Opinion : Réseau électrique métropolitain

Un second regard moins flatteur sur le REM

Le projet du Réseau électrique métropolitain (REM), piloté par la Caisse de dépôt et placement du Québec, par la voie de sa filiale CDPQ Infra, se présente comme la solution du XXIe siècle aux enjeux du transport en commun à l’échelle de la métropole.

En effet, comment les autorités municipales pourraient-elles résister à ce cadeau, ficelé en grande partie par un financement privé, offrant l’électrification et l’automatisation du service et intégrant dans sa couverture plusieurs centres névralgiques métropolitains, comme ceux du savoir (McGill et l’Université de Montréal), de l’emploi, de la technologie (le centre-ville, le technopôle Saint-Laurent), la Rive-Sud (L’Île-des-Sœurs et Brossard) et même, finalement, un lien vers l’aéroport ? Pour les autorités locales et les citoyens concernés, l’acceptation enthousiaste semble la seule réponse attendue.

Mais un second regard sur le REM, et surtout sur ses conséquences pour l’avenir du développement durable à l’échelle métropolitaine, devrait nous faire sérieusement reconsidérer cette première impression favorable.

Dans les mois suivants l’annonce du REM, au printemps 2016, et même jusqu’aux travaux du Bureau d’audience publique sur l’environnement (BAPE) l’automne dernier, CDPQ Infra ne semble pas avoir facilité la discussion, notamment en limitant la diffusion des études et des analyses ayant permis d’aboutir à cette solution, au point où même aujourd’hui, plusieurs aspects du projet reposent sur des spéculations.

Le BAPE a tenu ses audiences et émis ses avis, mais les instances gouvernementales semblent jusqu’à maintenant avoir rejeté du revers de la main les résultats de cette démarche.

Mais rien ne nous empêche de faire quelques constats, par exemple celui que le REM contredit chacun des bénéfices contenus dans son appellation. Lorsqu’un « réseau » de transport en commun est conçu de façon à multiplier les bénéfices sur l’environnement urbain, ce dernier devrait s’intégrer de façon complémentaire à l’infrastructure existante. Le REM vient au contraire faire obstacle et même parfois compromettre cette intégration, comme dans le cas de la gare de l’aéroport (infrastructure existante annulée), des transferts forcés pour les usagers des trains de Saint-Jérôme et de Mascouche, ou bien encore en s’appropriant à lui seul le tunnel du Mont-Royal. Par ce dernier geste, le REM vient même condamner à jamais la possibilité d’un réseau ferroviaire de centre-ville à centre-ville dans le corridor Québec-Windsor.

Considérations primordiales

L’électrification des transports en commun ne peut en elle-même justifier le REM. Un mode de propulsion qui diminue l’impact des transports en commun sur les émissions de gaz à effet de serre est valide, mais aucunement au détriment d’autres considérations primordiales, comme sa capacité en passagers, sa fréquence, la facilité des transferts (intégration intermodale) et son impact sur la forme du développement urbain. Selon tous ces critères, le REM n’arrive pas à la hauteur et laisse même présager une forte pression vers le développement d’une forme urbaine centrée sur la nécessité pour chaque ménage de posséder une voiture.

Et finalement, l’adjectif « métropolitain » contenu dans l’acronyme est particulièrement ironique, puisque le REM viendrait fermer la porte à plusieurs bonifications possibles du transport en commun à cette échelle. En s’accaparant le tunnel du Mont-Royal, en se connectant difficilement aux réseaux de transport en commun en place, en déployant ses stations loin des bassins de population existants (branche ouest de l’île) et en encourageant le park and ride, il est difficile de concevoir comment le REM pourra contribuer à faire évoluer la métropole vers un développement urbain et des modes de déplacement durables.

Le REM, tel que présenté par CDPQ Infra, n’est clairement pas compatible avec une vision durable et responsable du développement métropolitain.

Il semble raisonnable de proposer que les autorités ayant un rôle dans la sauvegarde de l’intérêt public et dans la mission de faciliter l’accessibilité et la viabilité à long terme du transport en commun à Montréal envisagent de prendre un long, sérieux second regard sur le projet. Le temps consacré à remodeler le REM en ce sens ne sera pas pris en vain.

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