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Un projet de loi pour élargir l’aide à mourir

OTTAWA — Le gouvernement fédéral veut faire tomber certaines barrières d’accès à l’aide médicale à mourir (AMM). Il propose donc dorénavant « deux avenues » aux patients aux prises avec des problèmes de santé graves et irrémédiables.

Le projet de loi C-7, déposé lundi après-midi en réaction à la décision Truchon rendue par la Cour supérieure du Québec, n’évacue pas complètement le concept de « mort naturelle prévisible ».

Mais le gouvernement Trudeau ne fait plus de l’imminence du trépas un critère sine qua non à l’accès à l’AMM : il ouvre la possibilité, pour des patients dont la « mort naturelle » est « non prévisible », de se prévaloir de l’option de l’AMM.

Le délai pour y avoir accès serait toutefois d’au moins 90 jours.

« Ce que la Cour supérieure nous a demandé de faire, c’était d’élargir l’étendue de la loi. C’est ce qu’on a fait », a affirmé en conférence de presse le ministre de la Justice, David Lametti. « Je suis confiant que ce sera jugé constitutionnel. »

Le gouvernement est retourné à la table à dessin pour répondre à la décision rendue par la juge Christine Baudouin. En septembre dernier, elle a donné raison aux deux patients atteints d’une maladie dégénérative incurable qui contestaient les lois.

Le ministre Lametti avait voté contre le projet initial de son gouvernement, en juin 2016, car il le jugeait trop restrictif. Lundi, en conférence de presse à Ottawa, il a assuré qu’il était « très satisfait » de cette nouvelle mouture.

« On a transformé la loi selon les valeurs de nos concitoyens, qui sont en train d’accepter l’AMM. On a trouvé, je crois, comment procéder », a-t-il soutenu. Il a par ailleurs avancé que la grande majorité des cas demeura celle des patients en fin de vie.

Pour ceux-ci, justement, la mesure législative propose des assouplissements.

Exit l’obligation de donner un consentement une deuxième fois, juste avant de recevoir l’AMM. On abroge aussi le délai obligatoire de 10 jours qu’un patient devait compter entre la demande et la prestation de l’AMM.

« La demande d’une personne en fin de vie d’avoir accès à l’aide médicale à mourir est soupesée, et cette période additionnelle pouvait prolonger les souffrances inutilement », a affirmé la ministre de la Santé, Patty Hajdu.

Maladie mentale

Le projet de loi C-7 prévoit également que l’AMM ne sera pas permise – du moins, pas pour l’instant – lorsque « la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée », est-il spécifié dans le texte.

« Les experts, les médecins, les infirmières nous ont dit qu’il n’y avait pas de consensus là-dessus, que c’était complexe. On a entendu à travers le Canada ce que nos homologues au Québec ont entendu », a expliqué David Lametti.

On s’épargnera donc à Ottawa une levée de boucliers comme celle que l’on a vue en janvier dernier à Québec, après que la ministre de la Santé, Danielle McCann, eut laissé planer la possibilité que les personnes atteintes de maladie mentale y aient accès.

Le projet de loi déposé aux Communes ne s’aventure cependant pas sur les terrains plus glissants que constituent la possibilité d’ouvrir cette possibilité à des « mineurs matures » ou les demandes anticipées.

Ces enjeux doivent faire l’objet d’un examen parlementaire de la loi initiale, qui doit se mettre en branle l’été prochain, comme prévu. On pourra aussi alors se pencher sur l’enjeu de l’accès où la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée.

Accueil favorable

L’avocat qui a porté la cause de Nicole Gladu et de Jean Truchon de façon bénévole (pro bono), Me Jean-Pierre Ménard, s’est dit « globalement » satisfait du contenu de ce projet de loi.

« On est très, très fiers que le projet de loi ne revienne pas en arrière. On craignait que le fédéral cherche une porte de sortie pour atténuer la portée du jugement, et il ne l’a pas fait », a-t-il lancé en entrevue avec La Presse.

Chez les parlementaires, le député bloquiste Luc Thériault s’est dit « agréablement surpris » de ce « pas dans la bonne direction » qui vient d’être franchi.

L’élimination du consentement final lui apparaît « intéressant », puisque dans certains cas, « on ne donne pas toute la sédation nécessaire pour soulager les souffrances du patient, pour qu’il puisse avoir toute sa tête au moment du deuxième consentement ».

C’est ce qu’il dit avoir vécu en accompagnant son père dans ses derniers moments. « On l’a soulagé, mais pas totalement », a-t-il confié en conférence de presse au sujet de son père, qui s’est éteint il y a deux semaines.

L’opposition officielle n’a pas souhaité offrir de réaction au dépôt du projet de loi du gouvernement, lundi. Le chef par intérim de la formation, Andrew Scheer, a été le seul à signaler pendant la campagne électorale qu’il aurait porté la décision en appel.

Les néo-démocrates accueillent aussi favorablement la mesure législative, mais restent « préoccupés par l’accès à l’aide médicale à mourir pour les personnes vivant dans les régions rurales et éloignées », a déclaré le député Randall Garrison.

Délai réclamé

Le gouvernement Trudeau a réclamé, la semaine dernière, un délai de quatre mois pour faire adopter son projet de loi en réaction à la décision Truchon, qui était tombée dans les premières heures de la campagne électorale fédérale, en septembre dernier.

L’audience sur cette requête se tient ce mardi. Un délai laisserait au fédéral jusqu’au 11 juillet pour faire adopter sa loi. Le gouvernement a besoin de l’appui de l’un des partis de l’opposition afin d’y parvenir, puis de lancer la balle dans le camp du Sénat.

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