Salaire minimum

Le Québec déjà premier au Canada et ailleurs

Est-on en meilleure posture financière si on gagne 15,20 $ l’heure ou 13,50 $ l’heure ? La réponse courte : ça dépend.

Tout est relatif et le salaire minimum en est un bon exemple.

Demain, il montera de 40 cents au Québec pour atteindre 13,50 $. Certains diront qu’on est encore loin des 15 $ dont tout le monde parle depuis des années. Que d’autres provinces ont été plus rapides à atteindre ce seuil psychologique.

Justement, ce n’est qu’un seuil psychologique. Le taux horaire n’est pas le meilleur chiffre pour mesurer le niveau de vie des personnes. C’est plutôt un chiffre parmi d’autres dans l’équation.

Pour savoir dans quelle mesure une personne, un couple ou une famille arrive à couvrir ses besoins de base avec le salaire minimum, il faut impérativement tenir compte de la fiscalité (impôts, crédits, allocations) et du coût de la vie.

C’est un travail fastidieux qu’on ne fait pas soi-même en lisant un encadré dans le journal sur la hausse du salaire minimum.

Si on n’est pas concerné, on s’attarde quelques secondes au nouveau taux et on finit presque par l’oublier.

À la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques (CFFP) de l’Université de Sherbrooke, on profite plutôt des hausses du salaire minimum pour analyser la question sous toutes ses coutures. Son étude dévoilée aujourd’hui compare la situation au Québec à celle des autres provinces et de 26 pays de l’OCDE, une première.

On y trouve des constats réconfortants dans presque toutes les pages.

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D’abord, il serait faux de croire que les 15,20 $ gagnés en Colombie-Britannique sont plus avantageux que les 13,50 $ offerts au Québec. Pour reprendre l’expression de ma collègue Stéphanie Grammond, c’est une « illusion d’optique ».

Une fois tout pris en compte, mieux vaut travailler au salaire minimum au Québec… que dans toute autre province.

Pour arriver à cette conclusion, les professeurs Luc Godbout, Suzie St-Cerny et Matis Allali ont calculé le revenu disponible de six types de ménages, pour 2021. C’est l’argent dont on dispose réellement pour consommer une fois les impôts payés et les allocations reçues. Ils ont ensuite comparé ce montant avec le coût de la vie en utilisant la mesure du panier de consommation (MPC).

Ce « panier » comprend cinq composantes : l’alimentation, l’habillement, le transport, le logement et les autres nécessités.

Comme on le voit sur le tableau, ce n’est pas toujours au Québec que les six types de ménages disposent du revenu disponible le plus élevé. Mais en ce qui a trait au taux de couverture des besoins de base, la province occupe la première place du podium à tout coup !

Ce n’est pas suffisant d’être numéro un, me direz-vous. Encore faut-il que les travailleurs mangent à leur faim.

Encore là, l’étude est plutôt rassurante. On ne nage pas dans l’abondance en gagnant le salaire minimum. Mais il s’avère que le taux de couverture des besoins de base est supérieur à 100 % pour cinq types de ménages sur six.

Au Québec, statistiquement, seul le couple sans enfants dont un seul conjoint travaille peine à s’acheter le minimum.

On ne peut pas en dire autant dans les autres provinces.

En Ontario, par exemple, seulement deux types de ménages ont assez d’argent pour subvenir à leurs besoins.

Ça ne veut surtout pas dire que le salaire minimum au Québec est trop élevé. Même le Conseil du patronat convient qu’un bon équilibre est maintenu actuellement entre le salaire minimum et le salaire moyen (ratio de 50 %).

Est-ce dire que tout est parfait ? Non plus, surtout que le prix des logements explose. Mais la comparaison met la réalité québécoise en perspective.

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Une confession en terminant : je n’avais jamais réalisé avant de lire cette étude que certaines personnes ont un revenu disponible… supérieur à leur salaire.

C’est le cas notamment du couple qui travaille au salaire minimum et qui a deux enfants. Avec le nouveau taux, il gagnera 49 190 $ annuellement. Il paiera des impôts, bien sûr, mais grâce à diverses allocations et crédits, son revenu disponible atteindra 56 959 $.

Un écart positif de près de 7800 $.

« Des mesures fiscales ont été mises en place pour sortir les enfants de la pauvreté. Il y a des choix qui ont été faits par le gouvernement », me rappelle Luc Godbout.

Cela est évident lorsqu’on compare le revenu disponible des ménages (gagnant le salaire minimum) avec enfants au Québec et dans 26 pays de l’OCDE. La province arrive au premier rang deux fois et au troisième rang pour les trois profils « avec enfants » comparés. Loin devant la Grèce, l’Allemagne et le Japon, par exemple.

Ces autres premières marches sur le podium nous rappellent que la fiscalité est aussi un outil de bienveillance.

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