QUELLE SAGESSE ?

Si on essayait…

L’overdose du bonheur affiché pendant le temps des Fêtes peut en déprimer plus d’un. Ma mère disait de me méfier de ceux qui avaient l’outrecuidance de se vanter d’être si heureux.

« C’est louche, c’est toujours louche. Ne te fie pas aux apparences. Si tu pouvais regarder par le trou de la serrure, tu découvrirais les petites et grosses taches qui n’apparaissent pas sur la belle photo ou dans leur beau discours. »

Chacun a une image à protéger. Particulièrement sur les réseaux sociaux. Celle du bonheur remporte la palme. Il est préférable de ne pas trop parler de ses petites misères, de ses échecs, de ses épreuves, de ses difficultés à passer à travers certaines journées. Ça dérange. Surtout ne pas critiquer ce qui est censé être le plus beau moment de l’année. Le merveilleux temps des Fêtes ! Celui où l’on fête, de préférence en famille, l’immense plaisir d’être ensemble.

Une journée, ça va. C’est même très agréable. Deux semaines durant lesquelles chacun reçoit l’autre pour le remercier de l’avoir reçu la veille, c’est beaucoup. Les cadeaux démontrant notre appréciation peuvent atteindre des sommets. C’est l’imagination au pouvoir ! La bouteille de vin rosé reçue la veille des mains de la belle-sœur se retrouvera dans celles d’un nouveau conjoint le lendemain, et ainsi de suite. On recycle le papier et les beaux rubans pour envelopper le cadeau qui nous a déplu pour ensuite le refiler au nouveau chum de la cousine fatigante pour lui dire merci de s’occuper d’elle. J’exagère à peine.

Plus la fin de l’année approche, plus la pression monte. Ce qui n’a pas été dit, ce qui a été refoulé, retenu, risque de resurgir au moment le moins opportun. Quand tout le monde est autour de la table, après le quatrième toast offert à la nouvelle année. Une voix se détache du groupe en s’imposant avec autorité. On entend le fameux et célèbre « ça fait longtemps que je voulais te dire… ». Boum, badaboum ! La bombe éclate au moment où le potage au fenouil allait être servi. Silence de mort qui dure à peine quelques secondes. Tout le monde replace sa serviette, toussote, se serre les fesses, s’accroche à sa cuillère comme à une bouée de sauvetage. Chacun essaie de détendre l’atmosphère tant bien que mal. Je dirais plutôt mal. La diplomatie s’apprend rarement en famille. On ouvre deux autres bouteilles de vin. Le temps qu’il faut pour le dire, tout le monde s’en mêle. Les clans se forment. La chicane poigne. Inévitablement. Ça peut dégénérer en première crise mondiale ou familiale. Ce qui revient au même. L’année vient à peine de commencer.

J’arrête ici. Ça ne s’est pas produit chez nous ni chez vous, il va sans dire ! Non, seulement dans mon imagination. Et pourtant… On se souvient tous de débordements d’émotions, de crises, de chicanes mémorables, de règlements de compte, de larmes, de rejet, de mononcles chauds et de matantes « loud ». C’est comme ça que ça s’passe dans l’temps des Fêtes !

Ça ne peut faire autrement. On ne se voit presque pas durant l’année. On est trop occupés, trop pressés, trop stressés. D’un seul coup, on se retrouve en vase clos, tout le monde ensemble, pour fêter. Le choc !

Dès lors, il arrive qu’on ne soit pas tous sur la même longueur d’onde, que quelques notes discordantes se fassent entendre.

Je nous souhaite, pour la prochaine année, de prendre plus de temps pour nous voir, nous écouter, nous aimer, rire de nous et un peu des autres, nous entraider, discuter des choses qui nous tiennent à cœur, espérer trouver ensemble le courage de faire un monde meilleur.

Fi de l’austérité, regard neuf vers l’avenir.

Aux femmes et aux hommes bons, travaillants, honnêtes, courageux, fiers, résilients, inspirants, c’est une bonne année que je vous souhaite !

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