Énergie et ressources

Ottawa dit non à Northern Gateway, mais approuve deux autres projets

Ottawa — Parce qu’ils créeront des milliers d’emplois et rendront plus sécuritaire le transport du pétrole issu des sables bitumineux de l’Alberta, le gouvernement Trudeau approuve l’élargissement de l’oléoduc Trans Mountain de la société Kinder Morgan et le remplacement de la ligne 3 d’Enbridge.

Mais du même souffle, il rejette un autre projet soumis par Enbridge, l’oléoduc Northern Gateway, parce que cela entraînerait le passage de transporteurs de pétrole brut dans le chenal Douglas, un écosystème fragile qui fait partie de la forêt pluviale du Grand Ours.

Soutenant que les deux premiers projets approuvés par son gouvernement sont « dans l’intérêt national », le premier ministre Justin Trudeau a aussi confirmé l’imposition d’un moratoire sur la circulation des grands navires pétroliers le long de la côte nord de la Colombie-Britannique.

En conférence de presse après la clôture des marchés, M. Trudeau a soutenu que ces deux projets n’empêcheront pas son gouvernement de respecter ses engagements en matière de réduction des gaz à effet de serre (GES) pris à Paris – soit de réduire les émissions de GES de 30 % sous les niveaux de 2005 d’ici 2030 – même s’ils permettront de transporter, à terme, près de 1 million de barils de pétrole de plus par jour.

« La réalité, c’est que la protection de l’environnement et la croissance économique doivent aller de pair. Nous ne devons pas faire un choix entre l’un ou l’autre. »

— Justin Trudeau

« Nous devons protéger l’environnement et créer de bons emplois en même temps. Ce que nous avons démontré aujourd’hui [hier], c’est que nous comprenons ça », a dit M. Trudeau, qui a fait l’annonce en compagnie de cinq de ses ministres.

Vive opposition

L’agrandissement de l’oléoduc Trans Mountain, qui relie Edmonton à Burnaby, avait déjà été approuvé par l’Office national de l’énergie en mai, malgré la vive opposition de la Colombie-Britannique, de la Ville de Vancouver et de certaines communautés autochtones, et même de la part de certains députés libéraux de la Colombie-Britannique qui sont membres du gouvernement Trudeau.

Le Nouveau Parti démocratique (NPD), le Parti vert et les groupes environnementaux ont vivement réagi à l’annonce d’hier. Le chef du NPD, Thomas Mulcair, a soutenu que M. Trudeau poursuivait ainsi le travail entamé par l’ancien premier ministre conservateur Stephen Harper, tandis que la leader du Parti vert Elizabeth May a déclaré être prête à aller en prison s’il le faut pour empêcher le projet Trans Mountain.

Pour sa part, la chef intérimaire du Parti conservateur, Rona Ambrose, a affirmé que les projets ne verront jamais le jour si le premier ministre n’accepte pas de les défendre avec vigueur compte tenu de l’opposition de certains groupes.

Le groupe environnementaliste Équiterre a condamné la décision de donner le feu vert à ce projet, affirmant sans ambages que le gouvernement Trudeau sera incapable de respecter les engagements de Paris.

Mais à plus d’une reprise, hier, le premier ministre Justin Trudeau a soutenu que le plan de lutte contre les changements climatiques du gouvernement albertain présenté l’an dernier a été un facteur important dans la décision d’Ottawa.

« Le plan de l’Alberta prévoit le plafonnement des émissions liées aux sables bitumineux à moyen terme, mais permet une augmentation de la production par rapport aux niveaux actuels. Actuellement, les oléoducs du Canada sont utilisés à plein rendement. Cela veut dire que si la production augmente de façon significative, nous serons forcés de trouver d’autres moyens d’acheminer le pétrole jusqu’au marché. Ces autres modes de transport comme le transport sur rail sont moins sécuritaires que les oléoducs », a-t-il dit.

Les trois projets en bref

Northern Gateway

Entreprise : Enbridge

Projet rejeté par le gouvernement Trudeau

Entre Edmonton, en Alberta, et Kitimat, dans le nord-ouest de la Colombie-Britannique

Objectif : 525 000 barils de pétrole par jour

Coût : 7,9 milliards

Le gouvernement Harper a approuvé le projet en 2014, mais la Cour fédérale a jugé l’été dernier que les Premières Nations n’avaient pas été suffisamment consultées. Le gouvernement Trudeau a choisi de mettre fin au projet plutôt que de faire de nouvelles consultations. Le gouvernement de la Colombie-Britannique s’était prononcé contre le projet.

Trans Mountain

Entreprise : Kinder Morgan

Projet approuvé par le gouvernement Trudeau

Entre Edmonton, en Alberta, et Burnaby, en Colombie-Britannique

Objectif : faire passer la capacité de 300 000 à 890 000 barils de pétrole par jour (+ 590 000 barils)

Coût : 6,8 milliards

Il s’agit essentiellement d’un doublement de l’oléoduc existant (à 89 %).

15 000 emplois durant la construction, 440 emplois durant l’exploitation

Ligne 3

Entreprise : Enbridge

Projet approuvé par le gouvernement Trudeau

Entre Hardisty, en Alberta, et Superior, au Wisconsin

Objectif : faire passer la capacité de 390 000 à 760 000 barils (+ 370 000 barils)

Coût : 4,8 milliards

Il s’agit essentiellement de rétablir la capacité initiale (en 1968) de transport de l’oléoduc.

700 emplois durant la construction

— Vincent Brousseau-Pouliot, La Presse

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