un grand serviteur de l’État
L’ex-premier ministre péquiste Bernard Landry n’est plus. Cet homme déterminé, qui a livré tant de batailles pour voir naître le pays du Québec, a rendu l’âme hier matin à 11 h 30. Ses enfants et sa conjointe Chantal Renaud étaient à ses cotés.
Figure marquante des 50 dernières années, Bernard Landry, le politicien, le militant, l’avocat et le professeur, aura été de tous les combats politiques et économiques. Et il les aura menés avec fidélité, devoir et engagement. Sans déroger à son code d’honneur.
Grand démocrate, épris de liberté, il aura incarné comme nul autre l’esprit des Patriotes. Il avait même décrété une journée nationale à leur mémoire, en 2002, pour remplacer la fête de Dollard.
« Les Patriotes nous ont donné la démocratie, mais ils souhaitaient l’indépendance, disait-il en mai 2007. Servons-nous alors de la démocratie pour aller chercher notre indépendance. »
Résolu, cet homme de tête et de cœur aura mis ses efforts acharnés et ses compétences économiques à profit pour faire entrer le Québec dans le concert des nations.
« Soyons clairs : c’est la cause de ma vie, disait-il en 2017. C’est tellement évident. Le Québec est une des 30 premières nations du monde sur le plan économique. Il y a tout pour être indépendant. »
Pendant 50 ans, Bernard Landry s’est dévoué à cette mission. Et il l’a fait avec panache.
Tribun au caractère bouillant, humaniste de haute culture, il défendait ses idées progressistes avec éloquence, voire grandiloquence.
Son langage châtié, un brin archaïque, et son verbe enflammé s’émaillaient de formules-chocs, de citations latines et de références historiques.
Colérique, mais d’une grande sensibilité, il n’avait pas froid aux yeux. Impétueux, il affrontait non seulement ses adversaires fédéralistes, mais tous ceux qui faisaient passer leurs ambitions personnelles avant le parti… et le parti avant la patrie.
C’est pourquoi cet homme fier a assumé pendant longtemps des rôles essentiels, certes, mais qui lui donnaient une image d’éternel second.
Voué à son idéal, il est resté dans l’ombre de leaders providentiels, de 1976 à 2001, en attendant son heure.
Pendant sa prolifique carrière, il n’en a pas moins dirigé une douzaine de ministères, essentiellement économiques. Les gens d’affaires et les entrepreneurs, entre autres, lui doivent beaucoup.
Au fil du temps, il a été ministre de René Lévesque et vice-premier ministre de Jacques Parizeau. Lieutenant et ministre omnipotent de Lucien Bouchard, il l’a remplacé au poste de premier ministre en 2001. Mais il n’a pas été élu à cette fonction lors des élections tenues deux ans plus tard.
Sous son court règne, Bernard Landry aura quand même eu le temps de mettre en place plusieurs mesures.
La plus spectaculaire – car elle sert encore de modèle à l’international – est la Paix des braves. Cette entente avec les Cris concerne le développement des ressources naturelles à la Baie-James.
Face à Ottawa, le gouvernement Landry a particulièrement gardé la dragée haute. On a même assisté à des querelles de drapeaux et de bannières, de l’Aquarium de Québec jusqu’au Sommet des Amériques.
Et, plus que toute autre, son administration a utilisé le mot « nation » pour nommer des institutions québécoises, des mesures ou des événements.
Le nationalisme de Bernard Landry, ou son patriotisme, comme il préférait le dire, tire sa source de ses origines familiales.
Jean-Bernard – son nom de baptême – est né le 9 mars 1937, à Saint-Jacques de Montcalm, près de Joliette.
Auparavant, cette localité agricole et forestière située dans Lanaudière s’appelait Nouvelle-Acadie. Cette appellation a une forte résonance pour la famille Landry. Leurs ancêtres, des Acadiens, ont été déportés en Nouvelle-Angleterre par le régime anglais.
Leur patronyme a aussi une étonnante signification. D’origine germanique, c’est un dérivé de Landric, qui signifie pays (land) puissant (ric).
Même le village où Bernard Landry voit le jour a un nom prédestiné, précise-t-on dans la biographie Le grand dérangeant.
Saint-Jacques est le patron des pèlerins. Montcalm est celui du général français vaincu par l’armée britannique sur les plaines d’Abraham.
Pendant toute la durée de son parcours, Bernard Landry tentera d’infléchir ce destin national. Et il mènera fidèlement une croisade pour faire du Québec un pays indépendant.
Sa longue marche débute à partir d’une petite ferme familiale. Elle le mènera vers les plus hautes fonctions.