Indépendance de la Catalogne

Ultime délai de Madrid

Madrid a donné un ultime délai de trois jours au président séparatiste de la Catalogne après son refus de dire clairement, hier, s’il écartait une déclaration unilatérale d’indépendance. « Il n’y a pas une indépendance de facto », explique Maxime Saint-Hilaire, spécialiste du droit constitutionnel et professeur adjoint à la faculté de droit de l’Université de Sherbrooke.

Quel message Madrid envoie-t-il avec cet ultimatum ?

Au fond, Madrid dit qu’il n’a aucune intention de négocier. Ça, je pense que c’est assez clair. Il refuse l’ambiguïté d’une déclaration provisoire à laquelle Barcelone n’entend pas donner d’effet. En fait, Madrid demande : « Est-ce que vous avez déclaré l’indépendance ou non ? »

Le vote du 1er octobre était à 90 % pour l’indépendance, mais seulement 43 % des électeurs de la Catalogne sont allés voter, alors qu’on a déploré plusieurs incidents de violence policière et un boycottage de l’opposition. Est-ce que cela nuit au mandat de Carles Puigdemont ?

En droit interne espagnol, même si le taux de participation avait été élevé, il n’aurait pas eu un mandat plus fort pour négocier. En droit constitutionnel espagnol, la seule consultation possible sur l’indépendance de la Catalogne, ça aurait été un référendum national… Là, c’était un référendum unilatéral. Donc, aux yeux de la loi, il n’y a pas de mandat.

Sur le plan du droit international, ça change un peu la donne. Il n’y a pas de colonisation, d’occupation militaire par une puissance étrangère. Mais si l’on peut vraiment regretter – et c’est mon cas – la répression policière le jour du référendum, à mon avis, on n’est quand même pas dans une situation de violation massive des droits de l’homme qui fonderait un droit unilatéral. Donc, en droit international, la théorie dominante, c’est que ce n’est ni interdit ni permis. Ça devient une question politique, une question d’effectivité. Donc, il n’y a pas une indépendance de facto, l’État espagnol est encore bien présent sur le territoire de la Catalogne.

Le premier ministre espagnol Mariano Rajoy parle d’appliquer l’article 155 de la Constitution permettant la suspension totale ou partielle de l’autonomie de la Catalogne, du jamais-vu en Espagne depuis la dictature de Franco. Pourrait-on vivre de la violence en Catalogne ?

Je ne suis pas expert là-dedans et je ne veux pas faire de prévisions. Mais, personnellement, je ne pense pas. Carles Puigdemont, le chef du gouvernement autonome de la Catalogne, n’a jamais tenu un discours belliqueux. Il a dit qu’il préférait perdre dans la paix que l’inverse. Moi, je suis de ceux qui pensent qu’il essaie d’obtenir un pacte avec Madrid, puis éventuellement que ça débouche sur une modification de la Constitution. J’ai l’impression que c’est ça qu’on cherche à obtenir.

L’Union européenne pourrait-elle reconnaître la Catalogne ?

Ce serait parfaitement invraisemblable. Aux yeux de l’Europe, la Catalogne fait partie de l’Espagne. Le droit de l’Union ne s’intéresse pas à la question de la sécession. Il y a quand même 5 pays sur 28, dont l’Espagne, qui ne reconnaissent pas le Kosovo. Le Kosovo ne pourra jamais adhérer à l’Union européenne tant que tous les membres de l’Union ne le reconnaissent pas.

Chef de la police de la Catalogne arrêté

Hier, la cour a requis le placement en détention provisoire du chef de la police de la Catalogne, Josep-Lluis Trapero, poursuivi pour sédition, un crime passible de 15 ans de prison. Le gouvernement lui reproche son refus à se conformer aux injonctions de la justice pour empêcher la tenue du référendum d’autodétermination du 1er octobre. Le policier, considéré comme étant proche du président catalan, a finalement été laissé libre sous contrôle judiciaire : il lui est toutefois interdit de quitter le pays et il doit se présenter tous les 15 jours devant un tribunal.

Par ailleurs, deux dirigeants indépendantistes de la Catalogne, Jordi Sanchez, de l'Assemblée nationale catalane, ainsi que Jordi Cuixart, de l'association Omnium Cultural, ont été envoyés en prison hier après avoir été interrogés par un juge en attendant que l'enquête sur de possibles accusations de sédition soit terminée.

— Avec l’Agence France-Presse

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.