À table avec Martine Desjardins

La politique ?
Oui, madame !

Lorsque j’arrive au restaurant Universel, rue Saint-Denis, pas loin de l’UQAM, mais surtout pas loin des bureaux de la Fédération étudiante collégiale du Québec, l’association qui a fait de ce restaurant une sorte de cafétéria du mouvement étudiant en 2012, elle est déjà bien installée.

« Il s’en est négocié, des stratégies sur ces banquettes », dit Martine Desjardins en avançant vers les fenêtres, où la lumière permet de meilleures photos. « Celle où je me suis assise, dans le fond, j’en ai passé du temps, assise là, avec Léo… »

Léo, c’est Léo Bureau-Blouin, un des leaders étudiants avec qui l’ancienne présidente de la Fédération étudiante universitaire du Québec a mené, en 2012, l’un des plus vastes mouvements de révolte organisée de jeunes que le Québec ait connus. Léo, c’est aussi le jeune homme qui s’est engagé, comme elle, pour le Parti québécois et qui, après une première victoire à l’automne 2012, a été défait. Martine Desjardins était également candidate pour le PQ à ces dernières élections, dans Groulx, une circonscription de la couronne nord, et vient elle aussi d’être battue.

Pour se présenter aux élections, elle a laissé tomber tout le travail qu’elle avait commencé dans les médias, notamment au 98,5 FM, à LCN, au Journal de Montréal, à Bazzo.tv. Aujourd’hui, elle n’a donc pas de job de député, plus de contrat dans les médias, plus rien. Le doctorat en éducation commencé avant de devenir présidente de la FEUQ à temps plein a été mis de côté pour de bon et ne sera jamais terminé. « La situation pourrait m’angoisser, mais ça ne m’inquiète pas vraiment », dit-elle avec un sourire franc. À 32 ans, elle se dit qu’elle devrait aussi peut-être avoir une maison, des enfants, un chien, ce qu’elle n’a pas. Mais elle se reprend aussitôt. « Disons que je suis plutôt atypique. »

La jeune femme sait que l’avenir lui apportera d’autres projets. Il y en a déjà sur la table dont elle ne peut encore parler. Pour le moment, l’heure est plutôt aux choix. Un choix fondamental, en fait. Veut-elle être observatrice ou militante ?

« J’aime le recul et l’analyse, mais j’aime aussi vraiment m’engager dans des causes. Il
faut que je voie où je veux aller maintenant. C’est un choix assez déchirant ! »

— Martine Desjardins

On se rencontre au lendemain du dévoilement du cabinet du nouveau premier ministre libéral Philippe Couillard, et Martine Desjardins n’a pas de félicitations à lui adresser. « Ça me choque, la sous-représentation des femmes », dit-elle. « De façon générale, cette élection a fait reculer les femmes », ajoute l’ancienne candidate. La défaite cinglante de Pauline Marois, le peu de femmes au cabinet, toutes hors des postes-clés économiques, la chute du nombre de députées, qui sont passées de 41 à 34…

FEMME POLITIQUE

Elle, en tout cas, jure qu’elle va continuer à faire de la politique. « J’ai adoré faire campagne », dit-elle. « Aller devant les épiceries et serrer les mains des gens ? Il n’y a rien de plus l’fun que ça ! »

Desjardins se présentait dans une circonscription qui a choisi un député de la Coalition avenir Québec, Claude Surprenant, par une majorité de 256 voix. Les trois candidats principaux, même le libéral, ont chacun obtenu 30 % des appuis. Desjardins estime s’en être très bien tirée. « Je me dis que c’est quand même 30 %, ce qui est cinq points plus haut que le pourcentage national du vote pour le PQ… »

J’écoute Martine Desjardins parler et un mot revient sans cesse : équipe. Qu’elle parle de politique, de militantisme étudiant, de sport. Desjardins est une grande joueuse de soccer et de handball. Faisant même partie de l’équipe provinciale. Elle est allée étudier à l’Université de Sherbrooke notamment pour pouvoir jouer au soccer avec le Vert & Or. De toute évidence, Desjardins aime les projets qui se font en « gang ».

Elle ne s’ennuie pas de l’année 2012 et de l’intensité du mouvement étudiant. Et toute l’attention qui s’est retrouvée sur elle n’a pas toujours été facile à gérer. « Pour briser des plafonds de verre, il faut être faite forte ! », lance-t-elle. Mais elle garde de très bons souvenirs de l’expérience, du sentiment d’avoir accompli quelque chose collectivement. Une adrénaline qu’elle a sentie de nouveau sur le terrain en campagne électorale. « C’est sûr que je suis déçue du résultat », admet-elle. « Mais j’ai aimé l’effervescence, le terrain, le travail d’équipe. »

Martine Desjardins est souverainiste, elle va « toujours le rester ». Mais elle reconnaît que la peur d’un nouveau référendum a joué un rôle dans la défaite du PQ et passe vite par-dessus le sujet. La cause qui l’inspire le plus, pour le moment, ce n’est pas de « prendre le bâton du pèlerin » pour réexpliquer la nécessité de l’indépendance. Son nouveau sujet de prédilection, c’est la place des femmes dans nos démocraties. C’est de ça qu’elle a envie de parler. De la sous-représentation en politique, de la sur-responsabilisation des femmes dans la vie quotidienne, de la vigilance face aux demandes des orthodoxes religieux, de l’importance de bâtir des réseaux de femmes dans tous les secteurs… « Rien n’est acquis », dit-elle.

À suivre.

À table avec Martine Desjardins

MARTINE DESJARDINS

32 ans

Née à Laval, habite Montréal, a étudié à Sherbrooke.

Présidente de la Fédération étudiante universitaire du Québec de 2011 à 2013.

Au premier plan de la révolte étudiante de 2012.

Candidate défaite du Parti québécois dans Groulx.

Amie de Lise Payette, qui est devenue une sorte de mentor. Dans le documentaire de Jean-Claude Lord et Flavie Payette-Renouf qui vient d’être diffusé, Mme Payette souligne l’engagement de la jeune politicienne et dit qu’elle voit en elle l’avenir des femmes québécoises en politique.

Grande joueuse de soccer
et de handball.

À table avec Martine Desjardins

NOUS AVONS MANGÉ…

Nous avons mangé au restaurant Universel, rue Saint-Denis, près du carré Saint-Louis. Avec son style un peu hôtelier brun et orange, ce restaurant tranche avec les tables de type plus bistro de ce quartier. Ici, on sert des petits-déjeuners à longueur de journée, on dit « breuvage » et le menu est composé autant de salades que de poutine, ailes de poulet, soupe à l’oignon et brochettes de filet mignon. J’ai pris une salade verte et une omelette western – oignon, poivron, jambon – servie baveuse, comme je l’avais demandée. Un classique bien fait. Martine Desjardins a pris une grande salade de légumes variés, avec du saumon grillé. Les légumes avaient l’air frais. Je n’y ai pas goûté.

À table avec Martine Desjardins

MARTINE DESJARDINS AIME…

Tous les disques de Sarah Slean, une chanteuse ontarienne, mais écoute particulièrement son dernier album, Land and Sea.

Regarder la télévision : elle vient de dévorer la nouvelle saison de House of Cards sur Netflix et est plongée dans Game of Thrones.

A hâte de lire Petit-déjeuner compris de Sylvie Payette, qui sort cette semaine. Elle a lu quelques pages du roman de la fille de Lise Payette et mère de Flavie Payette-Renouf – la jeune femme est une amie. « Et je sais que je vais adorer ça. »

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