HOCKEY

Les futurs médecins de la LNAH

La Ligue nord-américaine de hockey (LNAH) est surtout réputée pour les combats et les goons. Mais elle compte aussi deux joueurs qui sont résidents en médecine et qui assurent que le jeu s’y améliore d’année en année. Leur ligue est simplement victime de la méconnaissance du public et des médias, selon leur diagnostic.

Un vendredi fin novembre, un médecin résident de 29 ans travaillait dans une clinique sans rendez-vous de Lévis. Il a passé la journée à recevoir les patients. Puis à 17 h 30, sa journée finie, il a regardé sa montre, s’est rendu compte qu’il allait être en retard et a sauté dans sa voiture.

Martin Nolet avait un match de hockey ce soir-là, avec son équipe du Cool FM de Saint-Georges, dans la Ligue nord-américaine de hockey (LNAH).

Le défenseur a mangé au volant et est arrivé 30 minutes avant l’échauffement. Nolet surprend bien des gens quand il leur annonce qu’il joue dans cette ligue, reconnue pour ses bagarres, depuis maintenant cinq ans.

Il n’est d’ailleurs pas le seul futur médecin à y jouer, puisqu’on y trouve un autre résident, aussi âgé de 29 ans. Les deux assurent que leur ligue ne correspond plus à l’image qui en est véhiculée dans les médias.

« J’ai encore une passion pour le hockey », explique Stéphane Boileau, attaquant de l’Assurancia de Thetford Mines.

« J’en suis à ma cinquième saison dans la LNAH et ça me permet de me changer les idées par rapport à mes études. Ça reste du hockey compétitif. » 

— Stéphane Boileau

Les deux joueurs, qui sont aussi des amis, sont arrivés au hockey semi-professionnel et à la médecine par le même chemin. Ils étaient de bons jeunes joueurs, mais ont à un moment de leur cheminement choisi les études avant le hockey.

Stéphane Boileau appartenait aux Cataractes de Shawinigan dans la LHJMQ, mais a préféré aller jouer aux États-Unis. « C’était pour les études, dit-il. Déjà à l’âge de 7 ans je savais que je voulais aller en médecine. Mon père est médecin. »

Il est donc parti jouer à Union College dans l’État de New York et en est revenu avec un diplôme en neurosciences. Martin Nolet – surnommé le « Doc » Nolet dans la ligue – est quant à lui parti étudier la neuropsychologie à l’Université du Massachusetts à Amherst.

Quand ils sont rentrés au Québec, ils ont entamé des études de médecine à l’Université de Sherbrooke. Ils sont devenus colocs. Mais ni l’un ni l’autre n’avait envie de raccrocher ses patins tout de suite.

« Après l’université, j’ai joué un an dans l’ECHL, explique Martin Nolet. J’aurais pu continuer chez les pros. Mais j’étais bon à l’école. J’ai décidé d’aller en médecine. C’était ma deuxième passion. Mais je ne me voyais pas arrêter de jouer. »

À l’époque, la LNAH avait une équipe à Windsor. C’est là que Nolet et Beaulieu ont reçu leur baptême du semi-pro. « Le salaire m’a permis de payer mes études et mon appartement. Tout ça a joué au moment de choisir la LNAH », explique Boileau, en référence au salaire qui oscille entre 250 et 400 $ par match.

MAUVAISE PRESSE

Au fil des ans, les deux joueurs ont appris à concilier leur horaire d’étudiant – puis de résident en médecine – à celui de joueur semi-professionnel. La LNAH n’est pas trop exigeante de ce point de vue, puisque les équipes ne jouent pas de matchs en semaine et ont rarement des entraînements obligatoires.

Ils ont aussi pu constater que leur nouvelle ligue avait mauvaise presse. Historiquement, la LNAH était la ligue où se produisait le plus grand nombre de bagarres au monde. Selon le site dropyourgloves.com, les cinq joueurs ayant participé au plus grand nombre de bagarres dans l’histoire du hockey ont tous évolué dans la LNAH.

Mais dans les dernières années, les bagarres générales ont à peu près disparu dans la plus populaire ligue semi-pro du Québec. Le nombre moyen de bagarres par match est passé de 4,5 en 2006-2007 à 2,7 la saison dernière.

« Ce qui me déplaît, et je le dis avec respect pour les journalistes, c’est la couverture ultra négative de la ligue. » — Martin Nolet

« C’est comme si on ne couvrait la Ligue nationale qu’en présentant les bagarres, rien d’autre ; pas les beaux jeux, pas les buts… », déplore Martin Nolet.

« La ligue a changé. Dans le temps du Radio X à Québec, quand il y avait 15 000 spectateurs et 19 combats avant la première mise en jeu, peut-être. Mais maintenant on a un ou deux goons par équipe. Ils se battent une fois et c’est fini, dit-il. Ça fait cinq ans que je suis dans la ligue et je remarque que la qualité des joueurs s’améliore d’année en année. »

La LNAH ne détient même plus le titre de ligue la plus violente au Québec. La Ligue de hockey senior A de la Mauricie (LHSAM) le lui a ravi avec 3,16 combats par match en moyenne l’an dernier.

Stéphane Boileau est un bon exemple : en cinq saisons dans la LNAH, il ne s’est jamais battu. Il a plutôt fait parler de lui l’an passé en réalisant un sauvetage sur la glace. Un joueur de l’équipe adverse a été accidentellement coupé au poignet par une lame de patin. Le futur médecin l’a pris en charge en attendant l’ambulance. L’affaire a été rapportée dans les médias, une rare couverture positive pour la ligue.

« La réputation de la ligue est difficile à changer, croit Stéphane Boileau. Je pense que plusieurs amateurs ne se donnent pas la peine de venir voir d’eux-mêmes à quoi ressemble notre hockey. La ligue a changé. C’est dommage parce que presque toutes les équipes écopent et vivent des diminutions d’assistance. »

Martin Nolet ne pense pas pouvoir continuer dans la LNAH l’an prochain. « L’année prochaine, je vais devoir trouver un poste plus définitif. C’est un processus compliqué. Alors peut-être que cette saison est ma dernière », explique le futur médecin de famille.

Boileau, qui relève de l’hôpital Pierre-Le Gardeur de Repentigny pour sa résidence, pense pouvoir conjuguer sa vie de médecin et sa carrière de hockeyeur semi-pro. « Probablement que je vais essayer de continuer. Est-ce que je vais continuer quand je vais être patron ? Probablement. Peut-être que je vais manquer un match ou deux, mais ce serait possible. Je n’ai pas l’impression d’en avoir fini avec le hockey. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.