Il s’agit de personnes dont le travail consiste à manipuler l'information ou à s’acharner sur quelqu’un ou sur un groupe de gens – habituellement un personnage public ou une organisation reconnue – dans le but de la dénigrer ou de la discréditer.
On pense spontanément au scandale de Cambridge Analytica – qui aurait utilisé les données personnelles de 50 millions d’utilisateurs Facebook à des fins électorales – ou encore aux 13 Russes accusés récemment de s’être ingérés dans la campagne présidentielle américaine de 2016.
Dans une entrevue publiée par l’Associated Press, deux ex-employés de la bien nommée Internet Research Agency de Saint-Pétersbourg, mise en cause par la justice américaine, ont admis qu’il s’agissait d’une entreprise de « trollage » (troll factory).
« Ce phénomène-là est très inquiétant », estime Nellie Brière, parce qu’elle menace nos démocraties.
« Cette culture de non-transparence, qui vise à changer la perception que les gens ont d’un sondage d’opinion ou d’un article, est dangereuse, parce qu’il y a manipulation d’informations. »
— Nellie Brière
« On parle entre autres de l’astroturfing, stratégie qui consiste à faire semblant qu’il y a une mobilisation de la population autour d’une idée, alors qu’il s’agit d’une mise en scène », explique Mme Brière.
Les journalistes sont particulièrement vulnérables, nous dit encore Nellie Brière, « parce qu’ils sont seuls face à une multitude anonyme qui cherche à détourner leurs propos. Les journalistes qui diffusent leurs articles sur les réseaux sociaux se livrent en pâture à tous ceux qui veulent les insulter. Et un commentaire négatif en entraîne toujours un autre. Ils n’ont pas d’aide pour modérer les commentaires, ils ne sont pas soutenus sur les réseaux sociaux. Ça contribue à les détruire et à les faire taire ».
Selon Benoît Gagnon, la volonté d’influencer l’opinion publique n’est pas chose nouvelle, mais le web et les réseaux sociaux facilitent indéniablement sa mise en œuvre. « On le voit notamment auprès d’individus proches de groupes terroristes, illustre-t-il. Ils vont tenter de légitimer des discours qui mènent à des actions violentes avec des commentaires très incisifs. Des discours qui pourraient justifier des gestes violents ou leur donner un sens. »
Que faire ?
Alors, faut-il répondre ou non à ces trolls ? « Le terrorisme gagne à faire parler de lui. C’est une guerre de communication, mais parfois, il est impossible de dialoguer avec certaines personnes. Margaret Thatcher disait : “Si vous voulez mettre fin au terrorisme, arrêtez d’en parler.” Il ne faut peut-être pas aller jusque-là, mais parfois ça ne sert à rien. Par contre, dans certains cas, la prise de parole est nécessaire et souhaitable. »
On a l’impression que ces trolls agissent impunément. Qu’ils sévissent sans craindre les conséquences. « Je n’irais pas jusque-là, nous dit Benoît Gagnon. On l’a vu avec le cas de Jeff Sabres [connu pour avoir harcelé Véronique Cloutier et Guy A. Lepage], qui s’est finalement retrouvé devant les tribunaux. Quelqu’un qui tient des propos diffamatoires va finir par en payer le prix. »
Tout cela étant dit, qu’est-ce qu’on fait ? Benoît Gagnon croit qu’il y a plusieurs acteurs qui ont une responsabilité dans la publication de commentaires. « Tout le monde doit être plus conscient et plus vigilant, croit-il, que ce soit les gestionnaires de pages, les responsables des grands réseaux sociaux comme Facebook, les fournisseurs de services web, etc. Il y a à l’évidence un besoin de modération, parce que les mots ne sont pas gratuits. »