Trump souffle le chaud et le froid
Difficile de suivre le président désigné Donald Trump dans le dossier climatique depuis quelques jours.
Après avoir affirmé sur Twitter que les changements climatiques étaient un canular des Chinois afin de nuire à l’économie américaine, après avoir promis qu’il répudierait l’accord de Paris, il dit maintenant qu’il veut garder « l’esprit ouvert » à propos des changements climatiques. Qu’il y a peut-être un lien (« some connectivity ») entre la pollution humaine et le climat. Tout dépend de « ce que ça va coûter à nos entreprises ».
Ces propos, tenus en entrevue lundi avec l’équipe du New York Times, viennent après la nomination de Myron Ebell comme responsable de l’Agence de protection environnementale (EPA) dans son équipe de transition.
Cet historien et politologue de formation fait carrière depuis 1998 comme un des principaux négateurs de la science du climat, financé par les grandes entreprises pétrolières et charbonnières par l’entremise du Competitive Enterprise Institute.
Et hier, le journal The Guardian a rapporté les propos de Robert Walker, proche conseiller de Trump et ancien représentant au Congrès, où il a présidé le comité de la Chambre sur la science, l’espace et la technologie.
Selon M. Walker, la NASA n’a pas sa place dans l’étude de la planète Terre, et l’agence devrait se tourner entièrement vers l’espace lointain (deep space) afin de réaliser la promesse de M. Trump de visiter l’ensemble du système solaire d’ici la fin du siècle.
« La recherche sur la Terre serait plus à sa place dans d’autres agences dont c’est la première mission. »
— Robert Walker, conseiller de Donald Trump, en entrevue avec le Guardian
La NASA est l’un des berceaux de la science climatique moderne, basée sur les observations satellitaires et la modélisation.
Le Goddard Institute for Space Studies (GISS) a été créé en 1961 par la NASA pour étudier la Terre, en particulier son atmosphère, ainsi que les autres planètes et leurs relations avec le Soleil.
Dirigé pendant 30 ans par le célèbre climatologue James Hansen, puis par Gavin Schmidt depuis 2014, le GISS est l’un des piliers mondiaux de la science climatique.
Michel Béland, chercheur émérite à Environnement Canada et ex-président de la Commission des sciences de l’atmosphère à l’Organisation météorologique mondiale, s’inquiète pour le sort de la science climatique à la NASA, bien qu’il y ait d’autres institutions importantes dans le domaine.
« La NASA conçoit des satellites de recherche, et elle a aussi quelques laboratoires de recherche liés aux données satellitaires, dit-il. Elle est le troisième joueur en importance aux États-Unis, après la NOAA [National Oceanic and Atmospheric Agency] et le NCAR [National Center for Atmospheric Research], un consortium d’une centaine d’universités dont le siège social est à Boulder, au Colorado. Il y a aussi le département de l’Énergie qui fait tourner un des ordinateurs les plus puissants du monde pour la simulation climatique, avec son propre modèle climatique. »
Toutes ces organisations dépendent de fonds fédéraux : autant de moyens pour M. Trump d’influencer la science du climat, à la NASA comme ailleurs, estime M. Béland.
Cela aurait des répercussions mondiales, selon lui : « Si la NASA se concentre sur le “deep space”, il y aura un impact pour la communauté internationale. Ça sert à tout le monde, ces satellites. Et le NCAR joue un rôle central dans la mise à niveau des modèles climatiques. Tous les six ou sept ans, il y a des simulations en parallèle des différents modèles. Ça coûte énormément cher de faire ça. Si les budgets sont coupés, ce serait vraiment un coup dur pour la communauté internationale. »
L’agence spatiale américaine remplit et prépare des dizaines de « missions » d’observation de notre climat. En voici cinq.
CLARREO
Projet visant à lancer de nouveaux satellites afin de raffiner l’observation du climat terrestre.
Aquarius
Observation satellitaire de la salinité de l’océan et des courants marins. Collaboration avec l’Argentine.
SMAP
Satellite spécialisé lancé en 2015 qui mesure le taux d’humidité des sols. Permet de mieux prévoir les sécheresses et les inondations.
ICESat-2
Doit remplacer l’an prochain ICESat-1, un satellite qui permet d’observer et de mesurer les surfaces glacées et enneigées.
OCO-2
Lancé en 2014, ce satellite mesure depuis l’espace le taux dans l’atmosphère de CO2, principal gaz à effet de serre.