livre les filles sont-elles folles ?

La maladie mentale sans tabou

Après Ton Petit Look, Guide pour une adulte (genre) épanouie qui s’est vendu à plus de 10 000 exemplaires, Carolane et Josiane Stratis, connues pour être les « jumelles et blogueuses de la mode », lancent leur deuxième livre Les filles sont-elles folles ? ayant pour thème la maladie mentale.

Pourquoi se pencher sur un sujet aussi grave ? Ça fait longtemps qu’elles s’y intéressent, confient-elles, d’abord parce qu’il y a eu la dépression de Carolane, le suicide d’une amie du cégep, puis un TDAH découvert pour Josiane il y a quelques mois, à 30 ans. Ensuite, elles ont noté que de nombreuses lectrices leur parlaient du chapitre sur les difficultés de la vie dans leur précédent livre. 

Carolane et Josiane, toutes les deux mères de famille, voulaient faire quelque chose pour parler sans tabou de sujets plus délicats comme la sexualité, faire l’amour lorsqu’on prend des antidépresseurs, le consentement, le suicide, l’estime de soi et les troubles alimentaires.

« Soit, il y a des livres très scientifiques sur le sujet, soit c’est de la psycho-pop. On voulait écrire un livre à notre manière, car il est important de parler de maladie mentale, mais c’est rare d’entendre les gens en parler sans tabou. Dans le livre, on va assez loin dans la confidence et dans le récit de nos expériences personnelles », estime Josiane Stratis.

« On voulait rassembler des témoignages, car on connaît tous des gens qui ont des problèmes de maladie mentale, nous les premières, et on voulait montrer que ce n’est pas parce que tu as une maladie mentale que tu es folle. »

— Carolane Stratis

Elles estiment que la société voit parfois les femmes comme des folles, que ce soit en amour, dans leurs expériences sexuelles ou dans leur rapport à leur corps. Et qu’elles sont rapidement traitées d’hystériques quand elles se fâchent.

« Tout le monde est d’accord pour parler ouvertement des maladies mentales, mais peu de gens ont les outils pour vivre avec les conséquences que ça provoque. Avec nos blogues, ça fait six ans et demi qu’on fait face à de nombreux commentaires et critiques, parfois très dures, mais ça ne veut pas dire qu’à chaque fois qu’on me traite de folle parce que j’ai eu des enfants en étant en dépression ou que j’ai pris des antidépresseurs quand j’étais enceinte, que je le prends bien. Parfois, je reste trois jours à la maison à digérer certains commentaires », confie Carolane.

Avec ce livre, elles veulent normaliser le discours des maladies mentales pour qu’il soit mieux accepté par la société. 

Dans le livre, Josiane écrit un texte sur sa relation conflictuelle avec ses parents et explique pourquoi elle a décidé d’arrêter de leur parler. Un sujet difficile. « Ça vient avec beaucoup de jugement et d’incompréhension. Ça fait deux ans que je ne vois plus mes parents, je sais que c’est une décision qui crée un malaise et qui peut ne pas être comprise. J’ai la chance de pouvoir prendre la parole sur ce genre d’enjeu, et si je ne le fais pas, qui le fera ? Et je sais que ça peut aider », affirme Josiane Stratis.

Les sœurs parlent aussi d’estime de soi. « C’est difficile de s’aimer. Il y a des journées où je me regarde nue dans le miroir et je me mets à pleurer, c’est la seule carapace qu’on a, notre corps. La seule personne avec qui tu passes toute ta vie, c’est avec toi-même, alors commence à t’aimer, sinon, ce sera long », explique Josiane qui se rappelle qu’elle s’est beaucoup fait juger sur son corps sur son blogue Ton petit look. « Pendant des années, des gens écrivaient que j’étais laide… je ne veux pas me laisser atteindre par ça. »

« Quand tu es en dépression, tu aimes moins ton corps et ton corps change, tu prends ou tu perds du poids, ça fait partie des effets secondaires. Les gens ne s’en rendent pas compte, mais ils te disent “oh tu es belle, tu as maigri” alors que je ne m’étais jamais sentie aussi mal de ma vie puisque j’étais en dépression. Ce n’est pas parce que tu es mince que tu es bien dans ta peau. Cette équation ne devrait pas exister, surtout qu’une perte de poids a toujours été négative pour nous, car on fait de l’anxiété », explique Carolane.

« On veut montrer que les gens vivent différemment avec leur maladie mentale, que certains prennent des médicaments, d’autres pas, certains consultent des psychologues, d’autres préfèrent lire des ouvrages de référence, il n’y a pas de recettes pour aller mieux, mais il y a plein de façons de s’en sortir », disent-elles.

L’avis de la psy

Nous avons demandé à la Dre Stéphanie Léonard de lire le livre de Josiane et Carolane Stratis. Voici son analyse. « Les sœurs Stratis s’adressent aux femmes dans la vingtaine et vont droit au but avec leur style et leur langage très direct qui colle bien à leur génération, car il faut que les jeunes femmes se reconnaissent. J’aime le fait qu’elles veuillent démystifier la maladie mentale et nommer les choses avec de vrais mots (troubles alimentaires, suicide), car il y a encore beaucoup de honte à parler des maladies mentales. Même les jeunes femmes n’en parlent pas à leurs amies proches alors ça prend du temps avant qu’elles aillent chercher de l’aide. Elles encouragent à aller consulter et donnent de vraies ressources. Une personne sur cinq au courant de sa vie aura une maladie mentale, il faut en parler.

« Ce que je vois dans mon cabinet tous les jours, c’est que les gens sont réticents à prendre une médication pour les aider et je n’arrive pas toujours à les convaincre. Le livre, à travers les témoignages qui disent avoir eu recours à des antidépresseurs ou autres, démystifie d’une bonne manière, le recours à la médication. […] Ne pas s’isoler, parler des maladies mentales, demander de l’aide, c’est le message du livre. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.