Chronique

Bonifier le RRQ, pas juste à moitié !

Même si janvier est le mois des soldes, les Québécois n’ont pas envie d’une retraite au rabais. Et je les comprends.

Depuis le temps qu’on réfléchit à une bonification du Régime des rentes du Québec (RRQ), pourquoi se contenter de la proposition de Québec qui est deux fois moins généreuse que celle qu’a avancée Ottawa et que les neuf autres provinces ont adoptée en juin dernier ?

La semaine dernière, les critiques ont fusé de toutes parts lors des auditions des consultations sur l’avenir du RRQ. Elles sont venues des plus jeunes (Force Jeunesse) comme des plus âgés (FADOQ). De la gent féminine (Fédération des femmes du Québec) comme des syndicats (FTQ, CSQ).

Même l’inventeur de la rente longévité, l’ancien patron du Mouvement Desjardins Alban D’Amours, et ses acolytes ont préféré se rallier à la solution d’Ottawa. Selon eux, l’option du fédéral répond beaucoup mieux aux besoins des Québécois de la classe moyenne, ceux-là mêmes qui ont le plus besoin d’une réforme.

En fait, quand on épluche les mémoires qui ont été déposés dans le cadre des consultations, on voit bien que la solution au rabais de Québec ne plaît qu’aux lobbys des employeurs et des institutions financières. Et encore, ils préféreraient le statu quo. Bonification zéro.

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Mais l’heure n’est plus à se demander s’il faut bonifier, oui ou non. Ça fait assez longtemps qu’on y songe. Allez hop, action !

Autrement, de larges pans de la classe moyenne vont manquer d’épargne à la retraite. En ce moment, près de 60 % des personnes qui gagnent moins de 50 000 $ ne mettent pas un sou de côté pour leurs vieux jours, ni dans un régime de retraite ni dans un REER. Ça ne sera pas beau tout à l’heure !

Avant d’agir, les institutions financières voudraient pourtant qu’on attende de voir l’effet du nouveau régime volontaire d’épargne-retraite (RVER) que les entreprises québécoises n’ayant pas de régime de retraite vont devoir offrir à leurs employés graduellement.

Mais comme son nom l’indique, le RVER reste un régime volontaire. D’après les premiers sons de cloche, près de la moitié des employés s’en désistent. Et les cotisations par défaut établies à 2 ou 4 % sont insuffisantes. Bref, le RVER est un outil trop modeste pour être une solution complète.

De leur côté, les employeurs affirment qu’ils n’ont pas les moyens de contribuer. Il est vrai que les taxes sur la masse salariale sont plus élevées au Québec qu’ailleurs au pays. Il est aussi vrai que le taux de cotisation au RRQ est supérieur à celui du Régime de pensions du Canada (RPC), son jumeau dans le reste du Canada.

Mais la bonification d’Ottawa n’est pas la mer à boire. En ce moment, le RRQ/RPC permet de remplacer jusqu’à 25 % des revenus d’emploi pour les gens qui demandent leur rente à 65 ans. Ottawa voudrait faire passer ce taux à 33 %. C’est loin des 40 % que l’Ontario réclamait, loin des 50 % dont rêvaient les syndicats.

Il y a des limites à mettre de l’eau dans son vin.

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Si la proposition de Québec est beaucoup moins généreuse, c’est que la bonification ne s’appliquerait pas sur la première tranche de 27 000 $ de revenus.

L’idée est d’éviter de faire cotiser des gagne-petit qui n’en ont pas les moyens et qui profiteraient assez peu de la bonification de leur rente parce que cette hausse de revenus à la retraite leur ferait perdre le Supplément de revenu garanti (SRG).

En soi, l’objectif est louable. Mais le fédéral y a pensé aussi. Pour ne pas nuire aux personnes à faibles revenus, Ottawa veut augmenter la Prestation fiscale fédérale pour le revenu de travail, ce qui compenserait immédiatement les cotisations additionnelles qu’elles devront verser.

Voilà qui règle la question des bas salariés.

Qu’en est-il des personnes de la classe moyenne ? Québec peut bien dire que leur taux de remplacement des revenus passerait à 33 % selon sa proposition. Mais c’est un leurre.

Comme ceux-ci ne cotiseraient pas sur la première tranche de 27 000 $, leur vrai taux serait bien plus bas en réalité, autour de 29 % pour un travailleur gagnant environ 55 000 $.

Ces travailleurs n’auraient donc droit qu’à la moitié de la bonification d’Ottawa. Malheureusement, ce n’est pas assez pour régler les problèmes. Et il n’y a pas de raison que les Québécois soient les parents pauvres de la retraite au pays.

Voilà pourquoi la plupart des observateurs se rangent du côté de la solution d’Ottawa, qui a aussi le grand mérite de maintenir l’harmonisation entre le RRQ et le RPC. Cela facilitera la vie des entreprises qui ont des employés d’un océan à l’autre.

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Même si la bonification du RRQ a été l’élément phare des consultations, l’exercice de la semaine dernière a permis à Québec de tâter le terrain sur plusieurs autres changements cruciaux.

Faut-il relever l’âge de la retraite anticipée ? Doit-on modifier l’indexation des rentes ? Devrait-on ajuster leur versement en fonction de l’évolution de l’espérance de vie ? Comment adapter la rente de conjoint survivant, les rentes d’invalidité, la prestation de décès ? Ouf ! Ça en fait, des questions !

Mais comme le gouvernement a déposé ses documents préparatoires juste avant Noël, plusieurs groupes ont couru pour pondre leur mémoire à un mois d’avis incluant la période des Fêtes.

D’autres ont eu du mal à se faire entendre, car les consultations n’ont duré que quatre jours. Dommage, car ces enjeux de société majeurs méritent un débat en soi.

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