La Presse en Islande

L’école qui déconstruit les genres

REYKJAVIK, Islande — Quand Margret Pala a créé la méthode Hjalli, au début des années 80, elle rêvait d’enseigner aux enfants. Mais cette directrice de prématernelle voulait aussi leur permettre de « désapprendre ». Plus précisément, leur désapprendre à se conduire en fonction de ce que la société attend des garçons et des filles.

« Je voulais des classes sans jouets, explique celle qui est aujourd’hui à la tête de Hjallastefnan, un organisme privé qui gère 17 écoles réparties dans 10 municipalités islandaises. Je ne voulais pas de trains, de camions ou de poupées, mais plutôt de la pâte à modeler et de la peinture. L’idée était de laisser le champ libre aux enfants. »

Dans les écoles qui appliquent la méthode Hjalli, les garçons et les filles sont séparés, même à la récréation. Ils se retrouvent seulement une heure chaque jour pour faire la démonstration de ce qu’ils ont appris durant la journée.

« On veut apprendre le leadership aux filles et l’empathie aux garçons. On veut leur montrer que peu importe son sexe, on peut tout faire. »

— Margret Pala, fondatrice de la méthode Hjalli, qui a été décorée par le gouvernement islandais en 2007 pour son innovation pédagogique

Il y a 25 ans, à la création de la première école, la méthode Hjalli a suscité de nombreux débats en Islande. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. L’approche de Margret Pala est tellement populaire qu’il est question d’ouvrir des écoles secondaires. Pour l’instant, le réseau accueille les enfants jusqu’à l’âge de 9 ans. « J’aimerais offrir des classes jusqu’à l’âge de 16 ans pour répondre à la demande grandissante des parents », confirme Mme Pala.

UNE APPROCHE ÉGALITAIRE

Gunnhildur Sigurhansdóttir est tellement enchantée par l’approche Hjalli qu’elle préfère conduire 15 minutes matin et soir plutôt que d’envoyer son fils de 4 ans à l’école publique du quartier. « Je crois aux méthodes d’enseignement de Margret Pala, affirme cette mère de famille qui a envoyé ses trois enfants à l’école Hjalli. Ce que j’aime particulièrement, c’est qu’on connaît les professeurs et leurs valeurs. On sait qu’ils sont en faveur de l’égalité hommes-femmes, alors que dans le réseau public, on ne sait pas sur qui on va tomber.

« Quand on sépare les garçons et les filles, on peut tout leur apprendre, ajoute Mme Sigurhansdóttir. Par exemple, si quelque chose se brise, les filles vont apprendre à le réparer. Si un garçon se fait mal, son copain ira le consoler, alors que s’il y avait des filles dans la classe, il les laisserait sûrement faire. »

Autre particularité de la méthode Hjalli : les enfants n’ont ni livres ni crayons, et il n’y a pas de chaises ou de pupitres dans les classes.

« Les enfants suivent le programme scolaire islandais. Nous enseignons le curriculum à notre manière, avec des jeux qui permettent d’accroître la confiance en soi et l’autonomie. »

— Sigrun Bragadottir, qui enseigne depuis 20 ans, dont 5 à l’école Hgallastesnan

Au cœur de l’approche élaborée par Margret Pala, il y a surtout l’idée que chaque sexe doit se développer sans entraves. « Par exemple, poursuit l’enseignante, nous montrons aux filles à être courageuses en les faisant sauter par la fenêtre sur un matelas. Nous leur apprenons à prendre la parole dans un groupe, en étant fières de ce qu’elles ont accompli, en criant, en occupant l’espace. Aux garçons, nous montrons l’empathie, le travail d’équipe. Plus vieux, les enfants deviennent des adolescents et des adultes respectueux de l’autre sexe. »

« Chaque enfant est accueilli dans ce qu’il est, souligne Margret Pala. L’idée est de l’emmener à s’ouvrir à l’autre, dans le respect. »

« Si c’est un intimidateur, on l’aide à réaliser que ce qu’il fait n’est pas bien, ajoute Sigrun Bragadottir. L’idée, c’est de dire à l’enfant que ce n’est pas lui, le problème, mais son comportement. Nous nous adressons toujours à eux en disant : “cher ami”. C’est important que l’enfant garde sa dignité en tout temps. »

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