Déglaçage des routes

Les dommages causés par le sel de voirie

L’épandage de sel de déglaçage peut perturber les sols, la végétation, la faune,
les eaux de surface et les eaux souterraines, en plus de contaminer l’eau des puits domestiques. Sans parler des effets corrosifs du sel sur la carrosserie des automobiles
et sur les infrastructures routières. Examen de quelques cas connus au Québec.

LA VÉGÉTATION

Le sel produit des effets très variés sur la végétation. Lorsqu’il est absorbé dans le sol, il peut s’infiltrer dans les plantes par les racines et causer un stress osmotique qui nuit à l’absorption d’eau. Le développement racinaire des jeunes plants porteurs de fleurs ou de fruits peut être perturbé. Dans certains cas, des effets ont été observés jusqu’à 80 mètres d’une emprise d’autoroute. Une étude américaine a estimé, en 2010, que 15 % des arbres situés en bordure des routes peuvent être perturbés par le sel de voirie.

En 2008, pour répondre aux inquiétudes de producteurs agricoles de la Montérégie, Transports Québec a commandé une étude sur la dispersion du sel soulevé par le passage des véhicules sur une chaussée mouillée.

Selon l’étude, les échantillons de sol prélevés en deçà de 25 mètres de la bordure asphaltée « contenaient des concentrations supérieures aux seuils critiques pour le développement racinaire », et les impacts sur la concentration en sodium du sol étaient mesurables jusqu’à 30 mètres de la chaussée.

LES LACS ET RIVIÈRES

Le sel de voirie est entraîné par les eaux de ruissellement, lors de la fonte des neiges, et se fraie aisément un chemin vers les rivières et les lacs, où il peut perturber le brassage printanier des eaux qui permet de redistribuer l’oxygène dans le lac, les étangs ou les terres humides situées en bordure des routes.

Depuis le milieu des années 2000, la santé du lac Clément, situé aux limites de la ville de Québec et des Cantons unis de Stoneham-et-Tewksbury, inquiète les riverains. Le lac est situé à proximité de l’autoroute 73 et du boulevard Talbot.

En 2008, une étude a relevé une teneur en chlorures anormalement élevée dans le lac et les tributaires qui drainent le réseau routier. Les concentrations mesurées sont de 10 à 60 fois supérieures aux concentrations attendues dans la région et mesurées dans des lacs voisins.

Les ions chlorures peuvent affecter jusqu’à 10 % des espèces de poissons vivant en eau douce, si elles sont exposées à une concentration de chlorure de 240 mg/l de façon chronique. Dans le fond du lac Clément, les concentrations de chlorure mesurées ont atteint de 390 à 550 mg/l, « ce qui porte à croire qu’un effet toxique sur l’écosystème aquatique est possible », selon la plus récente étude de suivi, datant de 2012.

EAU SOUTERRAINE–
PUITS D’EAU POTABLE

Une partie importante du sel épandu sur la chaussée en hiver se retrouve dans le sol. Au début des années 2000, Environnement Canada a estimé que de 10 à 60 % du sel épandu sur les routes aboutit, au fil des précipitations et au moment de la recharge printanière des aquifères, dans des nappes d’eau souterraines superficielles où des dizaines de milliers de Québécois puisent leur eau potable.

Des cas avérés de contamination de puits ou de nappes phréatiques par du sel de voirie ont été documentés à Sainte-Julienne, dans Lanaudière, et dans les anciennes municipalités de Cap-de-la-Madeleine et de Trois-Rivières-Ouest, en Mauricie.

L’an dernier, le centre de recherche RIVE du département des sciences de l’environnement à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) a publié une étude de caractérisation des eaux souterraines de tout le sud-ouest de la Mauricie. Ces analyses ont révélé que 5 % des puits étaient contaminés au chlorure, et 3 % au sodium.

« Ces concentrations élevées dans les nappes libres seraient liées à l’épandage de sels déglaçants », conclut le rapport, qui recommande « de diminuer les quantités de sel épandu dans l’aire d’alimentation des puits ou de trouver des solutions alternatives aux méthodes et aux produits d’épandage actuellement utilisés ».

INFRASTRUCTURES

Le sel déglaçant endommage les ponts et les infrastructures routières. Le sel de voirie pénètre le béton et ronge les armatures d’acier. La corrosion par le sel a été un facteur dans l’effondrement du viaduc de la Concorde, à Laval, qui a fait cinq morts et six blessés en 2006.

« Le ministère des Transports du Québec (MTQ) ne calcule pas spécifiquement la valeur des dommages causés par le sel, indique un porte-parole, Guillaume Paradis, car les dommages aux structures sont la résultante de plusieurs éléments, comme les cycles gel-dégel, des détails de conception ou la sollicitation par les charges quotidiennes des véhicules. »

En 1991, un organisme de recherche américain, le Transportation Research Board, a calculé que les coûts de restauration des ponts endommagés par le sel s’élèveraient à entre 50 et 200 millions par année, pendant 10 ans.

En utilisant la même méthode, l’État du Michigan a estimé que les dommages à ses structures dus à l’action corrosive du sel s’élevaient à entre 11,2 et 25,5 millions par année.

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