plutôt le tapis rouge du Vieux-Longueuil jusqu’au fleuve, de façon à cicatriser la plaie créée en 1964 par le passage de l’autoroute.

Que l’on soit à pied ou à vélo, équipé d’une poussette ou d’un fauteuil roulant, on pourra agréablement franchir la distance qui sépare la rue Saint-Charles du parc Marie-Victorin, grâce à un lien deux fois plus large que le précédent, doté d’approches douces et sinueuses qui conviendront à tous les usages.

Entre le Vieux et les berges, côté ville, on croisera un parc Le Moyne complètement réaménagé pour rappeler la belle plage qui s’y trouvait avant la voie maritime. Et côté fleuve, on profitera d’un belvédère à 360 degrés comme il en manquait cruellement dans le secteur.

On ne refait donc pas une banale passerelle, on aménage plutôt un sentier aérien multifonctionnel qu’on reliera à la piste cyclable Oka–Mont-Saint-Hilaire.

Fichtrement intéressant, vous ne trouvez pas ?

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On peut certes chipoter sur les détails. Je trouve, personnellement, que le design de la structure qui surplombe l’autoroute aurait pu être plus audacieux.

Il est certes plus raffiné que la passerelle à haubans de La Prairie, qui n’est pas sans mérite elle-même. Mais il n’atteint pas la subtilité ni l’originalité de la passerelle Haendel-Charlemagne de Candiac, signée par la firme Lemay (voir la galerie d’images ci-dessus).

Mais en même temps, si l’on prend en compte l’ensemble du projet, incluant les aménagements paysagers, l’utilisation du bois, les rappels historiques et la signature lumineuse, on voit bien que, globalement, c’est une proposition de grande qualité que signent les architectes Cardin Ramirez Julien.

Une proposition qui a le mérite, en plus, d’anticiper la mise en valeur des berges promise aux dernières élections.

Il faut donc effacer de nos esprits la facture initiale de la structure, fixée à 4,5 millions, et la remplacer par un coût bonifié, qui intègre à la fois la passerelle et son accessibilité universelle, le parc et son aménagement paysager, le belvédère et les lumières.

Budget révisé : 8,8 millions. Une somme dont on pourra possiblement retrancher le paiement de l’entreprise de camionnage qui a arraché la passerelle. Une poursuite de 2,5 millions est pendante.

Donc finalement, oui, ça va coûter plus cher à celui qui se considère uniquement comme un « payeur de taxes ». Mais le citoyen, lui, en aura manifestement pour son argent. De même que le cycliste, le plaisancier, le parent, le flâneur, le patineur, le coureur…

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