Hockey junior

Dans le gym à 9 ans

Toujours plus forts, toujours plus tôt. La préparation physique prend de plus en plus de place chez les jeunes hockeyeurs. L’un des meilleurs espoirs québécois en vue du prochain repêchage de la LNH, fils de culturiste, en est le meilleur exemple. Julien Gauthier est une « machine d’entraînement » qui a connu son baptême du gym à… 9 ans. Portrait d’un hockeyeur de la nouvelle génération.

VAL-D’OR — Sur la glace du Centre Air Creebec, il est impossible de le manquer. L’ailier droit de 6’4 et 225 lb, vêtu du vert forêt des Foreurs de Val-d’Or, traverse la glace comme une fusée. Face à lui, les Remparts de Québec n’ont d’infranchissables que le nom. Quand Julien Gauthier décide d’aller devant le filet des visiteurs, il n’y a personne pour l’empêcher.

Avant le match, dans son bureau situé dans les entrailles de l’aréna défraîchi, l’entraîneur abitibien Mario Durocher parle du joueur de 18 ans. « Pour moi, il y a un mot qui le décrit, et c’est “puissance”. Julien est probablement le meilleur athlète de son groupe d’âge au Canada. »

Ses qualités ne sont pas passées inaperçues. Lors de son évaluation préliminaire des espoirs en vue du prochain repêchage, la Centrale de recrutement de la LNH n’a désigné que deux joueurs de la LHJMQ susceptibles d’être choisis au premier tour. Le premier est Pierre-Luc Dubois, des Screaming Eagles du Cap-Breton, l’autre est Julien Gauthier.

« Sa puissance, on la voit sur la glace. Il est capable de déborder les gars, il a un bon lancer, il a tous les outils d’un bon joueur de puissance. Il a des jambes extrêmement puissantes et son haut du corps est quand même bien développé pour un jeune de 18 ans. »

— Mario Durocher

En entrevue, Julien Gauthier est souriant et généreux. Il n’est pas encore blasé par les journalistes et leurs questions. Parfois, il démontre même une candeur adolescente. « Vous ne me prendrez pas en photo en bas de la taille, hein ? Parce que mes pantalons ont pas rapport, mes souliers non plus ! »

Quand il parle de son enfance, Julien Gauthier rappelle qu’il vient d’une famille de sportifs. Son oncle Denis Gauthier a connu une belle carrière de défenseur dans la Ligue nationale. « Il passe à L’antichambre, maintenant », précise Julien. Son grand-père Denis a été culturiste et lutteur, a remporté Monsieur Canada et été classé deuxième à Monsieur Univers.

Mais c’est son père Martin qui a pris la plus grande place dans son parcours. À 18 ans, en 1984, il a remporté le concours Monsieur Canada. C’est lui qui a supervisé le long et patient développement physique de son fils. Il a commencé à travailler avec lui dès l’âge de 9 ans.

« J’ai été chanceux, Julien a pris le chemin facile : il a décidé d’écouter, explique Martin Gauthier en entrevue. Il est sérieux, il est smatte, il est discipliné et il travaille à l’école. Il y a bien des parents qui aimeraient avoir un kid comme ça. C’est un bon petit gars. »

Quand Martin a commencé à entraîner son fils, des gens ont critiqué son approche : il commençait trop tôt, selon eux.

« Il y avait des parents qui me disaient : “Qu’est-ce que tu fais ? Il va rester petit si tu l’entraînes jeune comme ça !” C’est absurde cette idée que tu vas rester petit. Aujourd’hui, il mesure 6’4 ! »

« Les gens ont l’impression que s’entraîner, c’est arriver au gym et lever des charges très grosses au-dessus de la tête. Mais il y a mille façons de s’entraîner », dit M. Gauthier, qui est aussi chiropraticien.

ENTRAÎNEMENT « APPROPRIÉ »

La littérature scientifique donne raison à l’approche de Martin Gauthier. « Un programme de musculation approprié n’a pas d’effet apparent sur la croissance » et donne des bénéfices, selon l’Académie américaine de pédiatrie. La clé repose bien sûr dans le mot « approprié ».

« Je ne l’ai jamais forcé à aller s’entraîner. C’est toujours venu de lui. Je me suis monté un gym au sous-sol à la maison, raconte Martin Gauthier. Je me disais au début que ça allait peut-être juste ramasser la poussière. Mais finalement, Julien l’a usé à la corde. L’été, c’est une vraie machine d’entraînement. »

« Je m’entraîne tout le temps. Je pense que je m’entraîne plus que la moyenne des joueurs. Je ne critique personne, mais moi, c’est mon choix de vie, explique le fils. Je me dis que l’été, trois heures d’activité physique par jour, ça ne peut pas me tuer. Je me couche de bonne heure, je ne sors pas, je ne bois pas, je ne me drogue pas. »

Julien est persuadé que sa condition physique au-dessus de la moyenne explique son succès. Il se décrit comme un attaquant de puissance. Son style l’oblige à aller dans le trafic.

« Faut que je me mette devant le gardien, que je prenne les rebonds. Y a des gens qui disent que c’est pas des beaux buts, mais à la fin de l’année, la feuille de pointage ne dit pas que t’as mis un but avec tes jambières, avec ta face ou ton coude ! »

— Julien Gauthier

La recette semble fonctionner. À sa première année avec les Foreurs, le sixième choix au total du repêchage de la LHJMQ a pu soulever la Coupe du Président aux côtés d’Anthony Mantha. L’année dernière, il s’est surpris lui-même avec 38 buts et 35 passes en 68 matchs.

Il a été invité l’été dernier au camp d’Équipe Canada junior, où il s’est attiré les éloges des entraîneurs. Il était le plus jeune joueur là-bas. Il espère maintenant gagner sa place pour le Mondial junior lors du camp de sélection en décembre.

Au fil des ans, certains auraient pu demander à Julien Gauthier de changer de préparateur physique. Mais il assure que même son agent, Pat Brisson, comprend que la formule père-fils fonctionne bien. « Il voit que la recette fonctionne, que j’ai une bonne puissance. Alors ça lui va très bien que je continue avec lui. »

« Regardez Brendan Gallagher, fait valoir Martin Gauthier. Lui aussi est le fils d’un préparateur physique. Gallagher est capable d’aller jouer dans la congestion. C’est sûr que Julien fait 6’4, alors c’est un peu différent, mais il a la même force. »

« Selon moi, le hockey est beaucoup en retard sur le football en matière d’entraînement à un jeune âge, soutient Martin Gauthier. Moi, je dis que c’est l’avenir de notre sport. C’est la prochaine génération. »

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