Opinion : Jeunes femmes en difficulté

Les besoins ne prennent pas de vacances

Lundi dernier, c’est Lucie* qui s’est présentée à notre porte, un sac à la main, après avoir laissé son conjoint violent qui lui a volé près de la moitié de son chèque d’aide sociale.

Trois jours plus tôt, c’était Jade, 23 ans, qui venait de se faire expulser de l’appartement qu’elle occupait avec un colocataire dont le nom n’apparaissait pas sur le bail.

Corine, une transsexuelle qui vit de l’aide sociale, incapable de trouver un logement décent en raison de son apparence physique et de sa précarité économique, occupe depuis trois semaines la chambre numéro 2 de la maison d’hébergement Passages.

Récemment arrivée au Québec, Myrlande, parrainée par son père retourné dans son pays d’origine sans lui laisser d’adresse, occupe un lit chez nous depuis près d’un mois puisqu’elle ne peut plus subvenir à ses besoins.

Laetitia, dont les troubles alimentaires ruinent ses relations familiales et l’empêchent de garder un travail ou de terminer son trimestre universitaire, a cogné chez nous ce matin…

À l’heure actuelle, la maison d’hébergement affiche complet.

On juge à tort qu’avec l’arrivée des beaux jours, les refuges et les maisons pour personnes itinérantes se vident.

Mais il n’en est rien, bien au contraire.

Pendant que la majorité des Montréalais déferont leurs boîtes de déménagement, notre maison continuera d’afficher complet et nous serons obligés de refuser un toit et un lit à d’autres Lucie, Jade, Corine, Myrlande et Laetitia.

Des 1263 lits d’urgence disponibles dans les refuges du Québec, 130 sont réservés aux femmes. En un an, ce sont 238 Passagères de 18 à 30 ans, originaires de Montréal et d’ailleurs, qui ont profité d’un lit, de trois repas par jour et du soutien d’intervenantes, qui ont pu exprimer les difficultés qu’elles vivent au quotidien dans une œuvre artistique et qui, pour des durées variables, ont pu retrouver un sentiment de quiétude.

Parce qu’année après année, bien que les 4380 nuitées, les 13  140 repas et les 2192 heures d’ateliers de création représentent plus de 80 % de nos dépenses, ceux-ci sont gratuits pour toutes nos Passagères.

AFFLUENCE ESTIVALE

Et depuis quelques années, j’étonne beaucoup de gens en leur apprenant que les difficultés n’ont pas de saison ou de vacances et que contrairement à ce qu’on croit, les maisons qui hébergent les gens en situation d’itinérance continuent de refuser des gens à d’autres moments que lors des nuits de grand froid. Depuis les trois dernières années, chez Passages, ce sont les mois de juin, juillet et août qui sont les plus occupés.

À titre d’exemple, en mai, nous avons dû refuser un lit à plus de 21 jeunes femmes. Et ce n’est pas exceptionnel. Passages se remplit jour après jour, semaine après semaine, mois après mois. Pourtant, peut-être à cause de notre sensibilité toute québécoise au froid, c’est surtout l’hiver que le soutien de la population se fait le plus présent.

Passages reçoit actuellement du financement pour gérer 11 places. Ce sont vos dons qui nous permettent d’offrir 5 lits additionnels pour accueillir 16 Passagères.

Alors on me permettra cet appel : aidez-nous à… réchauffer le cœur de nos Passagères tout au long de l’année.

* Les noms des jeunes femmes ont été modifiés afin de conserver leur anonymat.

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