Soins dentaires

la mâchoire aux rayons x

Vous sortez du cabinet du dentiste avec votre enfant de 7 ans, ravi d’avoir reçu un jouet et une brosse à dents neuve. Ce ne sont pas ses seuls « cadeaux » : le dentiste lui a aussi remis une ordonnance pour une radiographie panoramique. À quoi sert cet examen, couvert par la Régie de l’assurance maladie du Québec si l’enfant a moins de 10 ans ?

UN DOSSIER DE MARIE ALLARD

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Pourquoi un examen panoramique pour les enfants ?

Un Panorex, ce n’est pas un druide dans Astérix. C’est une radiographie panoramique des dents et des mâchoires qui, étonnamment, ne sert pas à détecter les caries.

« Ça donne une vue d’ensemble, autant de la mandibule [mâchoire inférieure] que du maxillaire supérieur, explique la Dre Marie-Ève Asselin, dentiste et chef du département de médecine dentaire au Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine. C’est une radiographie qu’on prend relativement de routine, entre 7 et 10 ans, tout dépendant du développement dentaire de l’enfant. »

L’objectif, c’est de faire cet examen quand l’enfant a une dentition mixte, c’est-à-dire quand les premières dents d’adulte poussent dans une bouche toujours majoritairement peuplée de petites dents de lait. C’est simple : alors que l’enfant a le menton appuyé sur un plateau, un tube à rayons X et un capteur numérique font le tour de sa tête pendant une vingtaine de secondes. L’image apparaît presque aussitôt sur l’écran.

Voir l’avenir

« Si j’avais un enfant de 6 ou 7 ans, c’est évident que je lui ferais passer un examen panoramique, indique la Dre Joanne Éthier, dentiste, enseignante à la faculté de médecine dentaire de l’Université McGill et consultante en radiologie dentaire et maxillo-faciale aux laboratoires d’analyse Imagix-Biron.

« Cette radiographie permet de voir ce qui se passe. Est-ce que les racines sont correctes ? Est-ce qu’il y a des dents surnuméraires ? Au contraire, va-t-il manquer des dents permanentes ?

— La Dre Joanne Éthier

« C’est important de le savoir à l’avance, pour que le dentiste puisse en aviser les parents. On peut intercepter des problèmes, pour que ça coûte moins cher plus tard. »

Exemple : chez certains enfants, l’éruption des canines ne se fait pas dans la bonne direction. « On peut alors extraire les canines primaires, pour rediriger l’angulation des canines permanentes », illustre la Dre Asselin. Plusieurs autres problèmes peuvent être détectés grâce au Panorex : kystes, tumeurs, fractures, etc.

Gratuites avant 10 ans

Les radiographies panoramiques prises en cabinet sont gratuites pour les enfants de moins de 10 ans, cet examen étant couvert par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ). Cela démontre leur utilité, « parce qu’habituellement, je peux vous dire que la RAMQ ne rembourse pas pour rien », observe avec humour la Dre Éthier.

En effet, l’assurance maladie paie pour les enfants de 9 ans et moins un examen annuel ainsi que les radiographies, anesthésies, obturations et extractions requises. Mais « les coûts d’un nettoyage, d’un détartrage, d’une application de fluorure et d’un scellement de puits et de fissures ne sont pas assumés par la Régie », détaille l’organisme gouvernemental.

Étonnamment, la RAMQ dit ne pas savoir combien d’enfants passent un Panorex chaque année. « La radiographie est comprise dans la rémunération de l’examen, indique Caroline Dupont, porte-parole de la Régie. Considérant cela, nous n’avons pas de statistique sur le nombre de radiographies panoramiques effectuées. »

Cliniques spécialisées

Bien des dentistes ont le coûteux appareil qui permet de faire le Panorex dans leur cabinet. Les autres dirigent les familles dans des cliniques spécialisées, comme le Centre d’imagerie médicale Clarke, Radimed ou Imagix-Biron. Encore là, ces examens sont couverts par la RAMQ si l’enfant a moins de 10 ans et une demande de consultation de son dentiste. En 2017, 521 jeunes ont passé un Panorex remboursé par la RAMQ en cabinet de radiologie.

Ce n’est pas l’acte médical le plus payant : la radiographie panoramique est facturée par un radiologiste « au montant de 16,10 $ pour la partie technique et 7,50 $ pour l’interprétation, précise Mme Dupont. La numérisation de l’imagerie majore la facturation de 15 %, le cas échéant ».

Autre radio vers 9 ans

La Dre Éthier conseille de faire une seconde radiographie panoramique quand l’enfant atteint environ 9 ans. Les adolescents et les adultes font aussi régulièrement des Panorex pour suivre l’évolution de leurs mâchoires et de leurs dents. Ces examens sont à leurs frais – seules les radios faites à l’hôpital sont gratuites, à moins de bénéficier d’une aide financière de dernier recours depuis au moins 12 mois.

Une radiographie panoramique est associée à une dose d’irradiation de 10 microsieverts, selon des documents transmis par l’Ordre des dentistes du Québec. Cela équivaut à deux radios rétrocoronaires, qui montrent les couronnes des dents supérieures et inférieures. « De telles doses sont considérées comme très faibles », souligne l’Ordre.

« On ne demande pas de radiographies pour le plaisir, souligne la Dre Asselin. La règle, c’est toujours d’exposer le patient le moins possible aux radiations. »

Enfants ayant bénéficié d’un examen dentaire (comprenant des radiographies, si nécessaire) remboursé par la RAMQ en 2016

Âge

Moins de 1 an : 815

1 an : 5370

2 ans : 19 682

3 ans : 46 454

4 ans : 53 728

5 ans : 57 662

6 ans : 59 267

7 ans : 60 420

8 ans : 57 217

9 ans : 57 485

Total : 418 100 enfants de moins de 10 ans

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Quand des dents manquent à l’appel

Jonathan Hamel, 7 ans, a de jolies petites dents de lait. L’une d’elles n’a jamais poussé, sans que cela se remarque. Début décembre, le garçon a passé une radiographie dentaire panoramique, pour voir ses futures dents permanentes. Verdict : six dents d’adulte manquent à l’appel. Elles ne feront jamais éruption.

Parmi les absentes, « il y a quatre dents d’en bas, celle du milieu, explique Julye Langlois, la mère de Jonathan. Et deux dents d’en haut, de chaque bord des palettes. Ça me fait peur. On parle quand même du futur de mon garçon. Les dents, c’est important. » Christopher, son fils aîné, âgé de 11 ans, a quant à lui une dentition normale.

Assez fréquent

L’agénésie – soit l’absence de formation d’une ou de plusieurs dents – est relativement commune. « Selon certaines études, la prévalence se situe entre 2 % et 10 % », précise un mémoire présenté par Christos Sideris à la faculté de médecine dentaire de l’Université de Montréal en 2009.

L’agénésie peut néanmoins causer des problèmes de langage, de mastication, d’estime de soi, etc.

La Dre Marie-Ève Asselin, dentiste et chef du département de médecine dentaire au Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, a transmis à La Presse la radiographie panoramique d’une fillette âgée d’une dizaine d’années.

« Il y a agénésie des dents permanentes 35 et 45, explique la Dre Asselin. Il s’agit d’une absence congénitale. On voit aussi le développement des dents permanentes. »

La RAMQ n’offre pas les implants

Quant à Jonathan, il a bientôt rendez-vous chez un orthodontiste pour connaître les solutions possibles. Le Dr Ghislain Duguay, son dentiste à la Clinique Dentaire Duguay Gaudreault de Québec, a refusé de commenter la radiographie panoramique du garçon, même si sa mère l’a autorisé à le faire.

Étonnamment, la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) ne rembourse pas les frais engagés pour les implants dentaires, même en cas d’agénésie. « Les implants ne sont pas couverts », confirme Caroline Dupont, porte-parole de la RAMQ.

Heureusement que Jonathan a toujours ses dents de bébé, à conserver le plus longtemps possible. « J’ai réalisé récemment qu’il n’aura pas la visite de la fée des dents aussi souvent que les autres enfants, observe Mme Langlois. Ce n’est pas grave… Mais j’ai réalisé ça. »

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