Fingerlings

La Montréalaise derrière le jouet de l’année

Les Fingerlings ont remporté le prix du jouet de l’année au salon de New York. Où ont été conçues ces petites merveilles robotisées qui ricanent, ronflent et pètent ? Ici même. La Presse a rencontré leur créatrice, Sydney Wiseman, une Montréalaise de 28 ans.

Sydney Wiseman a créé un des jouets les plus populaires de la planète : les Fingerlings. Vous les avez peut-être vus chez Walmart ou Toys “R” Us avant qu’ils ne disparaissent des tablettes.

Finger… comment ?

Fingerlings : ce sont de petits robots de 12 cm de haut en forme de singe, de licorne ou de paresseux qui s’agrippent à votre doigt et répondent au toucher et à la voix. Ils font tout : clignent des yeux, gazouillent, rigolent, donnent des becs, ronflent, rotent et pètent !

Leur popularité, qui a atteint un sommet lors de la dernière période des Fêtes, ne se dément pas. Ils ont été nommés jouet de l’année, le 16 février, au Salon du jouet de New York, le Toy Fair, qui réunissait 1000 entreprises, dont Mattel, Lego et Hasbro. Et ils ont remporté le prix du jouet à collectionner en 2018.

Comment Sydney Wiseman, une Montréalaise de 28 ans, a-t-elle réussi ce coup fumant ?

« J’ai eu une bonne idée et une très, très bonne équipe », lance-t-elle.

Nous l’avons rencontrée à l’Arthurs Nosh Bar, un resto de Saint-Henri, rue Notre-Dame Ouest, où elle a ses habitudes. Forbes, le Financial Post et le New York Times lui ont déjà consacré des articles, mais, ironiquement, il s’agissait de sa première entrevue avec un média montréalais (dans sa ville !).

AMOUR FOU

Avant d’aller plus loin, vous devez savoir que Sydney est folle des jouets depuis qu’elle est toute petite. « J’adore vraiment, vraiment les jouets ! », confesse-t-elle. Son bureau, situé dans un immeuble industriel de la rue Saint-Patrick, au sud du canal de Lachine, est le paradis des enfants. Sydney collectionne tout et n’importe quoi : Barbie, Polly Pockets, Beanie Babies, etc.

« J’ai la chance de travailler dans une industrie où on n’a pas vraiment besoin de vieillir. »

— Sydney Wiseman

Mais, contrairement aux apparences, elle ne joue pas. Elle travaille de 9 h à 17 h (au bureau) et de 19 h à 23 h (au téléphone avec la Chine) tous les jours quand elle n’est pas en voyage (pour le travail). De 17 h à 19 h, elle trouve le temps de faire du spinning ou du jogging. Non, elle n’a pas d’enfants !

Après avoir obtenu son diplôme en commerce à l’Université McGill, elle a travaillé dans le domaine des applications pour téléphone intelligent. Son rêve, à l’époque : décrocher un emploi chez Apple. « Steve Jobs est la personne que j’admire le plus sur terre », dit-elle.

TOUS MÉDECINS

Sydney ne vient pourtant pas d’une famille de « geeks ». Ses parents, son frère et sa sœur sont tous docteurs : père parodontiste, mère autrefois vétérinaire, frère et sœur étudiants en médecine.

Les sciences ? Très peu pour elle.

Mais si elle a choisi un chemin différent, elle ne s’est pas pour autant éloignée de sa famille tricotée serré. En 2011, après quelques années sur le marché du travail, elle s’est jointe à l’entreprise de jouets WowWee, fondée en 1988 par ses oncles Peter et Richard Yanofsky, où travaillent aussi sa mère (« ma meilleure amie ») et ses cousins Michael et Andrew Yanofsky.

« J’ai dû admettre que c’était ce que je voulais faire », lâche-t-elle.

Au départ, toutefois, Sydney ne voulait rien savoir de travailler pour WowWee. Elle trouvait les jouets produits par l’entreprise trop masculins à son goût. « J’ai dit à mon oncle : “OK, je vais travailler ici, mais je vais créer ma propre niche.” »

UN OUISTITI POP

L’idée du Fingerling a germé dans sa tête en 2015, après une période d’apprentissage par essais et erreurs. Elle vient d’une image de ouistiti pygmée, le plus petit singe au monde, qui vit en Amérique du Sud.

« J’adorais ce singe et j’étais convaincue que ça pourrait faire un bon jouet », explique Sydney, qui est allée voir son voisin de bureau pour lui demander s’il pouvait en faire un petit robot.

« Oui, je pense qu’on peut faire ça, lui a-t-il répondu. Que veux-tu qu’il fasse ?

— Je veux qu’il bouge la tête, cligne des yeux, rigole, gazouille et pète ! »

Ainsi est né le premier Fingerling, un robot-singe interactif offert en six couleurs. Si vous le tenez par la queue, tête en bas, il ricane. Si vous mettez votre main sur sa tête, il rote. Il adore être bercé. Il s’endort et peut même ronfler. En tout, il est préprogrammé pour faire plus de 40 animations différentes.

D’autres Fingerlings ont vu le jour par la suite : des licornes et des paresseux aux couleurs pop avec une houppette sur le dessus du crâne.

LE BUZZ

Deux jours après s’être illustrée au Toy Fair, Sydney Wiseman a reçu le titre de créatrice de l’année au Wonder Women Awards, à New York.

« Toute ma vie, j’ai voulu créer un buzz avant d’avoir 30 ans, confie la jeune femme. Je ne sais pas pourquoi, c’est un truc bizarre, mais c’est comme ça… »

Quelle est la recette du succès ?

La concentration, répond-elle.

« Il est très facile de se laisser distraire dans le monde d’aujourd’hui. Avec les Fingerlings, j’étais vraiment stressée parce que je savais que je pouvais atteindre mon but. Il ne fallait pas que je le rate. Je pense qu’à cause de ça, je me suis imposé plus de pression. »

… ET LE « DING »

Pas étonnant que sa citation préférée soit : « Vous ne pouvez relier les points en regardant vers l’avant, vous ne pouvez les relier qu’en regardant en arrière. Alors vous devez croire que les points vont en quelque sorte se relier dans le futur. Vous devez croire en quelque chose – vos tripes, le destin, la vie, le karma, peu importe. Cette approche ne m’a jamais quittée, et ça a fait toute la différence dans ma vie. »

Cette citation est de Steve Jobs, tout comme celle-ci, qu’elle aime aussi et qui lui va bien : 

« Je veux mettre un “ding” dans l’univers. »

EN CHIFFRES

20 Les Fingerlings sont vendus au prix de 20 $. Ils ont été offerts au Canada et en Angleterre, au printemps 2017, avant d’inonder le marché américain, quelques mois plus tard. « La réponse a été incroyablement rapide, dit Sydney Wiseman. Aux États-Unis, on a vendu plus de 100 000 jouets la première semaine. C’était vraiment fou. »

2 Sydney Wiseman a deux conseils à donner aux entrepreneurs en herbe : « Premièrement, tentez des choses et apprenez de vos erreurs parce que vous allez échouer plusieurs fois avant de réussir. Deuxièmement, entourez-vous d’une équipe formidable, c’est super important. »

35 WowWee emploie 35 personnes à Montréal. Des gens travaillent aussi à son bureau de San Diego, en Californie, et d’autres à Hong Kong, où Sydney se rend quatre fois par année. Toute la production est réalisée en Chine.

15 Squeeze, un studio d’animation de Québec, a eu le mandat de donner vie aux Fingerlings. Il a réalisé 15 épisodes de deux minutes qui seront diffusés sur le web sous peu. « Nous sommes convaincus que ça va faire un hit, dit Denis Doré, PDG de Squeeze. C’est extraordinaire. Nous sommes déjà en discussion avec WowWee pour voir comment on peut amener ce projet plus loin. »

2005 En 2005, WowWee a lancé le Robosapien, un robot humanoïde qui a fait sa renommée. À sa troisième version, en 2009, c’était un des robots les plus vendus dans le monde, avec plus de 3 millions d’exemplaires. WowWee a aussi commercialisé le robot Mip.

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