Opinion  Les enfants du Québec

Un régime d’assurance parentale plus nécessaire que jamais

Le 21 novembre dernier, l’Observatoire des tout-petits publiait un premier portrait des 0-5 ans du Québec. Camil Bouchard, auteur du rapport Un Québec fou de ses enfants (1991), nous propose une série de trois billets portant sur des aspects importants de ce portrait. Aujourd’hui : le régime d’assurance parentale.

Les généreux congés parentaux offerts au Québec ont atteint leur objectif : il faut maintenant les bonifier

Le Québec a eu cette sagesse et cette audace d’offrir aux parents un congé digne de ce nom à l’arrivée d’un nouveau-né, par le biais de prestations étalées jusqu’à 48 semaines à 55 % ou 70 % du revenu de travail selon le type de congé choisi. Ne cherchez pas ailleurs en Amérique du Nord, le Québec est unique !

Mais nous doter de ce programme ce ne fut pas chose facile. Petit rappel historique. En 1996, patrons et syndicats sont réunis lors du fameux Sommet socio-économique. Ils conviennent de créer un régime québécois d’assurance parentale financé à même la caisse d’assurance-emploi alimentée exclusivement par les cotisations des travailleurs et des employeurs, mais gérée par Ottawa. 

Les négociations avec le fédéral achoppent ; Ottawa tentera même de créer son propre programme. En 2001, l’Assemblée nationale du Québec adopte à l’unanimité une loi créant le régime d’assurance parentale, question de mettre de la pression et d’affirmer ses compétences exclusives en la matière. Ottawa se fait tirer l’oreille durant quatre années supplémentaires avant de conclure une entente avec Québec. Cette bisbille aura duré huit longues années, privant ainsi plus de 800 000 mères et pères québécois de ce programme. Comme quoi les relations Ottawa-Québec ne concernent pas que les constitutionnalistes...

Les pères s’impliquent

La période entourant et suivant la naissance est une occasion privilégiée pour le nourrisson de tisser des liens d’attachement sécuritaire avec ses parents. C’est vrai pour la mère, c’est aussi vrai pour le père. 

En 2014, ce sont 129 000 parents qui ont profité du congé parental, dont 60 000 pères, ce qui représente une augmentation de 57 % pour eux depuis 2006. On est loin, très loin de 1991. À l’époque, dans le rapport Un Québec fou de ses enfants, nous exhortions les pères à « s’occuper de leurs affaires » (leurs enfants) et à se comporter en pères responsables, affectueux et actifs. À peine 4 % des pères prenaient congé lors de la naissance de leur enfant à cette époque.

Aujourd’hui, une très forte majorité de pères profitent des cinq semaines qui leur sont réservées ; 12 % vont même jusqu’à prendre trois mois de congé durant la première année de vie de leur nouveau-né. 

L’opportunité qu’ont désormais les pères de participer pleinement aux premières semaines de soins à leur nouveau-né est un puissant prédicteur de leur engagement durant les années qui vont suivre. C’est bon pour l’enfant, mais cela contribue aussi à une responsabilité parentale mieux partagée et mieux assumée par les deux parents.

Des succès et des défis

Ce congé parental bien rémunéré permet non seulement aux parents d’avoir l’esprit un peu plus tranquille, mais facilite également l’allaitement maternel. Le taux de mères qui allaitent ou tentent d’allaiter leur enfant a désormais passé le cap des 80 % au Québec ; celui des mères qui le font durant plus de 6 mois a fait un bond de 40 %. L’allaitement maternel prolongé est un élément de protection contre les infections, l’obésité, le diabète ; il contribue aussi au développement cognitif et langagier de l’enfant et facilite l’établissement des liens d’attachement. Et les bébés ne sont pas les seuls à en profiter : les mères qui allaitent seraient mieux protégées contre les humeurs dépressives.

Le régime d’assurance parentale du Québec est bon, mais pourrait être bonifié. Une enquête toute récente fait état du stress des parents de jeunes enfants qui, une fois revenus au boulot, tentent vaille que vaille de concilier vie de famille et vie de travail. Une portion importante des parents ont l’impression de manquer de temps pour eux et pour leurs enfants, de courir continuellement, de ne pas être à la hauteur. Les plus accablés jouent moins souvent avec leur enfant et sont plus punitifs. Il y a là un besoin essentiel à combler si on veut continuer à prétendre que le Québec est le paradis des familles.

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