Opinion : Relations internationales

Les BRICS bâtissent leur maison

Petit train va loin. Les cinq États du forum des BRICS, l’acronyme désignant par leur initiale en anglais le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, viennent de clore leur 9e sommet annuel en Chine.

Il y a une décennie, nombreux étaient les experts, tous occidentaux, qui ricanaient au moment de la création de ce groupe. Il ne ferait pas de vieux os, disait-on, tant les différences politiques, idéologiques et économiques entre ses membres étaient criantes. Force est de constater pourtant qu’ils sont toujours unis et que leur poids dans l’économie mondiale s’accroît.

Les BRICS représentent plus de 40 % de la population de la planète et 23 % du produit intérieur brut mondial. Plus important, ils seraient à l’origine de 50 % de la croissance au cours des 10 dernières années. Leur succès étonne même l’inventeur de l’acronyme, l’économiste et ancien ministre britannique Jim O’Neill.

En 2001, avant même la création officielle du forum, O’Neill avait identifié le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine comme les économies émergentes qui allaient dans quelques années jouer un rôle de premier plan dans le monde et stimuler la croissance. L’Afrique du Sud s’est ajoutée au groupe un peu plus tard. « Seize ans après, la part des pays du BRICS dans le PIB mondial est plus élevée que tout ce que j’avais imaginé », a dit récemment le Britannique à l’agence de presse chinoise Xinhua.

Sans le dire ouvertement, les BRICS ont comme objectif de faire contrepoids à l’Occident.

Les cinq membres se posent en porte-parole des pays émergents et du Sud, et pas seulement sur les questions économiques. Au cours de la dernière décennie, l’ordre du jour des sommets s’est étoffé. Aujourd’hui, les leaders se penchent sur les changements climatiques, la sécurité régionale, la lutte antiterroriste, les technologies de l’information, les droits de la personne.

Promesses tenues

Si les médias occidentaux s’intéressent peu à ces sommets, un examen minutieux des engagements pris par les BRICS montre que ceux-ci tiennent leurs promesses. Le Groupe de recherche sur les BRICS de l’Université de Toronto publie chaque année depuis 2011 un rapport de conformité sur les principaux engagements contenus dans les documents adoptés à chaque sommet. Il y a quelques jours, il a publié son évaluation des principaux engagements du sommet tenu l’an dernier en Inde. Les données sont impressionnantes.

Le groupe de recherche conclut que « l’ensemble des cinq membres du BRICS a respecté la totalité de ses engagements sur le commerce (commerce électronique), le développement (aide aux pays de l’Union africaine), les chaînes de valeur mondiales, et l’échange automatique de renseignements fiscaux. Les membres du groupe ont toutefois affiché un succès moindre pour ce qui est de leurs engagements en matière de santé (résistance antimicrobienne), de changements climatiques (utilisation du gaz naturel) et de lutte à la corruption. Les résultats les moins élevés concernent l’appui au gouvernement afghan ». Depuis le début de l’évaluation, le respect des engagements par les membres des BRICS est passé de 74 % en 2011 à 89 % en 2016.

« Ce score est similaire à celui des membres du G7, dit Alissa Wang, chercheuse à l’Université de Toronto et responsable de l’évaluation. Les sommets du BRICS ne sont pas des rencontres de courtoisie. On y discute sérieusement et les engagements adoptés sont pour la plupart mis en œuvre. »

Pour autant, la convergence de vue des BRICS sur plusieurs questions ne peut masquer leurs différends géopolitiques. Jusqu’à la semaine dernière, l’Inde et la Chine étaient engagées dans une partie de bras de fer autour de leur frontière commune dans la région himalayenne. L’affaire a été réglée à la dernière minute, pour le moment du moins. Craignant le poids de la Chine, l’Inde, longtemps championne du non-alignement, se rapproche rapidement des États-Unis et du Japon.

Les BRICS n’ont pas encore atteint la cohérence et la discipline politique et diplomatique des membres du G7.

Et l’avenir des BRICS ? Jim O’Neill leur en prédit un beau. Il voit même une expansion du côté de l’Indonésie, de la Turquie, du Mexique et du Nigeria. Lentement, les BRICS bâtissent leur maison commune. On aurait tort de les ignorer.

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