Hausse du prix de l’essence

ÇA chauffe à la pompe

Les automobilistes ont eu de mauvaises surprises à plusieurs reprises au cours des dernières semaines en faisant le plein d'essence de leur voiture. Hier encore, avec prix à la pompe de 1,48 $, à quelques cents d’un record. Même s’il existe des solutions pour dépenser un peu moins en carburant, il reste que la nouvelle flambée des prix a des effets qui se font ressentir tant chez les citoyens que pour les entreprises.

Chronique

Pour moins pomper avec le prix de l’essence

Pendant une quinzaine d’années, je m’en confesse, je suis venue travailler à La Presse en voiture. La garderie, les courses… il y avait toujours une bonne raison pour ne pas me débarrasser de cette vieille habitude bien incrustée.

Mais à force de perdre mon temps dans les rues bloquées par les cônes orange, j’ai troqué le confort de mon véhicule contre le métro, le vélo et un rutilant scooter rouge dont je fais le plein pour la modique somme de 6,08 $. En prime, ça se gare n’importe où. Le bonheur !

Désormais, je suis davantage préoccupée par les averses de fin de journée que par les sautes d’humeur du prix de l’essence à la pompe, qui a touché 1,48 $ hier à Montréal, à quelques cents d’un record. Cela ne m’empêche pas de sympathiser avec les automobilistes qui ont vu le prix de l’essence bondir d’environ 35 cents par rapport à 2016.

Cette hausse va faire un gros trou dans le budget des familles, surtout celles qui demeurent en banlieue éloignée. Par exemple, un conducteur qui parcourt 30 000 kilomètres par année dans un véhicule utilitaire sport devra absorber une facture additionnelle de 1200 $ par année, selon les calculs de CAA-Québec.

Et l’essence n’est que la pointe de l’iceberg. Quand on additionne le prix d’achat, les intérêts, l’assurance et l’entretien, un véhicule coûte une vraie petite fortune. À vrai dire, l’automobile est devenue la deuxième dépense en importance des Québécois.

Même que l’auto passe avant le frigo ! En 2016, les ménages québécois ont consacré 9652 $ au transport, soit 14 % de leur budget. C’est davantage que leur facture d’épicerie (12 %).

Il n’y a pas de magie. Les ménages devront diminuer leurs dépenses discrétionnaires pour remplir leur réservoir, à moins de changer leurs habitudes pour réduire leur budget de transport. Voici de quoi les inspirer…

Payez au plus vite

N’embarquez pas dans un plan de financement qui s’étire sur 72 ou même 96 mois. Trop long ! Si vous achetez une voiture deux fois plus chère, disons 32 000 $ au lieu de 16 000 $, vous pourriez avoir des mensualités semblables en remboursant sur six ans au lieu de trois. Mais vous allez payer quatre fois plus d’intérêts, selon l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC).

Visez plus petit

En achetant un véhicule plus petit, vous économiserez non seulement sur le prix d’achat, mais sur tous les autres frais. Ainsi, une sous-compacte vous coûtera près de 7500 $ par année, tandis qu’un VUS vous reviendra à presque 10 000 $, selon l’outil de calcul de CAA-Québec. En prime, vous émettrez 35 % moins de gaz à effet de serre.

Pensez électrique

Ne vous laissez pas freiner par le prix d’achat d’un véhicule électrique. Il est vrai qu’une Nissan Leaf coûte facilement deux fois plus qu’une Nissan Sentra. Mais à la longue, son coût d’utilisation est 20 % inférieur, soit 8250 $ par année pour un conducteur qui roule 30 000 kilomètres par an, pendant cinq ans.

dénichez un Bonheur d’occasion

Contournez la forte dépréciation des deux premières années (de 30 à 40 %) en achetant un véhicule d’occasion. Ou encore, achetez une voiture neuve et conservez-la très longtemps. Les voitures sont plus durables et plus fiables qu’avant. Même si l’entretien vous coûte plus cher, vous serez gagnant.

Faites votre entretien

Un véhicule mal entretenu gaspille 15 % d’essence, prévient Pierre-Olivier Fortin, porte-parole de CAA-Québec. Alors, ne tournez pas les coins rond. Par contre, vous pouvez économiser en faisant entretenir votre bolide chez un garagiste de confiance plutôt que chez le concessionnaire.

Magasinez votre assurance

L’assurance représente 20 % des coûts d’utilisation d’un véhicule. Comme les primes peuvent varier du simple au double d’un assureur à l’autre pour le même dossier, il est impératif de magasiner en demandant des soumissions à plusieurs assureurs. N’oubliez pas de refaire l’exercice régulièrement.

Devenez un écoconducteur

Oubliez les démarrages en trombe et les freinages brusques. Une conduite trop agressive vous fait gagner 4 % de temps, mais gaspiller 39 % d’essence, rapporte M. Fortin. En plus, ça donne mal au cœur à vos passagers ! Et n’oubliez pas d’éteindre votre moteur quand vous êtes arrêté. C’est un mythe de croire que le redémarrage consomme encore plus d’essence.

soyez Plus léger, moins pressé

L’hiver est enfin terminé ! Enlevez votre support à ski ou votre porte-bagages sur le toit. Retirez vos pneus du coffre. Bref, roulez plus léger. Et roulez plus lentement. En circulant à 100 km/h plutôt qu’à 120 km/h, on diminue sa facture de 20 %. Et on économise 2 $ tous les 100 km.

Faites le plein au bon endroit

Allez savoir pourquoi, le prix de l’essence est plus élevé dans l’île de Montréal. En ce moment, la marge de profit des stations-service y est de 12,8 cents, par rapport à 7,4 cents en moyenne dans la province et à seulement 3,8 cents dans la ville de Québec. Si vous pouvez faire le plein ailleurs, sans faire de détour, ne vous en privez pas.

Laissez tomber l’auto

Enfin, pourquoi ne pas faire une utilisation plus rationnelle des transports ? Train de banlieue, métro, autobus, covoiturage, location, auto en partage, scooter, vélo, planche à roulettes, marche… ce ne sont pas les options qui manquent. La hausse du prix de l’essence sera peut-être le déclic nécessaire pour encourager les conducteurs à revoir leur conduite, qui sait ?

Essence

Les prix les plus élevés à Vancouver

Vancouver a beau être situé relativement près des sables bitumineux de l’Alberta, ses automobilistes ont l’impression ces jours-ci de vivre à l’autre bout du monde. Le prix de l’essence a touché 1,62 $ le litre lundi, le niveau le plus élevé de tous les importants marchés en Amérique du Nord, affirme Dan McTeague, analyste de GasBuddy, une firme qui fait le suivi des prix de l’essence dans plus de 140 000 stations-service. Les habitants de Vancouver paient environ 30 % plus cher que les automobilistes à Honolulu (Hawaii), et même plus que les habitants des îles Caïmans, qui ne possèdent pourtant aucune raffinerie et qui importent tous leurs carburants.

— D'après Bloomberg

Hausse du prix de l'essence

À qui la faute ?

Comment expliquer la forte remontée du prix de l’essence ? Les principaux facteurs à considérer découlent autant de l’évolution du marché des carburants pétroliers que des changements de la demande – plus énergivore – parmi les automobilistes, suggère Pierre-Olivier Pineau, professeur et titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal. Tour d'horizon des facteurs les plus significatifs. 

Le prix du pétrole brut

La remontée du prix du pétrole brut est une réaction à la « demande mondiale robuste, [aux] limites de production imposées par l’OPEP et la Russie, ainsi [qu’aux] incertitudes géopolitiques dans certaines régions pétrolières du Moyen-Orient ».

Un pouvoir d'achat moindre

Le dollar canadien est à 0,78 $US, contre 0,95 $US environ en 2014. Donc, explique M. Pineau, moins de pouvoir d’achat (ou surcoût monétaire) au Canada ces temps-ci pour le pétrole toujours coté en dollars américains, par rapport au taux de change d’il y a quatre ans.

Moins de stations-service

La réduction du nombre de détaillants est une conséquence de la consolidation du secteur de la distribution. « Il y a moins de stations-service dans le marché de l’essence et la tendance est la même partout. À Montréal seulement, on est passé de 306 à 276 détaillants en quelques années à peine », note M. Pineau.

Records de vente d'essence

Les ventes d'essence records sont une conséquence du changement de la demande parmi les automobilistes. « On a établi de nouveaux records de vente d’essence en 2017 au Québec et au Canada, après avoir atteint des records de vente de camions légers [VUS et camionnettes], souligne M. Pineau. D’une part, lorsque les gens dépensent plus pour l’achat d’un VUS au lieu d’une automobile moins coûteuse, c’est un signe pour l’industrie pétrolière qu’ils devront acheter plus d’essence pour utiliser leur véhicule. D’autre part, quand les consommateurs font des choix de véhicules plus gros et de logements en banlieue qui maximisent leur consommation d’essence, plutôt que de la minimiser, ils réduisent leur capacité à diminuer leur demande quand le prix monte. Cela donne plus de pouvoir de marché aux détaillants d’essence. »

Hausse du prix de l'essence

Des répercussions dans le monde du transport

À l’instar de la population, plusieurs entreprises doivent trouver le moyen de s’adapter aux hausses du prix de l’essence. Particulièrement celles qui opèrent dans le secteur du transport.

Camionnage : surcharge aux clients et gestion serrée

Les entreprises de camionnage ne devraient pas trop souffrir de la hausse du prix du carburant, puisqu’elles sont « protégées », dans leurs contrats, par des « clauses de surcharge du carburant », selon le PDG de l’Association du camionnage du Québec, Marc Cadieux. Les hausses du prix de l’essence peuvent ainsi être refilées aux clients. « Il y a 10 ans, précise-t-il, ces clauses étaient pratiquement inexistantes entre les compagnies de transport et leurs clients. Mais aujourd’hui, la majorité des compagnies ont de telles protections. » Il souligne que ces clauses s’ajustent en fonction des hausses, et même des baisses, du prix du carburant. « C’est aussi au transporteur de négocier ses ententes avec son client », ajoute-t-il. Par exemple, la plus grande entreprise canadienne de camionnage, TFI International, dirigée de Montréal, administre déjà des surcharges de carburant parmi ses principaux créneaux de clientèle au Canada et aux États-Unis. N’empêche, dans un contexte de marché très concurrentiel, qui limite la capacité de refiler tous les surcoûts de carburant à ses clients, TFI doit être encore plus attentive à la gestion serrée de ses coûts d’exploitation afin de préserver et d’améliorer ses résultats d’exploitation.

— Yvon Laprade, collaboration spéciale, et Martin Vallières, La Presse

Aviation : surcharge tarifaire à l’horizon ?

Le prix moyen du carburant d’aviation au Canada au premier trimestre 2018 était supérieur de 32 % par rapport à la moyenne annuelle de 2017. Par conséquent, de l’avis d’analystes, les grands transporteurs aériens pourraient tenter de refiler des surcharges tarifaires à leurs clients afin de rehausser leurs prochains résultats, après un début d’année un peu difficile. Chez Air Canada, estime Cameron Doerksen, analyste à la Financière Banque Nationale, « les coûts de carburant [pour tout l’exercice] pourraient augmenter de 930 millions, ce qui est important. Pour compenser, Air Canada devrait augmenter ses tarifs de 5 à 6 %. « Je crois que c’est réalisable au fil du temps. Cependant, il faudra probablement plusieurs trimestres pour compenser ses surcoûts de carburant avec des tarifs aériens plus élevés. » — Martin Vallières, La Presse

Et chez les déménageurs ?

La hausse du prix du carburant risque d’avoir un effet sur le coût des déménagements, à l’approche du 1er juillet. « Le diesel est une part importante de nos dépenses et ça nous coûte entre 10 et 15 % de plus que cet hiver », précise le propriétaire de Déménagement Économique Alex à Montréal, Valer Paduret, qui possède huit camions. « Nous allons devoir augmenter nos tarifs en conséquence, autour de 85 $ de l’heure, au lieu de 70 $ actuellement. » Chez Déménagement Universel, à Montréal, les tarifs n’ont pas augmenté pour l’instant, mais ils pourraient être majorés si la tendance à la hausse du prix du carburant se maintient.

— Jean-Sébastien Gagnon, La Presse

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